Des algorithmes pour diagnostiquer la leptospirose canine - La Semaine Vétérinaire n° 1972 du 13/01/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1972 du 13/01/2023

Intelligence artificielle

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : par Tanit Halfon

Des chercheurs de l’école de médecine vétérinaire de l’université de Californie, aux États-Unis, ont montré que des algorithmes d’apprentissage automatique pouvaient surpasser les performances des tests classiques de sérologie. Cette étude pilote ouvre la voie à un diagnostic plus précoce de la leptospirose chez le chien, et donc à un meilleur pronostic.

La montée en connaissances en matière d’intelligence artificielle laisse entrevoir de nouveaux outils diagnostiques pour la médecine, y compris vétérinaire. À l’école de médecine vétérinaire de l’université de Californie (UC Davis), aux États-Unis, leur intégration dans la pratique fait l’objet de recherches… avec des résultats. En 2020, l’université annonçait la mise au point d’un modèle algorithmique facilitant le diagnostic de la maladie d’Addison1. Avec une sensibilité de 96,3 % et une spécificité de 97,2 %, les algorithmes d’apprentissage automatique avaient montré leur supériorité par rapport aux examens de laboratoire de routine. Ils permettent ainsi d’orienter précocement le praticien vers une hypothèse de maladie d’Addison. L’UC Davis a récidivé en 2022, avec l’annonce d’un nouveau modèle mathématique2 pour détecter la leptospirose canine. 

Une sensibilité de 100 %

Deux modèles de prédiction ont été testés, et entraînés avec les données cliniques de 91 chiens confirmés positifs à la leptospirose canine et 322 négatifs, collectées entre 2018 et 2020. Ces données incluaient les caractéristiques des maladies (race, sexe, poids), les paramètres biologiques (hémogramme, biochimie, ionogramme, analyses d’urine) et, pour l’un des modèles, le résultat du premier titrage sérologique réalisé le jour de l’hospitalisation de l’animal. Cette étape passée, le test a porté sur 53 chiens vus en consultation à l’hôpital universitaire en 2020, à raison de 9 positifs et 44 négatifs. Il en est ressorti une sensibilité de 100 % pour les deux modèles, qui ont donc bien repéré les 9 individus malades, montrant d’une part leur efficacité de prédiction, et d’autre part que le résultat de sérologie n’améliore pas la performance du test. La spécificité était de 90,9 % pour le premier modèle et de 93,2 % pour le second. Des biais ne sont pas à exclure, notamment liés au caractère rétrospectif de l’étude, qui a pu induire un classement erroné des animaux (positifs ou négatifs). De plus, ces modèles ne sont valables que dans les situations cliniques où la leptospirose fait partie du diagnostic différentiel : il n’est pas envisageable d’appliquer ce test à des populations plus larges au risque de se retrouver avec une valeur prédictive positive réduite.

Vers de nouveaux modèles de prédiction

La prochaine étape serait de pouvoir valider ce test suivant les sérovars en cause (tester des données de chiens issus de plusieurs localisations géographiques). En effet, cela pourrait modifier la présentation clinique de la maladie, et les paramètres biologiques associées (numération plaquettaire et azotémie). Dans cette étude, l’information sur le sérovar en cause n’était pas disponible. Le panel des chiens testés devra en outre être élargi en effectif et en nombre et profils de sites de collecte des données. En particulier, il serait judicieux d’intégrer différentes cliniques de terrain, cela permettrait d’évaluer l’efficience des algorithmes dans un contexte de soin primaire avec des chiens en phase souvent plus précoce de maladie, et moins symptomatiques. La performance de cet outil, une fois celui-ci implémenté, devra être suivie sur le temps. Pour les chercheurs3, l’objectif annoncé est de pouvoir le rendre, à terme, accessible en ligne pour les praticiens. Ces derniers pourront alors facilement saisir les données demandées et recevoir en temps réel un résultat, ce qui facilitera la prise en charge de l’animal. Le fruit de ces recherches pourrait aussi aider en médecine humaine. Pour la médecine vétérinaire, d’autres recherches sont en cours en vue d’élaborer des modèles de prédiction pour d’autres infections, dont un pour les infections résistantes aux antibiotiques.

Les difficultés du diagnostic

Comme l’expliquent les chercheurs qui ont élaboré le modèle algorithmique de détection de la leptospirose canine, les tests diagnostiques actuels sont limités. Les données manquent quant à la performance de la polymerase chain reaction sur sang ou urine, avec des faux négatifs possibles en cas d’administration antérieure d’antibiotiques, ou si la maladie est avancée. L’autre test disponible est la sérologie par microagglutination, qui est celui de référence pour la leptospirose aiguë. Des résultats négatifs sont classiques en phase précoce (séroconversion tardive), avec une sensibilité estimée à 50 % en cas de titrage unique. De plus, un résultat positif unique peut être lié à une exposition antérieure ou à la vaccination. Pour ces raisons, une seconde sérologie est absolument nécessaire (sensibilité de 100 %), ce qui retarde le diagnostic. La leptospirose est de bon pronostic après traitement. Mais le retard au diagnostic peut freiner la mise en œuvre précoce d’un traitement adapté et limiter la motivation des détenteurs du chien malade si des soins lourds et onéreux sont nécessaires. C’est là que les algorithmes entrent en jeu : les modèles de prédiction par apprentissage automatique développés ont prédit la leptospirose avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 90,9 à 93,2 %.

  • 1. La maladie d’Addison devra ensuite être confirmée par le test de stimulation de la cortisolémie (bit.ly/3iaAFFT).
  • 2. Reagan K.L., Deng S., Sheng J., et al. Use of machine-learning algorithms to aid in the early detection of leptospirosis in dogs. J Vet Diagn Invest. 2022;34(4):612-21. Ce projet de recherche a été mené en collaboration avec le Center for Data Science and artificial intelligence research de l’université de Californie (États-Unis). L’article est librement accessible.
  • 3. bit.ly/3igHu8S.
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr