Appareil locomoteur
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde Article rédigé d’après une communication de Duvauchelle Wache A., Petitprez M., Dod Ioan E., et al, « La dermatite digitale chez les jeunes bovins à l’engraissement », présentée lors des 26e journées 3R, qui se sont tenues à Paris, les 7 et 8 décembre 2022.
La dermatite digitale (DD) est une lésion podale ulcérative des bovins, favorisée par plusieurs facteurs1, et dont le principal agent responsable est une bactérie (tréponème). Très répandue en élevages bovins laitiers (35 % des vaches atteintes en France2), la maladie est de plus en plus fréquemment rapportée en filière allaitante3, bien qu’elle soit encore méconnue. Ainsi, en 2018, une quinzaine d’éleveurs engraisseurs de jeunes bovins (JB) allaitants de l’Aisne ont signalé une importante augmentation du nombre d’animaux sévèrement boiteux. À la suite de la découverte de lésions de DD dans l’un de ces élevages, la chambre d’agriculture de l’Aisne a lancé un projet multipartenarial4 cofinancé par l’Europe et par la région Hauts-de-France, dont l’objectif principal était de décrire la maladie et d’émettre des hypothèses sur les facteurs de risque favorisant son développement dans les ateliers d’engraissement de JB allaitants.
Une étude descriptive et analytique
Dans cette étude, 4 ateliers, a priori sains, et 4 ateliers, a priori atteints, ont été étudiés (historique de l’élevage sur l’année précédente). Dans chacun d’entre eux, 1 à 3 lots de 11 à 27 JB ont été suivis. Pour tous les animaux concernés, les quatre pieds ont été observés par un pareur professionnel au début, au milieu et à la fin de l’engraissement. L’ensemble des lésions podales visibles sans parage ont été enregistrées et les lésions de DD ont été décrites. Lorsqu’aucun cas n’était identifié dans les lots suivis, la présence éventuelle d’animaux boiteux dans d’autres cases était vérifiée et, le cas échéant, les pieds étaient inspectés. De plus, lors de chaque visite, dans les cases suivies, la température de la litière a été relevée et des données sur les conditions et les pratiques d’élevage ont été collectées au moyen de questionnaires remplis avec les éleveurs. Des analyses statistiques descriptives, une analyse des correspondances multiples (ACM) et une classification ascendante hiérarchique (CAH) ont ensuite été effectuées.
Des prévalences intralots très variées
Les données recueillies ont montré que sur les 8 élevages inclus dans cette étude, 7 hébergeaient des animaux atteints de DD (dans l’un des élevages, un bovin touché a été diagnostiqué dans un lot non suivi) et, au total, sur les 14 lots, 9 comptaient des animaux malades. Toutefois, comme l’on noté les auteurs de l’étude, après la première visite, sur les 271 animaux observés, 47 ont été perdus de vue au cours du suivi (abattage précoce, par exemple). Au cours de l’engraissement, une différence importante de prévalence intralot de la DD a été observée entre les élevages et entre les lots. Les méthodes d’analyse (ACM et CAH) à l’échelle du lot ont permis de dégager des caractéristiques propres aux lots atteints et aux lots sains. Ainsi, dans le groupe contenant des lots sains, les bovins étaient installés sur une litière propre, la densité des animaux âgés de plus de 12 mois était respectée5, la température de la litière était inférieure à 40 °C, le nombre de naisseurs composant les lots était inférieur ou égal à 56. D’autres facteurs de risque (tels que la présence de l’infirmerie dans le bâtiment d’engraissement, le raclage d’aires d’exercice qui communiquent entre les cases, l’humidité dans les cases, entre autres) n’ont pas été mis en évidence, ils nécessitent néanmoins d’être pris en compte pour prévenir la diffusion de la maladie, selon les chercheurs.
Des lésions caractéristiques
Au total, 257 lésions de DD ont été décrites, dont 49 % étaient situées sur les membres antérieurs. La face dorsale des onglons était la localisation privilégiée (41 %) des lésions, devant l’espace interdigital (23 %) et la face plantaire (21%). Les ergots étaient atteints dans 11 % des cas. En considérant uniquement les faces dorsales ou plantaires (159), les lésions sur les membres antérieurs étaient significativement plus souvent situées sur la face dorsale. Par conséquent, bien que le panaris soit à ce jour presque la seule lésion podale qui est suspectée lorsque les JB boitent, ces résultats confirment que la DD est aussi une lésion présente dans les ateliers d’engraissement, parfois dans des proportions très importantes. Or, comme l’ont indiqué les chercheurs, « la meilleure façon de l’identifier et de la prendre en charge est de lever les pieds des animaux, pratique rare dans la filière, et il est indispensable de prévenir sa diffusion en maîtrisant les facteurs de risque ». Les facteurs qu’ils ont identifiés sont, pour la plupart, en accord avec ceux retrouvés dans d’autres études4,7, mais ils nécessitent d’être confirmés et enrichis par des recherches menées dans un plus grand nombre et dans une plus grande diversité d’élevages. En complément, des moyens de maîtrise (utilisation d’un pédiluve et/ou mise en place d’un traitement de la litière) sont également envisageables et devraient être testés, selon les auteurs de l’étude. « Il est dorénavant indispensable de sensibiliser la filière sur la présence de la DD en ateliers d’engraissement de JB et de trouver des moyens de lutte adaptés », ont-ils avancé en conclusion.