Disciplines équestres
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Par Chantal Béraud
Agnès Benamou-Smith, vétérinaire à la Fédération équestre internationale (FEI) détaille ici quelques mesures de prévention qui lui semblent fondamentales en matière de bien-être équin durant les compétitions. Elle explique aussi dans quelle mesure le vétérinaire dispose ou pas déjà d’outils scientifiques fiables pour lutter contre certains abus.
En mai 2022, un rapport présidé par le député Loïc Dombreval a mis en avant 46 propositions visant notamment à mettre plus pleinement la santé animale au cœur des pratiques sportives équestres, avec les Jeux olympiques de Paris 2024 en ligne de mire. Une initiative que salue Agnès Benamou-Smith (A 89), spécialiste en médecine équine et en physiologie sportive, également vétérinaire auprès de la Fédération équestre internationale (FEI). Quelle est sa mission dans cette dernière instance ? « Dans son règlement général vétérinaire (article 1 000), la FEI stipule que le vétérinaire est présent afin d’assurer le bien-être (« welfare ») du cheval de compétition » répond-elle. Elle ajoute : « Ce qui signifie qu’il doit autoriser à concourir tous les chevaux qui lui semblent en état de forme suffisant pour ce faire, et évidemment non dopés par des substances interdites. Le vétérinaire a donc un rôle important en matière de prévention et de bien-traitance du cheval ». Dans quelle mesure ? « Qui dit compétition sportive dit évidemment prise de risque. Mais c’est un risque qui doit être mesuré, le rôle du vétérinaire étant justement d’être présent pour prévenir tout risque qu’il jugerait exagéré, via son évaluation scientifique ».
Réduire les risques d’accidents
L’objectif des examens vétérinaires est donc notamment de réduire les risques de boiteries, de souffrance et de possibles dangers orthopédiques qui pourraient survenir durant les épreuves sportives. C’est pourquoi, en théorie, afin d’éviter ces blessures, les cas doivent être détectés par le vétérinaire en amont de la compétition. Ces détections sont-elles actuellement assez fines à son avis ? « Cela dépend des disciplines équestres. Par exemple, en CSO, les membres des chevaux sont évalués, mais uniquement quand ils sont à l’arrêt. Je pense qu’il faudrait également faire une autre vérification aux allures pour s’assurer, au cours d’un examen dynamique – comme cela se fait déjà en endurance équestre – que leur locomotion est adéquate pour l’effort à venir ».
Lutter contre les pratiques abusives
Il est arrivé aussi que des entraîneurs appliquent des substances abrasives au niveau des membres du cheval : ainsi, pour éviter les touchers douloureux de barre, l’animal va automatiquement lever très rapidement les membres, en améliorant ainsi son saut… « Quand un vétérinaire suspecte qu’un cheval a subi ce genre de dérives, la réglementation l’autorise à examiner pour tenter de détecter chez lui une locomotion anormale ou bien encore un niveau de sensibilité trop important au niveau des membres, commente Agnès Benamou-Smith. À l’inverse, il arrive aussi que des chevaux soient parfois trop peu sensibles au niveau des pieds, parce qu’une névrectomie ou des anesthésies ont été pratiquées en dehors du cadre légal et à l’encontre du bien-être du cheval ! On peut aussi, dans le même but, leur avoir injecté du venin de serpent ou bien avoir concocté un « cocktail » de plantes diverses pour désensibiliser le pied… En bref, lutter contre les pratiques illégales de dopage, sous toutes leurs formes, n’est pas évident, car les substances injectées sont parfois difficilement détectables dans le sang ou dans l’urine de l’animal ».
Des tests supplémentaires ?
« C’est pourquoi, poursuit Agnès Benamou-Smith, je suis favorable à ce que l’on continue à expérimenter sur les tests d’hyposensibilité en concours de saut d’obstacles et chez les chevaux de course, de façon aléatoire, dans le but d’améliorer le niveau de fiabilité de ces tests. De manière à ne pas non plus faussement éliminer des chevaux qui ne seraient pas en dehors des clous ! »
Pour l’heure, seule la Fédération équestre internationale pratique, de façon aléatoire, de tels tests d’hyposensibilité durant les compétitions d’endurance. Dans la recommandation numéro 20 du rapport de Loïc Dombreval, deux nouvelles mesures de prévention sont préconisées : d’une part, « multiplier l’utilisation aléatoire des tests d’hyposensibilité, d’hypersensibilité et de thermographie de façon à contrôler au moins 10 % des chevaux après chaque épreuve ». Et, d’autre part : « Travailler à optimiser et faire valider ces tests pour les rendre fiables, standardisés (spécificité et sensibilité) et reproductibles en amont des Jeux olympiques 2024 ».
À propos de la thermographie
« La thermographie est un outil précieux puisqu’il permet d’évaluer les différences de température à la surface de la peau du cheval en mettant en évidence des signatures thermiques chaudes et froides sur des zones corporelles. Les variations thermiques ainsi que les dissymétries sont autant d’indices qui permettront d’aider à suspecter d’éventuelles pathologies ou traumatismes. Les signatures froides peuvent être liées à d’éventuels défauts de vascularisation liés à la présence d’œdèmes, hématomes ou abcès (existant ou en formation). Les signatures thermiques chaudes, elles, précisent des zones d’inflammations (exemple : dorsalgie, tendinites…). Elle permet aussi la détection d’utilisations frauduleuses de produits rubéfiants ».
Source : rapport sur le bien-être équin aux JO 2024, page 36.
Davantage vacciner contre la rhinopneunomie ?
« Quand quelque deux cents chevaux ou plus sont rassemblés en compétition, le risque qu’ils se contaminent entre eux est grand », observe Agnès Benamou-Smith. « C’est pourquoi le vétérinaire doit inciter à leur vaccination contre la rhinopneunomie, maladie dont plusieurs chevaux sont morts en 2021, suite à une compétition internationale en Espagne ». « Même si le vaccin contre la rhinopneunomie n’est pas totalement efficace contre la forme nerveuse, la vaccination reste le meilleur moyen de limiter la circulation de cette maladie », conclut aussi le rapport pour le bien-être équin aux JO de 2024.
« Dire non aux perfusions après l’effort »
« Le vétérinaire doit également inciter les propriétaires à veiller au respect d’un temps de repos suffisant après les épreuves, commente Agnès Benamou-Smith. Je constate en effet qu’actuellement, notamment en endurance, il y a une tendance à trop perfuser de façon systématique le cheval après l’effort, sous prétexte de devoir le transporter dès le lendemain durant plus de huit heures de trajet. Attention donc à l’impartialité du vétérinaire qui officie quand ce dernier est rémunéré pour un tel acte… En effet, notre profession a le devoir moral de s’opposer à cette pratique pour des chevaux non-malades ! Après l’effort, le cheval de compétition a droit au repos et à retrouver ses besoins physiologiques normaux sans subir une perfusion dont la composition n’est pas toujours bien contrôlée. Il faut bichonner le cheval, le faire brouter et le laisser se réhydrater naturellement, avec un seau à sa disposition, qu’il va alors boire spontanément ».