« One Health » : un concept devenu réalité ? - La Semaine Vétérinaire n° 1951 du 01/07/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1951 du 01/07/2022

Europe

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel

Ou en est-on de l’application du One Health ou Une seule santé ? Animalhealth Europe a fait de cette question le thème de sa conférence annuelle. Entre réelles avancées et attentes, cette approche n’est plus abstraite pour de nombreux acteurs sur le terrain.

Le concept One Health, mythe ou réalité ? Animalhealth Europe, qui représente les industriels européens des médicaments vétérinaires, a convié, à sa conférence annuelle organisée le 16 juin dernier à Bruxelles (Belgique), des acteurs des trois santés à partager leurs réflexions sur ce thème. « Il y a cinq ans, nous avions déjà organisé une conférence sur le One Health et la question était : “One Health n’est-il qu’un mot à la mode ?” Nous avons discuté de ce que cela signifiait et de ce que cela impliquait », a déclaré en préambule des échanges Roxane Feller, secrétaire générale d’AnimalHealthEurope qui reconnaît que la crise Covid-19 a agi comme un catalyseur de mouvement. L’approche One Health, déjà bien connue en santé animale, s’inscrit désormais à l’agenda des décideurs politiques européens et des organisations internationales. Les interventions de Monique Éloit, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (Omsa, EX-OIE) et de Claire Bury, directrice générale adjointe de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, rappellent de manière forte la nécessité de mobiliser tous les acteurs et ce surtout à l’international.

Au-delà de l’antibiorésistance

Claire Bury rappelle que la Commission européenne est un acteur engagé du One Health car elle a porté plusieurs actions qui intègrent cette approche. « La résistance aux antimicrobiens (RAM) est probablement, en termes historiques, le premier domaine dans lequel l’Union européenne (UE) a commencé à développer une approche politique forte pour une seule santé et cela reste une priorité absolue. » Mais l’application de ce principe ne s’arrête pas à la résistance bactérienne ou au contrôle des zoonoses. Il est déployé dans de nombreux domaines politiques comme « le bien-être animal, la biodiversité, la santé des sols, l’utilisation durable des pesticides, le changement climatique, la prévention, la détection et réponse rapide aux futures urgences sanitaires ». « L’UE, en tant que membre du G7 et du G20, a approuvé les engagements politiques visant à poursuivre la mise en œuvre de l’approche One Health » déclare Claire Bury. L’autorité européenne a aussi intégré la dimension environnementale de ce concept en s’associant à l’Agence européenne pour l’environnement afin de créer un Observatoire européen du climat et de la santé.

La dimension environnementale sous-évaluée

Les intervenants ont abordé d’autres pistes pour traduire le consensus scientifique sur le One Health en politique. Il y a des initiatives qui marchent comme l’a rappelé Nino Berdzuli, membre de la représentation Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour lui, il faut encourager un travail quadripartite à l’image de la collaboration One Health entre l’OMS, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Omsa et le Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE). Une coordination régionale permet d’identifier les priorités et soutenir techniquement les États membres. Autre exemple, le programme européen One Health soutenu par la Commission européenne, met autour de la table différents experts. « Nous gérons les projets ensemble, nous prenons des décisions ensemble. Il y a une grande compréhension du point de vue de l’autre, il n’y a plus la santé humaine, la santé animale, mais une véritable perspective One Health » a déclaré Ludovico Sepe, membre du Programme conjoint européen EJP One Health. La conseillère en environnement Aida Bakri (ADS Insight), regrette toutefois que la dimension environnementale de l’approche One Health ne soit pas totalement intégrée dans les débats actuels et ait « tendance à être sous-étudiée et sous-évaluée. » De son côté, Andrea Bertaglio, journaliste spécialisé dans le développement durable, rappelle que la communication est la clé. Elle insiste sur la responsabilité des journalistes dont le travail permet de partager de bonnes informations pour lutter contre la mésinformation voire la désinformation.

Investir pour l’avenir

Steve Hallahan, président de la Plateforme européenne pour l’utilisation responsable des médicaments chez les animaux (Epruma), ajoute que la formation est un élément essentiel pour rendre le concept One Health opérationnel.  « Il sera important d’avoir plus de cours One Health ou de l’inclure dans le programme d’études médicales et vétérinaires, et même environnementales. » L’approche One Health doit aussi se penser à l’international comme l’a martelé Dieter Schillinger, directeur général adjoint de l’Institut international de recherche sur l’élevage, notamment dans le domaine de la prévention et de la recherche. À titre d’exemple, il cite la fièvre de la vallée du Rift, dont des moustiques sont les vecteurs, et les cas qui ont été signalés en Europe. Le vaccin est en cours de développement pour les animaux pourrait être adapté pour la santé humaine. « Chaque euro investi génère 5 € de bénéfices pour la santé publique. Nous n’avons pas besoin de perdre 3 000 milliards d’euros à cause d’une pandémie » lance Dieter Schillinger. En conclusion de la conférence, Rob Kelly a rappelé que des animaux en bonne santé permettraient de réduire « de 20 % la perte de production alimentaire due uniquement aux maladies animales » et que l’accent mis sur la prévention permet de diminuer le recours aux antibiotiques.

Le mot de Roxane Feller,

Secrétaire générale d’AnimalhealthEurope

« Le concept One Health, c’est notre quotidien ! »

Le One Health, c’est plus qu’un concept, c’est une réalité. C’est notre quotidien. La Commission européenne connaît le concept One Health depuis plusieurs années mais son action est presque toujours été limitée à l’antibiorésistance. Ce principe doit aller au-delà de cette problématique. La crise du Covid-19 a été un véritable catalyseur en rappelant la nécessité de faire interagir la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale. La communication est un éément essentiel.pour faire vivre ce concept. Il est nécessaire de sensibiliser les décideurs, les citoyens, les politiques avec des messages qui ont du sens. De même, les avancées scientifiques.doivent être rendues accessibles par la formation et l’éducation.

Les vétérinaires en première ligne

« Les partenariats intersectoriels doivent s’inscrire dans la dynamique de la gouvernance mondiale de la santé et, par conséquent, devenir un moteur de changement au niveau régional et national » a déclaré Monique Éloit, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (Omsa) en ajoutant que la collaboration entre les secteurs des santés animales, humaine et environnementale est indispensable pour renforcer les mécanismes de prévention d’une prochaine pandémie et préparer la riposte. « Le personnel vétérinaire doit être considéré comme un élément essentiel du personnel de santé d’un pays, car ce sont des professionnels de première ligne dans la prévention des zoonoses et la sécurité alimentaire » martèle Monique Éloit. L’Omsa travaille également sur l’accord en cours d’élaboration par l’Organisation mondiale de la santé sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies. Pour la représentante de l’Omsa, le One Health ne se limite pas à la seule collaboration entre les acteurs des trois santés. Cette approche doit être flexible et s’adapter aux différents écosystèmes. « Il s’agit de penser différemment, et de vraiment travailler et penser ensemble ! »