Cétose subclinique dans les troupeaux laitiers : impact du diagnostic et du traitement précoce - La Semaine Vétérinaire n° 1959 du 30/09/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1959 du 30/09/2022

Troubles métaboliques

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article rédigé d’après l’étude Subclinical Ketosis in Dairy Herds : Impact of Early Diagnosis and Treatment de Giuseppe Cascone (Istituto zooprofilattico sperimentale de Sicile, Palerme, Italie), Francesca Licitra (Istituto zooprofilattico sperimentale de Sicile, Palerme, Italie), Alessandro Stamilla (Dipartimento di Agricoltura, Alimentazione e Ambiente (Di3A) Università di Catania, Italie), Simona Amore (Laboratoire R & D, Leocata Mangimi, Modica, Italie), Mario Dipasquale (Laboratoire R & D, Leocata Mangimi, Modica, Italie), Rosario Salonia (Istituto zooprofilattico sperimentale de Sicile, Palerme, Italie), Francesco Antoci (Istituto zooprofilattico sperimentale de Sicile, Palerme, Italie) et Alphonse Zecconi (Dipartimento di scienze biomediche, chirurugiche e odontoiatriche, One Health Unit, Université de Milan, Italie) publié le 27 juin 2022, dans Frontiers in veterinary sciences. urlz.fr/jc2N

La cétose clinique et subclinique (SCK) survient fréquemment chez les vaches laitières pendant la période de lactation et elle est à l’origine d’une réduction de la production de lait ainsi que d’une altération de la qualité du lait, ce qui conduit à des pertes économiques importantes pour les éleveurs. En effet, au cours de la période de transition (de trois semaines avant à trois semaines après le vêlage) les vaches laitières traversent l’une des phases les plus critiques de leur vie productive1, 2. L’augmentation importante et rapide de la production laitière associée à une augmentation relativement lente de la matière sèche ingérée (DMI), peut conduire à l’établissement d’un fort déséquilibre énergétique. La principale conséquence de ce phénomène est une lipomobilisation avec la libération d’acides gras non estérifiés (AGNE) dans le plasma. Le foie produit alors des corps cétoniques et notamment du β-hydroxybutyrate (BHB) à l’origine d’une cétose ou acétonémie3. Pour moduler ce dysmétabolisme, différentes stratégies alimentaires ont été envisagées dont l’augmentation de l’apport en matière sèche pour assurer un temps de rumination adéquat (pH ruminal correct, bilan énergétique positif) 4. Par ailleurs, les recherches ont montré que la gestion correcte des groupes de vaches, avec un libre accès aux aires de repos ainsi qu’un apport alimentaire et une température correctement régulée5, pourraient également permettre de prévenir la cétose clinique et subclinique.

Des connaissances à compléter

En ce qui concerne la SCK, qui se caractérise par un niveau élevé de corps cétoniques en l’absence de signes cliniques, il est important de surveiller son apparition car, lors de SCK les données ont montré une altération des fonctions immunitaires6,7 qui peut être à l’origine d’autres affections. Or, actuellement, bien que l’importance de la cétose dans les troupeaux laitiers soit bien connue, très peu d’études se concentrent sur sa prévalence dans les troupeaux laitiers italiens8 (en utilisant taux de BHB dans le lait individuel comme méthode diagnostique) et il existe peu d’analyses de ses conséquences sur la production et la qualité du lait. C’est pourquoi, afin d’essayer de contrôler l’apparition d’une cétose avant les premiers signes cliniques9,10,11,12,13 dans l’étude transversale présentée ici, les chercheurs avaient pour objectif d’estimer la prévalence de SCK en Sicile par l’analyse des valeurs de BHB dans des échantillons de lait et d’évaluer son impact sur les graisses, les protéines, le lactose, la caséine et les cellules somatiques, le comptage (SCC) du lait ainsi que sur la production laitière. Par ailleurs, lors d’une étude longitudinale non contrôlée, ils ont également cherché à évaluer les effets d’un traitement à base de propylène glycol (PG) sur les taux de guérison de la SCK et sur la qualité et le rendement du lait.

Une large étude italienne

L’étude transversale a été réalisée dans 22 élevages situés au sud-est de la Sicile, sur 1 588 vaches en lactation. Un total de 3 989 échantillons individuels de lait ont été prélevés du vêlage aux 80 jours suivants afin de vérifier les valeurs de β-hydroxybutyrate (BHB) dans le lait, puis d’établir le statut SCK par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier. De plus, les teneurs en matières grasses, en protéines, en lactose, en caséine, en urée, en cellules somatiques (SSC) et en acétone du lait ont été évaluées chez les vaches atteintes de SCK. Comme l’indiquent les résultats de l’étude, 1 100 vaches présentaient des valeurs de BHB supérieures à 0,10<0x00A0>mmol/l. Ces vaches, considérées comme SCK positives, représentaient 41,5<0x00A0>% de l’effectif au cours des 9 premiers jours de lactation. De plus, l’étude de la composition du lait a révélé l’existence d’une corrélation entre la cétose et l’augmentation du pourcentage de matières grasses, de la moyenne de SSC et la diminution du pourcentage de protéines. Selon les auteurs de l’étude, les variations du rapport graisses-protéines pourraient donc être un signe avant-coureur de SCK14,15. Ils expliquent ces résultats par le fait que les modifications biochimiques et inflammatoires induites par les corps cétoniques pourraient conduire à une augmentation des valeurs de SCC dans le lait.

De nouvelles perspectives de détection précoce de la cétose

Dans un second temps, les vaches SCK positives ont été séparées du reste du troupeau et traitées avec du PG (400 g/animal/jour). Dans cette étude, 67,85<0x00A0>% des vaches présentaient des taux de BHB dans le lait inférieurs à 0,10 mmol/l après avoir reçu le traitement PG. Les chercheurs, qui ont comparé les taux de guérison des vaches traitées au cours du temps, ont également montré que le traitement a été plus efficace les 7<0x00A0>premiers jours de lactation (efficacité chez 76,5<0x00A0>% des vaches traitées) que les jours suivants. De plus, il semblerait que le PG a influencé positivement les paramètres de qualité du lait, à l’exception du taux de matières grasses, ainsi que la production laitière. Comme l’ont rappelé les chercheurs, d’après les données connues le PG prévient la lipidose hépatique, améliore la production de lait, la reproduction et les performances immunitaires en améliorant la glycémie plasmatique et la fonction hépatique chez les vaches atteintes de SCK et réduit la quantité de matières grasses dans le lait. Comme l’ont conclu les auteurs de l’étude, ces résultats contribuent donc à sensibiliser à la SCK et visent à encourager l’utilisation d’échantillons individuels de lait pour établir un diagnostic précoce de la SCK. Cette technique d’analyse du lait (Fourier Transform Infrared Spectroscopy) est facile à mettre en place, économique et très précise.

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