Traitement des mammites à coliformes : distinguer formes sévères et bénignes - La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Céline Gaillard-Lardy

Lors des dernières journées des groupements techniques vétérinaires de Nantes de Nantes, Olivier Salat a partagé son expérience dans la gestion des mammites à coliformes. Si l’antibiothérapie ciblée est nécessaire lors de formes sévères, elle est inutile lors de formes bénignes dues à E. coli.

Les coliformes (Escherichia coli, Serratia et Klebsiella) sont des pathogènes mammaires majeurs, engendrant des pertes importantes en élevage. À lui seul, E. coli est responsable de 80 à 90 % des mammites à coliformes. Le tableau clinique de ces mammites est très variable, allant de formes peu sévères, avec des réactions uniquement locales, à des formes gravissimes, avec une altération de l’état général, susceptibles d’entraîner la perte du quartier, voire la mort de l’animal. D’ailleurs, en Irlande, les mammites à coliformes sont la première cause de mortalité des vaches laitières.

Des premiers travaux expérimentaux d’infection à E. coli montrent que les signes cliniques apparaissent après le pic de croissance bactérienne dans la mamelle, ce qui a conduit certains à penser, à tort, que les antibiotiques n’étaient pas nécessaires en cas de mammites colibacillaires. En réalité, il convient de distinguer les formes sévères des formes bénignes.

Pathogénicité

Si les mammites à coliformes sont dans la grande majorité bénignes, « les coliformes sont les pathogènes qui engendrent le plus de mammites sévères » souligne Olivier Salat, praticien à Saint-Flour, lors des dernières journées des GTV. À l’aune des connaissances actuelles, « la sévérité de la mammite clinique est due essentiellement à la rapidité de réponse de l’organisme » poursuit-il. En effet, à l’heure actuelle, aucun caractère de virulence particulier n’a jamais été identifié chez les colibacilles. De même, il existe un lien entre sévérité de la mammite et charge bactérienne dans la mamelle : les mammites les plus graves présentent les plus fortes charges bactériennes.

Ainsi, lors de mammite sévère, une succession de signes cliniques est observée. L’hyperthermie est le plus souvent fugace, de 12 à 24 h maximum, ce critère ne doit donc pas être déterminant pour le diagnostic clinique. Après la phase d’hyperthermie, la vache peut présenter une hypothermie, en cas de choc, ou rester normotherme avec une dégradation progressive des autres signes cliniques. Dans d’autres cas, l’hyperthermie peut persister. Un ralentissement de la motricité ruminale et une baisse, voire une perte d’appétit, accompagnent généralement l’apparition de signes locaux marqués, parfois secondaires à la dégradation de l’état général.

Le traitement antibiotique doit diffuser largement dans la mamelle. Si E. coli présente peu de résistances, en revanche, Klebsiella produit une pénicillinase, qui lui confère une résistance aux pénicillines (sauf association avec l’acide clavulanique) et Serratia produit une céphalosporinase.

Mammites sévères

Dans environ deux tiers des cas de mammites sévères, un coliforme est responsable. Ces mammites sévères peuvent s’accompagner d’une bactériémie, d’autant plus présente que l’altération de l’état général est forte. Cela impose de choisir un antibiotique actif aussi bien dans le sang que dans la mamelle. La voie parentérale est donc indispensable.

L’antibiotique doit bien diffuser dans la mamelle, c’est-à-dire être liposoluble et présenter un faible degré d’ionisation et une faible liaison aux protéines plasmatiques. La possibilité d’une administration intraveineuse est également intéressante. Ainsi, les fluoroquinolones paraissent incontournables, car elles présentent des caractéristiques pharmacocinétiques favorables, avec une activité concentration dépendante vis-à-vis des coliformes, et une forte sensibilité des souches visées.

Olivier Salat conseille ainsi, en cas de mammites sévères, de pratiquer un prélèvement de lait pour analyse et antibiogramme. Il préconise en outre de réaliser une injection one shot de fluoroquinolone et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, à laquelle une injection de pénicilline G peut être associée en cas de gangrène. Une fluidothérapie doit être mise en place en cas de choc.

Avec cette approche, Olivier Salat obtient de bons résultats en clientèle, avec seulement 6 % de mortalité sur les mammites sévères à coliformes. De plus, ces bons résultats sont confortés par une faible évolution de la résistance des colibacilles, objectivée grâce au suivi systématique mis en place dans sa clientèle.

Mammites peu sévères

Les coliformes sont les deuxièmes agents responsables de mammites cliniques non sévères, après Streptococcus uberis. En cas de mammites non sévères à coliformes, le taux de guérison bactériologique spontanée est extrêmement élevé, en particulier avec E. coli (80-95 %) ; il est plus bas avec Klebsiella (25 à 65 %).

Ainsi, en pratique, dans le cas de mammites non sévères à coliformes, il convient de distinguer l’agent en cause. Lorsqu’il s’agit d’E. coli, le traitement antibiotique n’est pas justifié, Olivier Salat préconise de n’administrer que des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), afin de limiter la douleur.

En revanche, lorsque d’autres coliformes sont en cause, les antibiotiques sont nécessaires. Dans ce cas, l’utilisation de fluoroquinolones ne peut être justifiée. Olivier Salat recommande alors de privilégier les aminosides, et d’éviter les bêta-lactamines, en raison des pénicillinases et céphalosprinases, produites respectivement par Klebsiella et Serratia.

Mammites chroniques

Dans certains cas, les infections mammaires à E. coli évoluent vers la chronicité. Ces souches dites persistantes présentent généralement une antibiorésistance plus élevée que les souches dites transitoires. De plus, ces colibacilles passent vraisemblablement en intracellulaire, ce qui pose une vraie problématique thérapeutique. L’antibiotique utilisé doit alors être actif et diffuser dans le parenchyme mammaire. En l’absence de données d’evidence based medicine, notre confrère recommande de gérer les poussées cliniques avec des AINS, et d’attendre le tarissement pour effectuer un traitement antibiotique, de préférence avec un aminoside. La réforme de l’animal pourra aussi être envisagée.

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