Le glaucome chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1966 du 18/11/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1966 du 18/11/2022

Ophtalmologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencier 

Guillaume Payen (A 01), diplomate ECVO, spécialiste en ophtalmologie

Article rédigé d’après la webconférence « Glaucome chez le chien : de quoi parle-t-on ? », organisée par le centre hospitalier vétérinaire Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne), le 22 mars 2022.

Un glaucome est une neuropathie optique associée à une élévation anormale de la pression intraoculaire (PIO). Elle est due à une accumulation de l’humeur aqueuse dans l’œil, à la suite d’une difficulté d’élimination ou d’une gêne à sa circulation. Chez le chien, le glaucome est le plus souvent primaire. Plus rarement, il peut être secondaire à la progression d’une cataracte, à une complication d’uvéite, de traumatisme, d’une luxation du cristallin ou d’une tumeur intraoculaire.

Présentation clinique

Un glaucome peut être fortement suspecté en cas d’apparition soudaine et concomitante :

- d’une rougeur et ou d’une douleur oculaires (blépharospasme, épiphora) ;

- d’une congestion veineuse épisclérale. Cette anomalie se traduit par de gros vaisseaux tortueux perpendiculaires au limbe, en regard de la conjonctive bulbaire. Elle est caractéristique d’une hypertension intraoculaire (le seul diagnostic différentiel est une épisclérite) ;

- d’un œdème cornéen diffus et intense, donnant à la cornée un aspect spécifique dit en peau d’orange ;

- d’une cécité avec une mydriase aréflexive (réflexes photomoteurs absents), sauf en cas de glaucome secondaire à une uvéite. La réponse au test de clignement à la menace est le plus souvent négative, et le réflexe de clignement à l’éclair lumineux est absent ;

- de signes de douleur viscérale : abattement, dysorexie.

Un glaucome non traité peut entraîner une cécité irréversible en 48 heures, ainsi qu’une buphtalmie et une luxation du cristallin à terme.

Examens complémentaires

La mesure de la PIO permet de confirmer le diagnostic d’une hypertension oculaire aiguë, et de suivre l’évolution de la maladie et de l’efficacité du traitement. 

Les valeurs « physiologiques » de la PIO chez le chien sont inférieures à 20 mmHg. L’élévation de la PIO peut atteindre, en quelques heures, des valeurs supérieures à 50 mmHg. L’hypertension intraoculaire aiguë entraîne, en 24 à 72 heures, des lésions des cellules ganglionnaires de la rétine et de leurs axones. Lorsque la PIO atteint 25 mmHg, 10 % des axones du nerf optique sont atteints. À 50 mmHg, 100 % sont touchés : il y a alors perte de vision. La cécité peut être irréversible si l’élévation de la PIO est rapide et élevée (supérieure à 45 mmHg, évoluant depuis plus de 48 heures). 

Si la cornée n’est pas trop opacifiée, l’examen du fond d’œil pourra mettre en évidence un écrasement de la papille contre la sclère (excavation papillaire).

Après avoir diagnostiqué une hypertension oculaire aiguë, il convient d’en chercher l’origine. Plusieurs dizaines de races sont prédisposées au glaucome primaire, comme le cocker américain, le welsh springer spaniel, le chow-chow, le shar-peï, le basset hound ou le Boston terrier. L’augmentation de la PIO intervient généralement chez l’adulte ou le sujet âgé. En cas de glaucome primaire, la maladie est bilatérale, mais l’hypertension oculaire est très rarement simultanée.

L’examen gonioscopique permet d’examiner l’angle irido-cornéen (où a lieu 85 % du drainage et de la filtration de l’humeur aqueuse hors de l’œil chez le chien, la voie uvéo-sclérale drainant les 15 % restants). Chez le chien, la majorité des glaucomes primaires sont à angle fermé. La présence d’anomalies de cet angle à la gonioscopie (angle irido-cornéen étroit et/ou fermé, dysplasie du ligament pectiné) permet de renforcer l’hypothèse d’un glaucome primaire. Cet examen est réalisé sur l’œil qui n’est pas cliniquement atteint.

