Comment est-il toujours possible de doper un cheval ? - La Semaine Vétérinaire n° 1966 du 18/11/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1966 du 18/11/2022

SPORTS ÉQUESTRES

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD

À la suite de récentes perquisitions policières, d’embarrassantes pharmacopées ont été trouvées au sein du monde équestre. Malgré les règlements et les analyses de laboratoire, le dopage équin est encore pratiqué, notamment en raison de l'écart entre les dernières molécules utilisées et leur possible détection en laboratoire.

Dans le domaine du dopage équin, rien n’est simple. Par exemple, si l’article 198 du Code des courses (de galop et du trot) liste toutes les substances prohibées, la situation se complique dès lors qu’il s’agit de substances dites thérapeutiques. Pour ces dernières, il existe des délais d’élimination, comme l’explique Sonia Wittreck (A 89), responsable du département livrets et contrôles chez France Galop. « Afin de déterminer ces délais d’élimination, deux sortes d’études sont conduites. Celles dites de risk assemement consistent en l’administration de substances thérapeutiques à des doses thérapeutiques, à sept chevaux en moyenne afin de tenir compte de la variabilité interindividuelle. Celles dites de risk management sont des harmonisations entre pays afin d’obtenir des screening limits (seuils). Ces études sont ensuite corrélées à des temps de détection pour une partie des substances thérapeutiques », précise la vétérinaire.

Des traitements parfois rémanents

Le Code des courses impose que les chevaux soient négatifs et ne recèlent aucune substance prohibée dès la déclaration de partants (en général trois jours avant l’épreuve). Mais il arrive que certaines des médications permises durant l’entraînement pour soigner le cheval conduisent à un contrôle positif le jour de la course en raison d’un délai d’élimination plus lent que ce qu’avait estimé le vétérinaire traitant. Ainsi, en 2021, sur près de 27 0000 prélèvements effectués, 13 ont été classés sous l’appellation « queue de traitement ». Les résultats positifs au contrôle antidopagepeuvent également être induits par diverses erreurs (contaminations environnementales, injection dans une zone anatomique du cheval occasionnant des durées d’élimination erratiques, etc.). À tel point que, sur les 52 cas positifs révélés en 2021 par le laboratoire des courses hippiques (LCH), après analyse, seuls quatre entraient dans la catégorie « fraude suspectée compte tenu de la nature de la substance ».

De plus en plus d’interdictions

« Par ailleurs, poursuit Sonia Wittreck, concernant le trot et le galop, tous les résultats d’analyse – y compris ceux négatifs – sont publiés annuellement au Bulletin officiel sous forme de liste et sont disponibles sur les sites internet des sociétés mères (France Galop et Le Trot). Tout est donc transparent ». De plus, en mai 2021, France Galop ainsi que les instances internationales ont fait ajouter un article au codes des courses)interdisant d’administrer certains antibiotiques dans les quatre jours avant la course. Depuis septembre 2021, l’annexe 15 stipule en outre « qu’aucun cheval ne peut courir s’il a reçu une infiltration intra-articulaire, périarticulaire, paravertébrale ou une mésothérapie intradermique contenant des substances biologiques  – acide hyaluronique, interleukine-1 receptor antagonist protein, plasma enrichi en plaquettes, autologous cell therapy, cellules souches, etc. – dans les huit jours qui précédent la course ». Enfin, l’article 85 mentionne « qu’aucun cheval ne peut participer à une course publique s’il a fait l’objet d’une névrectomie ou bien s’il a reçu, dans les cinq jours précédant la course, un traitement par ondes de choc (shockwave therapy), un traitement au laser ou un traitement aux ondes électromagnétiques ».

Pourtant, doper un cheval reste possible

L’entrée illégale de produits sans autorisations de mise sur le marché en France et de multiples autres pratiques témoignent cependant que la lutte contre le dopage équin est sans fin. « Il existe bien un département recherche et développement au sein du LCH, atteste Sonia Wittreck. Nous achetons aussi sur Internet pour nous procurer les nouvelles substances à étudier, mais il existe un écart entre les dernières molécules utilisées par les fraudeurs et leur possible détection en laboratoire. Cet écart provient de la durée de mise au point des procédures d’analyse, qui doivent être fiables, répétables ou reproductibles, et inattaquables. Quant au dopage génétique, il est considéré comme la prochaine menace pour les courses de chevaux et les athlètes humains ».

Faut-il des appels d’offres élargis ?

Loïc Dombreval (A 90), alors député et président du groupe d’études parlementaire condition animale, a formulé 46 recommandations en perspective des Jeux olympiques de 2024. La vingt-cinquième préconise de « faire un appel d’offres élargi pour le choix des laboratoires d’analyses à retenir pour les Jeux olympiques, en plus des cinq établissements déjà reconnus par la Fédération équestre internationale (FEI) et, le cas échéant, de prévoir une phase de tests comparatifs ». Selon Sonia Wittreck (A 89), responsable du departement livrets et contrôles chez France Galop, « le statut de laboratoire central ou de laboratoire de référence s’obtient par appel d’offres. Et, a priori, n’importe quel laboratoire pourrait faire acte de candidature. Actuellement, le Laboratoire des courses hippiques est celui de référence pour la FEI. Quant au laboratoire central actuel, c’est le LGC (Newmarket, Royaume-Uni). Un laboratoire FEI doit par ailleurs être accrédité ISO 17025 pour les matrices de sang et l’urine équine ainsi que pour toutes les molécules listées. Détecter est une chose, mais il faut connaître la réglementation, les critères analytiques pour affirmer de manière formelle la présence d’une substance, car il faut que le dossier soit solide devant le Tribunal arbitral du sport. Le principal risque d’avoir recours à d’autres laboratoires serait que les conclusions soient invalidées d’un revers de main par des experts et des avocats rompus à l’exercice. C’est pourquoi, personnellement, il me semble extrêmement difficile d’obtenir un tel niveau de certification d’une qualité équivalente en moins de deux ans pour d’autres laboratoires ». 

Quelques pistes pour mieux lutter contre le dopage

- Harmoniser les pratiques de prélèvement pour tous les sports équestres, en rendant possibles les contrôles aléatoires en élevage, à l’entraînement, avant et après les épreuves et en multiplier le nombre (surtout pour les disciplines où lesdits prélèvements sont peu fréquents). De surcroît, publier les résultats, non anonymisés, des tests. Et parfois, de manière aléatoire, faire réaliser les analyses par au moins deux laboratoires différents, complètement indépendants l’un de l’autre et non supervisés par une même direction.

- Tenir des registres (internationaux) des chevaux morts ou gravement blessés durant, ou peu après, des compétitions, en rendant publics les rapports d’autopsie.

- Développer la coopération entre les différents services pour organiser des actions communes ou des partages de données – dont celles émanant de travaux de recherche – dans la lutte antidopage (douanes, police, justice, institutions sportives, laboratoires, vétérinaires...).

- Procéder à un suivi des mesures pratiques supplémentaires mises en œuvre dans les milieux équestres, et de leurs résultats concrets.

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