Confier la gestion administrative à une ASV qui en a la compétence - La Semaine Vétérinaire n° 1973 du 20/01/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1973 du 20/01/2023

Évolution des ASV

ENTREPRISE

Auteur(s) : Propos recueillis par Lorenza Richard

Pourquoi ne pas déléguer certaines missions administratives à une auxiliaire qui en a les compétences ? Bryce Hameau (Liège 08), praticien mixte à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret) montre par son expérience que cela est possible et soulage grandement les vétérinaires de leur charge mentale.

Lors du forum Ergone, les 14 et 15 octobre dernier à Lyon (Rhône), vous avez présenté le rôle de Céline Roturier, auxiliaire spécialisée vétérinaire (ASV) devenue assistante de direction dans votre structure. Comment s’est déroulée l’évolution vers ce poste, dont la mission est de vous aider dans vos tâches administratives ?

Cette décision s’est imposée petit à petit, en raison du potentiel que nous avons décelé chez Céline. En effet, certains profils d’auxiliaires peuvent montrer des qualités intrinsèques ou ont des cursus professionnels qui leur confèrent des compétences différentes. Céline était chef d’équipe et responsable au sein d’une entreprise d’agroalimentaire mais, pour des raisons personnelles, elle a effectué une reconversion professionnelle. Elle a commencé à travailler dans la structure en 2013, en réalisant toutes les tâches d’une ASV : accueil, nettoyage des cages, etc. Elle se démarquait des autres en proposant des solutions à nos questionnements sur diverses problématiques. Au fur et à mesure, nous avons discuté des décisions que nous prenions avec Céline, puis nous lui avons confié des petites missions. Progressivement, nous avons vu qu’elle pouvait prendre des décisions en autonomie, et elle a quitté son poste d’« ASV ordinaire » pour devenir « ASV manager ». Aujourd’hui, il a encore évolué, elle est assistante de direction, et nous lui déléguons des missions complexes.

Les missions que vous lui avez confiées correspondaient-elles à un besoin dans votre structure ?

La professionnalisation et la sectorisation des tâches s’est imposée à nous en raison de l’agrandissement de l’équipe. En 2013, nous étions bien moins nombreux, mais nous sommes désormais 18 vétérinaires et 18 assistantes, qui tournons sur trois sites. Nous n’arrivions plus, entre associés, à assumer toutes les tâches administratives. Cependant, avoir une ASV à un poste de gestion de la clinique n’était pas ce que nous recherchions à l’origine, et nous n’avons pas embauché quelqu’un pour cela. C’est vraiment parce que Céline avait ce profil particulier, ce potentiel de gestion de dossiers qu’elle a transféré de son ancien poste à sa mission d’ASV, qu’il nous a semblé possible de lui déléguer des missions d’encadrement d’équipe.

Quelles sont les tâches que vous lui déléguez ?

Au début, Céline aidait à à la gestion des plannings des ASV sur Excel, puis elle les a élaborés sur Agendrix, et désormais elle traite aussi ceux des vétérinaires sur un logiciel que nous avons fait programmer sur mesure pour nos besoins, VetPlan. C’est elle qui recueille les desiderata de chacun pour les périodes de travail et les vacances et qui organise la présence du personnel sur les trois sites en fonction des besoins de la structure. Céline assure cette responsabilité en binôme avec un associé, qui supervise son travail et donne son aval, alors qu’auparavant il devait tout gérer seul. Elle gère également le planning et la prise en charge des formations des membres de l’équipe, selon les différents types de postes et leur évolution, en relation avec les organismes concernés, et planifie les entretiens professionnels individuels annuels des ASV et des vétérinaires salariés. Céline est également chargée du recrutement. Elle suit les annonces, réceptionne et lit les curriculum vitæ qui nous sont envoyés, répond aux personnes et les reçoit en entretien, seule dans un premier temps. Elle donne alors sa première impression sur les candidats ; s’il est favorable, ils sont reçus une deuxième fois par un associé responsable des ressources humaines. Enfin, Céline s’occupe des dossiers administratifs des fournisseurs et des prestataires : énergie, fioul, forfaits de téléphone, entreprise de nettoyage des différents sites, etc. Elle fait remonter les problématiques qui peuvent en découler, que nous traitons ensuite en réunions d’associés, réunions qu’elle programme chaque mois et qui durent toute une matinée. C’est elle qui soumet l’ordre du jour une semaine en amont à tous les associés, et elle y assiste en tant que maître du temps, mais sans être décisionnaire.

Comment pourriez-vous définir sa place dans votre entreprise ?

Céline est devenue le cœur de l’entreprise et, avec son rôle multitâche, elle est un peu notre « couteau suisse ». Elle s’implique beaucoup dans la bonne entente au sein de la structure. Elle dispose d’un bureau proche de l’accueil, et peut ainsi repérer les moments de tension s’il manque du personnel, si un client s’énerve ou lorsqu’il y a une surcharge de travail. Elle intervient alors pour calmer le jeu. De même, elle accompagne les jeunes vétérinaires qui se sentent dépassés par les événements, dans la gestion du temps et des émotions. Son rôle est important pour détecter si des salariés, vétérinaires et ASV, ont un problème avant qu’ils n’en puissent plus et aient besoin de changer d’air, ainsi que pour minimiser les tensions, afin d’éviter les clans et les rancœurs qui peuvent survenir dans les grandes équipes comme la nôtre.

Ne craignez-vous pas que ses missions dépassent ses compétences ?

Non, nous ne lui déléguons aucune mission vétérinaire, seulement des tâches complémentaires administratives. Les associés supervisent son travail, mais c’est énorme de n’avoir qu’à superviser un travail. Je n’ai, par exemple, pas besoin de réunir les documents entre deux chirurgies  pour un rendez-vous avec un fournisseur, ni d’accueillir toutes les personnes pour les entretiens d’embauche durant une matinée de consultation. En revanche, je prends les décisions finales. De même, quand Céline aide les jeunes vétérinaires, c’est sur le plan de l’organisation, pas sur celui de la gestion médicale, car elle n’a pas la compétence pour. Cependant, les missions que nous lui confions sont si nombreuses et variées que sa charge de travail dépasse 35 heures par semaine et que nous sommes obligés d’employer une assistante pour elle. Elle est passée cadre et son salaire a été ajusté à son statut, qui n’existe pas dans la convention collective. Elle a été augmentée de façon graduelle au fil des tâches qu’elle assumait, pour arriver à un accord sur une rémunération correcte par rapport à l’énergie qu’elle déploie et l’aspect managérial.

Avez-vous un conseil à donner à vos confrères et consœurs vis-à-vis de votre expérience ?

C’est parce que nous avons détecté des compétences chez Céline que son poste s’est créé. Il est donc important, au sein d’une structure vétérinaire, que les gestionnaires sachent repérer parmi leurs effectifs les qualités de chacun, pour voir à qui ils peuvent confier certaines missions qui sortent du travail ordinaire de l’ASV. Céline représente en effet une véritable aide, avec un rôle central, qui nous déleste beaucoup de notre charge mentale et nous permet de nous concentrer sur notre pratique. Elle est facilitatrice dans l’entreprise et c’est autour de ce point que les confrères et consœurs pourraient dépister un profil similaire dans leur établissement.

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