La mention « abattage sans étourdissement » toujours absente des étiquettes - La Semaine Vétérinaire n° 1957 du 13/09/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1957 du 13/09/2022

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Clothilde Barde

Comme l’indique un communiqué publié le 4 juillet 2022 par l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), le Conseil d’État a rendu sa décision finale dans l’affaire de « traçablité du mode d’abattage » qui opposait l’association au ministère de l’Agriculture.

« Les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme n’imposent pas à l’État de rendre obligatoires des mesures de traçabilité, en vue de garantir à certains consommateurs qu’ils ne consomment pas de viandes issues d’abattages pratiqués sans étourdissement » a indiqué le Conseil d’État dans sa décision du 1er juillet 2022. Cette dernière intervient après deux ans d’une instruction commencée à la demande de l’OABA en juin 20201.

Un manque de transparence

En effet, comme l’a rappelé l’association dans son communiqué, les viandes issues des abattages rituels pratiqués sans étourdissement de l’animal (halal et kasher) qui ne trouvent pas preneurs sur ces marchés confessionnels sont dirigées vers le marché conventionnel, sans aucune mention informative. Or, l’OABA milite depuis plusieurs années pour que ce système dit de la « complémentarité des circuits de distribution » disparaisse car, selon elle, cela constitue une atteinte à la volonté des consommateurs qui ne souhaiteraient pas consommer cette viande.

Une procédure encore longue

Après une mise en demeure de l’État français, par l’association, en février 2020, puis du Conseil d’État, en juin 2020, pour qu’ils prennent les mesures normatives assurant une traçabilité parfaite de ces viandes, ces demandes ont été rejetées. C’est pourquoi, l’association a décidé de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant la « violation de la liberté de conscience des consommateurs » . Cette dernière espère maintenant que « le droit et l’éthique l’emporteront à l’instar de l’arrêt rendu en février 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de Luxembourg » 2. En effet, après sept années de procédure, l’OABA avait alors obtenu gain de cause auprès de la CJUE en faisant adopter l’interdiction d’apposer le label « AB » (Agriculture biologique) sur des viandes issues d’abattage sans étourdissement car « une telle pratique d’abattage ne respecte pas les normes les plus élevées de bien-être animal ; critère qu’est pourtant censé remplir le “bio3” ».

Docteur Manuel Mersch

Président de l’OABA depuis 2021

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« Les voies de recours internes sont épuisées »

Comment expliquez-vous cette décision ?

Il est difficile d’expliquer une absence de décision. Le Conseil d’État ne répond en effet nullement à notre demande et à la question qui lui était posée : « l’absence de traçabilité des viandes issues d’abattages sans étourdissement commercialisées dans le circuit classique de distribution à l’insu des consommateurs porte-t-elle atteinte à leur liberté de conscience ? ».

Quelle est la procédure mise en place maintenant et quand pensez-vous obtenir une réponse ?

Les voies de recours internes étant épuisées, l’OABA a décidé de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. La requête sera déposée courant octobre 2022 et il nous faudra patienter au moins jusqu’en 2024 pour connaître la position de la cour de Strasbourg.

Traçabilité et étiquetage de la viande bovine

Le règlement n°1760/2000 du Parlement et du Conseil fixe les conditions de l’étiquetage de la viande bovine. Ce règlement, qui remplace le règlement n°820/97 dont il reprend les règles déjà en vigueur de l’étiquetage facultatif, crée un système communautaire d’étiquetage obligatoire de la viande bovine. Ainsi, l’étiquetage des viandes bovines, hormis les viandes hachées, doit comporter obligatoirement, depuis le 1er septembre 2000, un numéro assurant le lien entre le produit et l’animal ou le groupe d’animaux dont il est issu, le pays d’abattage et le numéro d’agrément de l’abattoir, le pays de découpage et le numéro d’agrément de l’atelier de découpe.

Quelques particularités industrielles

Au niveau industriel, afin de tenir compte de la nécessité de procéder à certains assemblages de produits (fin de lots, composition de barquettes incluant différents produits…), il peut être admis de faire figurer, sur une étiquette, à côté du nom du pays, les numéros d’agrément d’abattoirs ou d’ateliers de découpe de ce même pays, correspondants aux établissements dont proviennent effectivement les viandes. « La traçabilité doit toujours permettre de remonter de la viande distribuée à l’animal ou aux animaux dont elle provient à l’aide des liens entre les enregistrements des différents numéros de lot et de leurs caractéristiques » indique le texte de loi

1. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/tracabilite-de-la-viande-bovine

  • 1. urlz.fr/j8dC (oaba.fr)
  • 2 urlz.fr/j8dO (europa.eu)
  • 3. urlz.fr/j8dy (oaba.fr)
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