EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Pierre Dufour
L’inflation galopante observée actuellement n’épargne pas les vétérinaires. Comment assurent-ils la pérennité de leur entreprise dans ce contexte ? La hausse des tarifs pratiqués est inévitable, selon les praticiens interrogés.
Françoise Bussiéras (T 88)
Praticienne à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) et vice-présidente du SNVEL
Préserver nos marges pour veiller au bien-être des salariés
De mon point de vue, les vétérinaires doivent valoriser leurs tarifs, au moins au niveau de l’inflation chaque année, en particulier pour ceux des actes. En effet, les prix des fournitures, des consommables et de l’énergie ont déjà nettement progressé, et il faut anticiper cette hausse avant la fin de l’année. Concernant les prix des médicaments, ils sont souvent fixés en pourcentage du prix d’achat, et donc automatiquement actualisés. Les bas salaires, les plus touchés par l’inflation, ont été spécifiquement revalorisés en juillet (ASV1 et premiers échelons vétérinaires). Préservons nos marges pour veiller au bien-être de nos salariés et à l’équilibre économique de nos entreprises. L’activité canine est proche de la stagnation cette année mais, après deux années de forte progression, ce ralentissement n’est pas surprenant ni inquiétant. Pour voir le côté positif, la remontée de l’inflation va minorer le poids des emprunts en cours. J’ai peu d’hésitations à augmenter mes prix car, étant adhérente à VPT2, je préserve l’accès aux soins pour les plus démunis.
Clément Jeannin (L 20)
Praticien canin à Oullins (Rhône) et consultant marque employeur chez VPlus
Être à l’aise avec ce que l’on s’autorise à facturer
Dans notre clinique, l’inflation n’a pas vraiment été une problématique, nous avons choisi de revoir tous nos tarifs à la hausse en début d’année, jusqu’à fixer la consultation à 39 euros. Globalement, nous n’avons pas eu beaucoup de retours négatifs des clients. Les forfaits hospitalisations mis en place récemment ont aussi été revalorisés. Il y a eu des mécontents, surtout après l’augmentation du prix des croquettes et des médicaments, due aux actualisations des tarifs dans les centrales d’achat à quelques mois d’intervalle.
Mon salaire n’a pas vraiment changé, je suis collaborateur libéral mais je facture à la journée, cela ne dépend donc pas de mon chiffre. Pour moi, le débat concerne surtout le budget alloué aux soins et le fait d’être à l’aise avec ce que l’on s’autorise à facturer. Je pense que c’est particulièrement vrai pour les jeunes vétérinaires, comme moi. Il est parfois tentant de « s’autodévaloriser » et de ne pas facturer certains actes. Mais c’est un cercle vicieux, il faut prendre confiance et éduquer sa clientèle au juste prix des soins vétérinaires.
Vincent Viard (T 03)
Praticien mixte à Gaillac (Tarn) et administrateur chez Vetoccitan
Revoir nos conditions tarifaires
L’inflation est actuellement supérieure aux années précédentes avec, à l’échelle nationale, une contraction du marché vétérinaire – la hausse du nombre d’adoptions pendant la période Covid ayant pris fin. Cela interroge sur l’équilibre économique des cliniques, dont l’augmentation des charges salariales et des intrants contribuent à diminuer leur rentabilité. Il est important de revoir nos conditions tarifaires, dans un contexte de main-d’œuvre rare, et donc chère.
La hausse des tarifs ne change pas l’acceptation des soins par les clients, mais fait toute la différence sur la santé économique de nos structures. Un propriétaire trouve souvent les soins onéreux car il ne les a pas anticipés, d’où la nécessité d’établir des devis détaillés.
Le coût de l’énergie risque encore d’augmenter cet hiver, un retard des soins non urgents est à craindre, mais l’essentiel de notre activité ne porte pas sur eux. Traditionnellement, les vétérinaires ont un « complexe tarifaire », mais il faut facturer à leur juste valeur nos actes, qui restent toujours bien moins coûteux qu’en médecine humaine.