Vente d’un chien et demande exorbitante - La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022

Jurisprudence

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Céline Peccavy

Un jugement montre lors de la vente d’un chien une procédure où la demande de dommages et intérêts n’est pas retenue.

Les faits

Dans le cadre de son activité d’élevage, le 29 décembre 2017, Madame V a cédé à Madame A un chiot femelle de race labrador né le 12 octobre 2017. Le prix de vente avait été fixé à 990 euros et la chienne avait été examinée auparavant par le docteur V. Elle présentait ce jour-là, le 5 décembre 2017, un bon état de santé, aucune maladie n’ayant été diagnostiquée.

Le 20 juin 2018 un mastocytome est diagnostiqué chez la chienne. Il est ôté chirurgicalement le 6 juillet suivant. Cette chirurgie a raison de la tumeur et aucune intervention complémentaire n’est nécessaire.

Les parties ne parviennent pas à trouver un accord sur les frais, dans la mesure où elles s’opposent sur la date d’apparition de la pathologie.

Expertise judiciaire

La propriétaire de la chienne décide de s’engager sur la voie judiciaire et de commencer par une expertise. Cette démarche peut se révéler risquée et coûteuse pour la vendeuse. Le principe est en effet qu’elle devra assumer tous les frais d’expertise si elle n’a pas à totalement raison. En l’espèce, c’est bien ce qui se produit, puisque l’expert judiciaire considère que la tumeur existait déjà le jour de la vente. L’expertise a cependant ici un intérêt très positif pour l’éleveuse : l’expert, par un examen minutieux des factures produites, a pu déterminer l’entier préjudice en lien avec la tumeur (d’un montant de 1 398,17 euros) alors que Mme A demandait initialement un peu plus de 4 000 euros, décompte qui n’est malheureusement pas toujours détaillé par les magistrats. L’expert a également confirmé que l’état clinique général de la chienne était excellent.

L’addition étant déterminée, Mme V propose officiellement une indemnisation de 2 800 euros, qui englobe les frais vétérinaires et d’expertise. Mme A refuse, car elle estime avoir subi dans cette affaire un énorme préjudice moral, qu’elle chiffre à 8 000 euros.

Préjudice moral

Sachant que la moyenne accordée en matière de préjudice moral au civil est de 500 euros, on comprend la démesure de la demande de Mme A.

Mais cette dernière en est persuadée : elle a légitimement évalué son préjudice qu’elle justifie par de nombreuses affirmations. D’après elle, il serait déconseillé que la chienne donne naissance à des chiots et elle a eu des problèmes de santé liés à l’affaire. Sur ce second point, Mme A développe : sa chienne avait un comportement turbulent, forcément dû à sa tumeur. Elle affirme aussi que la turbulence de la chienne a causé sa chute et que s’en sont suivis moult ennuis de santé, y compris le fait d’avoir contracté le Covid-19.

Décision sanction ?

À jouer avec le feu, Mme A s’est brûlée. Non seulement elle n’a pas obtenu un centime de sa demande de dommages et intérêts, mais elle a également été déboutée de sa demande en remboursement de frais d’avocat. Le tribunal sur la question de la reproduction a rappelé que l’animal a été cédé pour une destination de compagnie, que l’expert a mentionné que la chienne pouvait parfaitement reproduire et qu’« il apparaît fort peu probable que compte tenu de l’état de santé qu’elle met en avant, Mme A a eu l’intention de faire saillir sa chienne ». On ne peut pas jouer en effet sur tous les tableaux. Quant à ses soucis de santé et à la turbulence de la chienne : « les éléments extrinsèques à la chose vendue n’ont pas à être pris en considération. Il en est ainsi de l’âge et de l’état de santé de Mme A qui a fait choix de prendre non seulement un chiot, mais encore d’une race de grande taille et labrador, connue comme remuant durant les deux premières années ». En conclusion, à trop demander on perd tout.

  • Commentaire jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Amiens le 20 décembre 2021.
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr