Stérilisation dans l’espèce canine : le consensus du Geres - La Semaine Vétérinaire n° 1949 du 17/06/2022
Laurent Masson

D’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac en novembre 2021 à Bordeaux par Sylvie Chastant, diplomate du collège de reproduction animale (ECAR), professeure à l’EnvT, pour le Geres de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

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La Semaine Vétérinaire n° 1949 du 17/06/2022

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Laurent Masson

D’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac en novembre 2021 à Bordeaux par Sylvie Chastant, diplomate du collège de reproduction animale (ECAR), professeure à l’EnvT, pour le Geres de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

Le Groupe d’étude en reproduction, sélection et élevage (Geres) s’est penché sur la stérilisation canine et a élaboré un consensus réalisé par les membres de son bureau, des praticiens spécialisés en reproduction, des enseignants en reproduction des écoles nationales vétérinaires et une consœur spécialiste en comportement. Si la stérilisation est un acte courant et enseigné à tous les vétérinaires, il leur a été difficile de trouver un consensus en raison du manque de publications. On constate cependant un regain d’intérêt pour ce thème, plus particulièrement pour les conséquences éventuelles d’une stérilisation chirurgicale de convenance. La proportion d’animaux stérilisés est variable selon les pays. En France, le taux de chiens et chiennes stérilisés diminue depuis une dizaine d’années, avec actuellement environ 30 % chez le chien et 50 % chez la chienne.

L’objectif de la stérilisation de convenance est d’améliorer la qualité de la cohabitation entre le propriétaire et l’animal : elle doit apporter une réponse aux problèmes, aux motivations du propriétaire qu’il est important de réaliser au cours d’une consultation pré-stérilisation. Dans le cas contraire, les résultats obtenus après stérilisation peuvent être décevants, voire négatifs. La pose d’un implant de desloréline offre la possibilité de prévoir avec une bonne fiabilité les effets d’une stérilisation.

Contre-indications

La stérilisation doit être repoussée en cas de contre-indications temporaires :

- Animal impubère. Chez la femelle, il est préférable d’attendre les chaleurs une ou deux fois, d’autant plus lors de vulve encapuchonnée ou de vaginite clinique de la chienne impubère.

- Stérilisation en dehors de l’anœstrus ; les meilleures conditions opératoires ne sont pas réunies à cause d’une vascularisation plus importante lors de pro-œstrus ; elle est formellement contre-indiquée en diœstrus car la lactation de pseudo-gestation sera difficile à gérer ensuite et la douleur post-opératoire plus importante. Couplé à la césarienne, le risque anesthésique est plus élevé.

- Surpoids.

- Lactation de pseudo-gestation en cours.

- Lors de gestation avancée (au-delà de 40 jours de gestation) en raison du risque chirurgical plus élevé.

- Troubles du comportement et notamment syndrome de privation sensorielle. La maturation cérébrale faisant intervenir les stéroïdes, il convient de ne pas stériliser un animal dont les apprentissages ne sont pas terminés. Un animal atteint de privation sensorielle devrait donc être traité pour ses phobies préalablement à la stérilisation (la stérilisation limite les apprentissages). Par ailleurs, peu d’amélioration est notée pour le comportement d’un chien agité, d’une femelle agressive (sauf si l’agressivité est liée à l’œstrus ou lors de syndrome de lactation de pseudo-gestation).

- Présence d’une maladie concomitante.

Quelles sont les complications possibles ?


Le praticien doit prévenir le propriétaire des conséquences d’une stérilisation pour obtenir un vrai consentement éclairé de sa part :

- Surpoids : proposer un rationnement personnalisé et un suivi du poids et de la note d’état corporel, en collaboration avec le propriétaire.

- Complications postopératoires.

- Préjudice esthétique : chez des races à poils laineux (setter irlandais, cocker, lévrier afghan, golden retriever), un puppy coat syndrom (poils laineux sur tout le corps), répondant parfois à l’implant de desloréline, peut être observé.

- Troubles comportementaux : une consultation comportementale doit être réalisée avant l’intervention.

- Maladies auto-immunes : le risque relatif de présenter une affection dysimmunitaire comme une hypothyroïdie ou une thrombocytopénie semblerait augmenter par rapport à des animaux non stérilisés, mais ces résultats présentent une confirmation.

- Affections tumorales : augmentation du risque de développement de carcinome transitionnel de la vessie, ostéosarcome, lymphome, mastocytome, à l’inverse des tumeurs mammaires. Cela serait une conséquence de l’hormone lutéinisante (LH) et des œstrogènes. Il pourrait être plus intéressant de privilégier un dépistage précoce en incitant les propriétaires à palper régulièrement les chaînes mammaires en phase d’anœstrus plutôt que de stériliser.

- Affections orthopédiques : la stérilisation augmente le risque d’affection articulaire (rupture des ligaments croisés, dysplasie de la hanche ou du coude) chez le golden retriever.

- Affections urinaires : la prévalence de l’incontinence urinaire chez la chienne stérilisée est égale à 1,8 % contre 0,16 % chez la chienne entière et augmente avec le poids de l’animal (plus de 25 kg) et varie selon les races (setter irlandais, dalmatien, braque hongrois, doberman, boxer, schnauzer géant, rottweiler).

Néanmoins, la longévité et le surpoids sont des variables qui peuvent biaiser les résultats sur les risques d’affections articulaires, tumorales et d’incontinence urinaire, tout comme éventuellement le degré de déisation médicale des animaux stérilisés et le pays où les études1 ont été réalisées.


En conclusion, dans l’espèce canine, que ce soit pour le mâle ou la femelle, la stérilisation post-pubertaire est privilégiée, après la réalisation systématique d’une consultation pré-opératoire. Il est conseillé d’attendre que les animaux finissent leur croissance, surtout pour les chiens de grande race, qui seront donc stérilisés après les deuxièmes voire troisièmes chaleurs.


  • 1. Hart et al (2020). Aide à la décision sur l’âge de la castration pour 35 races de chiens :
    troubles articulaires associés, cancers et incontinence urinaire, Front. Vétérinaire. Sei., 7 : 388.
    Hart et al (2020). Aide à la décision sur l’âge de la castration pour les chiens de races mixtes de cinq
    catégories de poids : troubles articulaires et cancers associés, Vet. Sci., 7 : 472.
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