Forte suspicion de transmission du Sars-CoV-2 du chat à l’humain - La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022

Covid-19

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Anne-Claire Gagnon, avec Tanit Halfon

L’événement a été rapporté par le bureau des centres américains de contrôle et prévention des maladies, ou CDC. Une chatte de compagnie, initialement contaminée par ses propriétaires, aurait ensuite transmis le virus à une vétérinaire, dans une clinique thaïlandaise, en août 2021.

Officiellement, c’est une première : une chatte de compagnie, porteuse du Sars-CoV-2, a très probablement contaminé un humain, vient de signaler le Centers for disease control and prevention d’Atlanta (CDC). L’information a été rapportée dans une prépublication sur le site de l’Agence américaine de santé publique, un article librement accessible, destiné aussi à être publié dans la revue du CDC Emerging infectious diseases1. Que s’est-il passé ? La suspicion de contamination remonte à l’été 2021, et concerne une jeune vétérinaire de 32 ans, qui exerçait à l’hôpital de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université du Prince de Songkhla, situé dans le sud de la Thaïlande (Campus Hatyai). Le 10 août 2021, elle avait examiné une chatte, asymptomatique, à des fins de dépistage de Covid-19, l’animal appartenant à deux hommes confirmés positifs au Sars-CoV-2. Ces deux patients, un père et son fils originaires de Bangkok, avaient manifesté des premiers signes cliniques le 4 août. Ils avaient été placés en isolement le 8 août dans la province de Songkhla à 900 kilomètres au sud de Bangkok, faute de lits disponibles dans leur région d’origine, après vingt heures de voyage en voiture. Tous deux avaient été confirmés porteurs du variant Delta, lequel circulait à Bangkok depuis début juillet 2021. Ce n’était pas le cas dans la province de Songkhla dans laquelle circulait surtout le variant Alpha jusqu’à fin juillet 2021.

Un contact rapproché avec le chat

Lors de la consultation, la jeune vétérinaire a effectué des prélèvements (écouvillons nasal et rectal), la chatte étant maintenue par deux autres praticiens. Le contact avec la chatte aurait duré dix minutes, durant lequel l’animal a éternué près du visage de la vétérinaire. Les trois praticiens étaient équipés de gants et de masques, mais pas de lunettes de protection.

La chatte a été confirmée positive au virus le 15 août, date à laquelle la vétérinaire a consulté pour un épisode de fièvre, avec écoulement nasal et toux productive, et a été confirmée positive. Elle avait commencé à présenter des signes cliniques depuis deux jours. Elle a été isolée dans le même hôpital que les deux propriétaires, et le statut positif de la chatte a incité l’hôpital à l’autoriser à partager l’isolement avec ses propriétaires. Une bonne issue clinique a été rapportée pour tous les individus infectés.

Selon l’enquête épidémiologique menée à l’hôpital vétérinaire, un autre praticien de l’établissement avait présenté de la fièvre un jour avant la consultation de la chatte, et été confirmé positif le 13 août. Toutefois, il avait déclaré n’avoir eu aucun contact direct ou indirect avec les trois vétérinaires ayant été exposé à la chatte.

Entrée possible via les muqueuses oculaires

Par la suite, une analyse génomique a montré que la même souche virale était incriminée pour les deux propriétaires, leur chatte, et la jeune vétérinaire. Cette souche était, de plus, différente des souches circulantes jusqu’alors dans la province, notamment distincte de la souche de l’autre vétérinaire Covid positif de l’hôpital. Les deux autres praticiens ayant consulté le chat n’ont pas été infectés. Selon les auteurs de l’étude, les résultats de l’analyse génomique, et la séquence temporelle d’infection, sont en faveur d’une transmission du Sars-CoV-2 de la chatte à la vétérinaire. La chatte aurait été contaminée par ses détenteurs, au maximum une semaine avant cet événement de transmission. Malgré le temps court de contact avec la chatte (dix minutes), la contamination a pu se faire d’une part du fait d’une forte charge virale de l’animal (qui a été confirmée par RT-PCR) ; d’autre part du fait de l’absence de lunettes de protection ou écran facial, ayant laissé accessible la voie d’entrée oculaire.

Un évènement rare de transmission

Cet événement n’est pas une surprise. Ce risque avait été identifié dès 2020 par les principales agences de santé publique humaine et vétérinaire, comme très faible, rappelle Étienne Thiry, professeur de virologie à la faculté vétérinaire de Liège. « Les cas de zoonose restent rares et concernent le vison (aux Pays-Bas en avril 2020), le hamster doré à Hong Kong (janvier 2022) et maintenant le chat. Ce risque reste qualifié de très faible par le comité scientifique institué auprès de l’agence fédérale belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca). Il ne concerne ni le chien, ni les animaux de production autres que le vison, qui sont considérés comme des culs-de-sac épidémiologiques. Ce risque zoonotique très faible n’existe qu’en présence de propriétaires infectés et excréteurs. » Comme l’indiquent aussi les scientifiques thaïlandais ayant rapporté cette transmission : « L’incidence de ce mode de transmission est relativement rare en raison de la courte durée d’excrétion de virus viable (médiane de 5 jours) ».

Pour prévenir la transmission du Sars-CoV-2 de l’humain au chat, « les personnes atteintes de Covid-19 ou les cas suspects, doivent s’abstenir de tout contact avec leur chat, précisent les auteurs de l’étude. Il est conseillé aux soignants de se protéger les yeux via l’équipement personnel de protection, lors d’interactions étroites avec des chats suspectés d’être infectés ». Étienne Thiry indique aussi « la prévention du risque zoonotique est diminuée en suivant des règles d’hygiène classique incluant le lavage des mains après manipulation de l’animal, l’absence de contact près du visage (absence de léchage) et le nettoyage régulier de l’animal par des shampoings appropriés. Pour le vétérinaire en consultation, on ajoutera le port de gants et de lunettes de protection, à désinfecter après usage » (FFP2, bien ajusté pour éviter les fuites latérales). Le détail de ces mesures de protection est consultable dans deux avis des Académies nationales de médecine et vétérinaire2 de France de 2020.

Bien entendu, cela ne doit pas faire oublier que la voie majoritaire (si ce n’est quasi-exclusive) de transmission du Sars-CoV-2 reste la transmission inter-humaine.

Plusieurs espèces animales sensibles

Que ce soit dans des conditions de laboratoire ou sur le terrain, plusieurs espèces animales ont montré leur sensibilité au Sars-CoV-2. Pour celles pour lesquelles une infection naturelle a été confirmée, il y a des animaux de compagnie comme le chat, le chien, le hamster, le lapin ; des petits animaux d’élevage (vison, furet), des animaux de zoo (tigre, lion, panthère des neiges, puma, gorille) et des animaux sauvages avec les cerfs de Virginie. Un article du bulletin1 de l’Académie vétérinaire de France de 2021 avait fait le bilan des espèces animales réceptives aux SARS-CoV-2.

1. https://urlz.fr/iyZv

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