RCP et assurances : comment être bien protégé ? - La Semaine Vétérinaire n° 1949 du 17/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1949 du 17/06/2022

Protection

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

Parce que les contrats d’assurance responsabilité civile professionnelle vétérinaire recèlent des subtilités et des pièges, il ne faut rien choisir à la légère. Se tromper de protection peut vous exposer à des conséquences parfois dramatiques lors d’un sinistre. Mieux donc prévenir et éplucher son contrat d’assurance.

Les 21es Journées européennes de Roissy organisées par l’Association vétérinaire équine française (Avef) ont traité d’un sujet hautement sensible en vétérinaire équine : la responsabilité civile professionnelle ou RCP. En tant que professionnel de santé exerçant la plupart du temps en libéral, le vétérinaire a tout intérêt à se prémunir contre les risques susceptibles de mettre en péril la pérennité de son entreprise. Il est de sa responsabilité d’avoir une approche globale des risques pour couvrir ses responsabilités (RCP, responsabilité de dirigeant), son outil de travail (clinique, matériels…), lui-même et son équipe (prévoyance, retraite, santé). Les enjeux d’une bonne assurance RCP sont triples : mettre à l’abri son patrimoine professionnel, assurer ses engagements professionnels et protéger son outil de travail. Avant de souscrire un contrat, « il faut bien avoir en tête toutes les conditions à respecter et tous les points de vigilance, plus vous prenez des précautions en amont, mieux c’est ! », avertit Bertrand Poulnot, assureur conseil indépendant, agent général et courtier en assurance des vétérinaires.

La RCP implique une obligation légale de réparer les dommages causés à autrui dans le cadre de son activité professionnelle. Dans le secteur vétérinaire, l’article 1240 du Code civil prévoit que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cet article pose le principe de la responsabilité du fait personnel, en d’autres termes, lorsque la faute d’une personne cause un préjudice à un tiers, le responsable doit indemniser la victime. Les responsabilités engagées sont fonction de la nature du fait à l’origine du dommage. « Elle est contractuelle lors de l’inexécution ou du retard dans l’exécution d’une obligation contractuelle, elle est délictuelle quand la faute est volontaire et quasi-délictuelle quand la faute est involontaire, par exemple causée par une négligence ou une imprudence de son auteur », détaille l’assureur.

Conditions de mise en œuvre

Lorsqu’une personne estime avoir subi un préjudice, elle peut invoquer la responsabilité civile délictuelle de l’article 1240 du Code civil mais pour cela, elle doit réunir trois conditions cumulatives. En premier lieu, un fait générateur : la victime doit pouvoir rapporter la preuve d’une faute d’un tiers. Ensuite, il faut un dommage indemnisable. Il peut être de quatre ordres :

- un dommage corporel (atteinte à l’intégrité physique de la victime) ;

- un dommage matériel (destruction d’un bien) ;

- un dommage moral (atteinte à l’honneur ou à un sentiment – ce type de préjudice peut arriver en canine) ;

- une perte de chance (elle ne constitue pas un préjudice réparable par rapport à un dommage futur, à moins qu’il soit certain).

Enfin, il faut un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage ; la victime doit prouver que c’est bien la faute qui a causé son préjudice. « Rassembler ces trois conditions n’est jamais chose facile » rassure Bertrand Poulnot.

La RCP constitue une problématique à part pour le vétérinaire équin, qui doit se protéger contre les risques de mise en cause s’il venait à provoquer des dommages à un tiers (personne physique ou morale). Il doit se prémunir contre les dommages de fréquence (qui se répètent) et les dommages d’intensité (par exemple, un cheval d’une valeur de 500 k€ meurt sur la table d’opération). « Ces deux types de dommages peuvent constituer des menaces ou causes de résiliation d’un contrat avec la compagnie d’assurances », met-il en garde.

