Management
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Françoise Sigot
L’une des forces du forum Ergone, qui s’est tenu début octobre au musée des Confluences de Lyon (Rhône), est de proposer aux participants, en marge des temps consacrés à la pratique managériale vétérinaire, de dépasser les limites de leur profession pour se confronter à d’autres univers. Focus sur la gestion d’une entreprise en temps de crise.
Parmi les intervenants du dernier rendez-vous du forum Ergone les 13 et 14 octobre derniers à Lyon, les « ergoniens » ont pu découvrir Tom Thiellet, qui a partagé son retour d’expérience de la gestion de la crise du Covid-19. Le cofondateur du Moulin, le premier bar à salades à base d’ingrédients frais, a partagé sa recette pour embarquer une équipe en période d’incertitude.
Une recette inventée de toutes pièces entre deux confinements en réaction quasi-désespérée à la baisse d’activité provoquée par la pandémie. Il faut dire que jusque-là tout allait bien pour celui qui, parti de rien, a bâti une entreprise de 80 employés, affichant 3,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en une dizaine d’années. Le fruit de beaucoup d’efforts, de quelques sacrifices, mais aussi et surtout du travail d’une équipe soudée. Le credo du Moulin repose sur la transformation de produits frais, en majorité bio, en plats préparés dans son laboratoire et commercialisés dans des boutiques, au pied des immeubles de bureaux et par un service de traiteur.
Une dynamique compliquée à maintenir
Quand arrive le Covid-19, la jeune entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS) sert 1 800 repas par jour à des clients pour la plupart très fidèles. Mais, en quelques heures, au printemps 2020, tout se fige et se confine. Puis repart, puis s’arrête à nouveau, et rebelote avec le télétravail. « La livraison au pied des bureaux représentait 60 % de notre chiffre d’affaires ; avec l’obligation de télétravailler, nous avons quasiment tout perdu », se souvient Tom Thiellet. C’était très compliqué de maintenir une dynamique durant toute cette période. Chaque fois que l’on sortait d’une vague, une autre s’abattait. Nos seuls succès, c’était le moindre mal. » Désespéré, le jeune chef d’entreprise voit venir la fin de son aventure entrepreneuriale, et lance alors un pari un peu fou à ses équipes : l’opération supercookies. Autrement dit, fabriquer des cookies et les vendre en ligne à grand renfort de communication sur les réseaux sociaux. Résultat, en deux mois, 1 200 paquets de six cookies se sont écoulés auprès de clients qui en demandent encore puisque, aujourd’hui, les cookies lancés à la hâte durant la crise sanitaire représentent toujours les meilleures ventes du Moulin.
Tous des magiciens
Plus de deux ans après avoir frôlé le pire, Tom Thiellet est aujourd’hui en mesure d’analyser ce qui a fait la force de ce sauvetage improbable. Il le résume en une phrase : « Nous sommes tous des magiciens. » Et en tire un enseignement majeur : « Les convictions que l’on a au fond de soi sur le potentiel d’un projet influencent sa réalisation. » Déduisez-en que, si vous êtes capable de porter un projet, de l’expliquer et de le partager avec votre équipe dans ce qu’il a de plus sûr en facteurs de réussite, mais aussi de plus incertain en potentiel d’échec, il est presque sûr que la magie opérera et que le succès sera au bout du chemin. Un chemin souvent pavé d’embûches, mais qu’importe puisque tout le monde y croit ! « Embarquer une équipe est très complexe, si vous êtes convaincu qu’un projet ne marchera pas, la réussite ne sera pas au rendez-vous. La façon de se comporter amène des résultats très différents. Cela demande de l’accepter et d’être très en conscience de ce qui se passe en vous. Et de laisser une place au doute, car, si vous essayez de l’étouffer, il vous paralyse. Il faut donc écouter le doute, dire le doute à son équipe et dire aussi ses convictions sur un projet », précise celui qui a réussi à redresser la barre.
Se fixer des objectifs réalisables
Au-delà de ces éléments immatériels, peut-être même irrationnels, Tom Thiellet a acquis la conviction que quelques outils plus tangibles étaient des éléments essentiels au succès d’un projet. « On doit se fixer des objectifs ambitieux certes, mais surtout réalisables. » Il conseille en outre d’adopter une démarche sincère, de prendre le temps de prioriser ses objectifs et ses actions, mais de se lancer toutefois rapidement et sans trop tergiverser. « Le mieux est l’ennemi du bien, et si l’on n’avance pas assez vite, le doute s’installe », assure-t-il. La communication faite par le Moulin autour de son opération supercookies a également été un facteur clé de réussite. « Nous avons monté une jauge sur notre site pour que les clients puissent suivre notre aventure ». Enfin, Tom Thiellet estime indispensable d’emmener toutes les parties prenantes pour fédérer et se donner davantage de chances de réussir. Sans compter les incontournables en matière de tableau de bord, puisque tout projet n’échappe pas à un suivi comptable. Au Moulin, les cookies figurent encore aujourd’hui parmi les meilleures ventes et, probablement, resteront le produit qui aura soudé les équipes et fondé l’histoire de l’entreprise bien plus que tous les autres.