Prévenir les mammites pour réduire l’utilisation des antibiotiques - La Semaine Vétérinaire n° 1966 du 18/11/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1966 du 18/11/2022

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article rédigé d’après la conférence « Nouvelles préconisations pour rationaliser l’usage des antibiotiques en cas de mammite clinique », donnée par Sofie Piepers (Gand 05), professeure en santé mammaire et qualité du lait à la faculté de médecine vétérinaire de Gand (Belgique) et directrice de MEX™, un spin-off de l’université de Gand, lors du symposium MSD Santé animale Au Cœur du lait, qui s’est déroulé le 20 septembre dernier à Pacé, en Ille-et-Vilaine.

Dans un objectif de lutte contre l’antibiorésistance en élevage laitier, il convient de réduire l’usage des antibiotiques. À cette fin, la prévention des mammites par des pratiques de tarissement sélectif est une piste à envisager, selon Sofie Piepers (Gand 05), professeure en santé mammaire et qualité du lait à la faculté de médecine vétérinaire de Gand (Belgique).

Quantification de l’usage des antibiotiques dans les élevages laitiers

Dans une étude belge1 portant sur 60 élevages bovins laitiers, conduite entre 2012 et 2014, les chercheurs ont souhaité quantifier et caractériser la consommation d’antibiotiques. Pour cela, ils ont collecté les flacons vides d’antibiotiques retrouvés dans les poubelles des élevages, puis enregistré les données obtenues. Celles-ci ont permis de montrer que, sur une période de 1 000 jours, il y avait une très grande variation dans l’administration des antibiotiques entre les élevages (jusqu’à 12 jours de différence), tant pour les antibiotiques critiques que non critiques. Comme l’a indiqué Sofie Piepers dans sa conférence « Nouvelles préconisations pour rationaliser l’usage des antibiotiques en cas de mammite clinique », livrée durant le symposium MSD Santé animale Au Cœur du lait, ces forts écarts signifient également qu’il existe « une grande marge d’amélioration pour réduire la consommation d’antibiotiques, en mettant en place des mesures de prévention ». Parmi les classes d’antibiotiques répertoriées figuraient des céphalosporines de troisième et de quatrième génération, des fluoroquinolones mais aussi des antibiotiques non critiques. Les résultats de cette étude montrent en outre que près de 65 % des antibiotiques administrés dans les élevages laitiers sont administrés pour la prévention et le contrôle des affections de la mamelle, et que la moitié d’entre eux servent au tarissement.

Effets de la prévention sur la consommation d’antibiotiques

Or, « voulons-nous réduire l’utilisation globale des antibiotiques en élevage ou bien seulement celle de certains types d’antibiotiques ? », s’est interrogée la conférencière. Pour diminuer leur usage, il faut, selon elle, s’intéresser à l’amélioration de la santé animale et de la santé mammaire en instaurant des mesures de prévention dans les élevages à grosse consommation, et en appliquant une procédure de tarissement sélectif dans ceux à faible consommation. Ainsi, dans une étude flamande2 menée dans 60 élevages bovins laitiers, une différence de recours aux antibiotiques entre janvier 2012, mars 2013 et avril 2014 a été mise en évidence. Des questionnaires d’évaluation de l’évolution des mesures de gestion des mammites, appréciées à l’aide du score de gestion des mammites et de celui d’évolution de la gestion des mammites, ont été envoyés aux éleveurs puis comparés (+ 1 si la mesure était appliquée avant 2013, si non 0). D’après les données recueillies, il semblerait que, quelle que soit la classe d’antibiotiques, une meilleure gestion des mammites conduit à une durée d’antibiothérapie réduite (nombre de jours sous antibiotiques par vache par 1 000 jours). Si la gestion est mauvaise, cette réduction est moindre et davantage d’antibiotiques critiques sont utilisés. Et, plus la gestion des mammites s’améliore, plus la durée du traitement antibiotique diminue3. Si l’on considère les écarts majeurs de gestion entre les faibles et les gros consommateurs d’antibiotiques, l’étude révèle que plus la gestion des mammites est mauvaise (score bas), plus le taux cellulaire dans le lait (nombre de cellules par ml) est élevé.

Intérêt du tarissement sélectif

En ce qui concerne les différences de pratiques entre les 10 élevages présentant les plus mauvais scores et les 10 élevages avec les meilleurs, les résultats montrent que, parmi les élevages dont les scores sont bons, 10/10 tirent les premiers jets de lait (vs. 5/10 dans les autres). Dans ces mêmes élevages, 9/10 pratiquent un post-trempage « soigneux » (vs. 2/10) ; 9/10 coupent les poils de la queue au moins 2 fois par an ; 9/10 assainissent les bâtiments avec de la chaux vive désinfectante ; et 8/10 utilisent une lingette par vache. Comme l’a rappelé Sofie Piepers, « afin de prévenir toute contamination, il est important que l’éleveur ait recours à des lingettes stériles, réutilisables ou non, mais aussi qu’il effectue correctement le prémoussage et le post-trempage (durant 30 secondes minimum) pour réduire le nombre de germes ». Au sujet du tarissement sélectif, la conférencière a souligné la nécessité de mettre en place un obturateur interne sur les trayons pour prévenir l’apparition de nouvelles infections mammaires pendant cette période (principalement au début et à la fin du tarissement). Ainsi, dans l’étude présentée, « la pose d’un obturateur, pendant la période allant du tarissement au vêlage, a permis de diminuer de 71 % de l’usage des antibiotiques pour le quartier concerné ». D’ailleurs, « la prévention est la première étape à suivre pour réduire et rationaliser l’utilisation des antibiotiques en élevage », a-t-elle conclu. Si une amélioration est apportée en matière de prévention et de santé mammaire, les éleveurs tendront vers un recours aux antibiotiques plus raisonnable et raisonné.

  • 1. Stevens M., Piepers S., Supré K., et al. Quantification of antimicrobial consumption in adult cattle on dairy herds in Flanders, Belgium, and associations with udder health, milk quality, and production performance. J Dairy Sci. 2016;99(3):2118-30. 
  • 2. Stevens M., Piepers S., De Vliegher S. The effect of mastitis management input and implementation of mastitis management on udder health, milk, quality and antimicrobial consumption in dairy herd. J Dairy Sci. 2019;102(3):2401-15.
  • 3. Stevens M., Piepers S., Supré K., et al. Quantification of antimicrobial consumption in adult cattle on dairy herds in Flanders, Belgium, and associations with udder health, milk quality, and production performance. J Dairy Sci. 2016;99(3):2118-30.
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