Des garanties à plusieurs niveaux

Dans une assurance RCP, l’assurance responsabilité exploitation couvre tous les dommages qui peuvent être causés du fait du fonctionnement de l’entreprise (accident trajet professionnel d’un salarié, MP/AT, faute inexcusable de l’employeur…). L’assurance responsabilité professionnelle vient, elle, garantir la prestation du vétérinaire et tout ce qui gravite autour, tandis que l’assurance « Défense et recours » vise tous les moyens que l’assureur doit mettre en œuvre pour assister le vétérinaire dans la défense de son dossier (avocat, expert, frais de procédure judiciaire…). « Attention ! Cette dernière n’est pas une protection juridique, elle ne jouera en votre faveur que si l’une des garanties du contrat est mise en cause, elle ne sera d’aucun recours si vous êtes cité devant l’Ordre des vétérinaires, d’où l’intérêt de souscrire une assurance protection juridique », conseille-t-il, rappelant toutefois que 70 % des dossiers se règlent à l’amiable. Il complète : « Elle est indispensable pour défendre vos droits (litige ordinal, litige réglementaire, impayés, litige avec un fournisseur, un salarié, l’administration…). »

L’assurance RCP soumet le vétérinaire à certaines obligations dans son exercice professionnel, comme celle d’obtenir le consentement éclairé du client avant toute intervention (devoir d’information et consentement éclairé, art. R 242-48 du code de déontologie), d’agir selon les données acquises de la science comme l’aurait fait un professionnel avisé et sûr de son art (cette obligation de moyens simples fait peser la charge de la preuve sur le demandeur), de réaliser des actes de convenances (l’obligation de moyens renforcée fait peser la charge de la preuve sur le vétérinaire) ou encore l’obligation de sécurité pour ne pas aggraver l’état du patient (l’animal).

Protéger son outil de travail

Autres points de vigilance concernant, cette fois, la protection de son outil de travail. Bertrand Poulnot émet cinq recommandations :

- assurez la bonne surface et le bon statut d’occupant ;

- vérifiez les capitaux garantis (incendie, stocks, médicaments conservés au froid, semences, animaux de garde dans les boxes) ;

- les matériels doivent être assurés pour leur valeur à neuf ;

- attention aux matériels à assurer en bris, surtout s’ils sont nomades et en leasing ;

- souscrivez une perte d’exploitation et actualisez votre chiffre d’affaires, et ce pour garantir vos charges fixes en cas de sinistre.

Enfin, en cours de vie du contrat, il faut veiller à l’actualisation régulière des vétérinaires assurés et de leur niveau de garanties, à la territorialité des garanties et être attentif à la prévention, notamment en premier lieu, au devoir d’information dû au client.

Neuf pièges à éviter à la souscription

Avant de le signer, le vétérinaire doit s’assurer que son contrat :

- est établi sur la base de ses déclarations ;

- est adapté, voire spécialisé pour son activité ;

- couvre toutes ses activités de manière non limitative (exemple : la télémédecine) ;

- couvre toutes les catégories d’animaux (exemple chez les équidés : cheval de course, cheval de compagnie…) qu’il est amené à soigner ;

- couvre des capitaux adaptés à la valeur des animaux qui lui sont confiés pour soins ;

- couvre les « immatériels non consécutifs » (conséquence financière sans dommage à l’animal, par exemple la visite d’achat) ;

- couvre la personne morale et tous les vétérinaires ;

- acte que chaque vétérinaire est couvert suivant la valeur des animaux qu’il soigne ;

- précise que les garanties entre vétérinaires ne se cumulent pas.

En cas de sinistre : ce qu’il faut faire et ne pas faire

. À faire :

- conserver son calme, expliquer la procédure, apaiser la relation, éviter les malentendus ;

- rappeler que vous êtes assuré ;

- adresser une déclaration circonstanciée à son assureur dans les cinq jours

- faire intervenir l’expert vétérinaire

- établir une discussion contradictoire (chronologie des évènements, circonstances et causes du sinistre, évaluation des dommages et débat sur les responsabilités).

. À ne pas faire :

- céder à la pression du client

- reconnaître sa responsabilité

- réaliser vous-même l’autopsie de l’animal mort

- évaluer les dommages de votre client

- prolonger inutilement des soins post-opératoires sur un animal dont le pronostic vital est engagé sans accord préalable de l’assurance.

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