Le diagnostic de glaucome primaire repose également sur l’absence de lésions évoquant l’hypothèse d’un glaucome secondaire (luxation de cristallin, tumeur intraoculaire). Si les milieux oculaires sont trop opaques, une échographie de l’œil est indiquée.

Prise en charge

La prise en charge médicale doit impérativement être immédiate et agressive, même en cas de doute quant au potentiel visuel de l’animal ou en l’absence de méthode tonométrique.

Les objectifs du traitement en urgence sont de restaurer une PIO inférieure à 20 mmHg et de soulager la douleur.

Le traitement en urgence (voir tableau) associe une perfusion de diurétique osmotique (mannitol) et une injection par voie intraveineuse d’un inhibiteur de l’anhydrase carbonique (acétazolamide). L’ajout de traitements topiques est recommandé (analogue des prostaglandines pour un glaucome présumé primaire uniquement, ou bêta-bloquant).

L’intérêt de l’utilisation d’anti-inflammatoires stéroïdiens est controversé.

Il est nécessaire de garder l’animal hospitalisé au moins trois heures, afin d’évaluer l’efficacité du traitement en contrôlant la PIO.

Enfin, il est recommandé de commencer un traitement pour l’œil adelphe, en ayant recours à des bêta-bloquants ou à un inhibiteur de l’anhydrase carbonique par voie locale. Certaines études indiquent en effet que leur usage retarde la survenue d’un glaucome à l’œil non atteint.

Plusieurs traitements chirurgicaux peuvent être indiqués.

- Pour les yeux qui conservent un pronostic visuel :

• la ponction d’humeur aqueuse n’est préconisée que dans le cadre d’une hypertension oculaire postopératoire après une chirurgie de la cataracte ;

• le laser ou la cyclophotocoagulation. L’objectif est de détruire une partie des corps ciliaires et ainsi de réduire la production d’humeur aqueuse ;

• les techniques fistulisantes, avec la mise en place de gonio-implants. L’humeur aqueuse peut ainsi être drainée par l’espace sous-conjonctival grâce à une tubulure placée dans la chambre antérieure. Cependant, une fibrose se développe systématiquement autour de l’implant, ce qui constitue un obstacle au drainage à plus ou moins long terme (des produits fibrinolytiques ou une dissection de la coque fibreuse permettent de rétablir la perméabilité du système).

- Pour les yeux dont la vision est abolie (stade de buphthalmie), une énucléation doit être proposée pour le confort de l’animal (l’hypertension oculaire est douloureuse si elle n’est pas contrôlée). La seule alternative est de pratiquer une injection intravitréenne de gentamicine, qui a pour but de détruire le corps ciliaire.

Évolution et pronostic

Il est essentiel de bien informer le propriétaire, dès le diagnostic de glaucome établi. Les traitements sont similaires à ceux utilisés en médecine humaine, mais la maladie est très différente. Chez l’humain, les glaucomes sont principalement à angle ouvert et d’évolution lente, tandis que les glaucomes primaires du chien sont majoritairement à angle fermé et d’évolution brutale et extrême.

D’autre part, chez le chien, les glaucomes primaires sont incurables. L’objectif du traitement est de préserver le confort de l’animal et de maintenir la vision le plus longtemps possible. Le traitement médical à long terme fait appel, le plus souvent, à l’association d’un inhibiteur de l’anhydrase carbonique, d’un analogue de prostaglandines et d’un bêta-bloquant par voie locale.

Le pronostic d’un glaucome primaire à moyen terme dépend de la réponse initiale au traitement effectué en urgence. Le pronostic à long terme est sombre en cas de glaucome primaire, car la vision est habituellement abolie dans un délai de quelques semaines à 3 ans.

Il est également important de signifier au détenteur d’un chien atteint d’un glaucome primaire que l’œil adelphe sera touché aussi, à une échéance variable. Dans plus de 50 % des cas, un glaucome apparaîtra dans les 6 à 12 mois qui suivent l’atteinte du premier œil.

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