Des recommandations pour la vaccination des chats immunodéprimés - La Semaine Vétérinaire n° 1949 du 17/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1949 du 17/06/2022

Prévention

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Publiées par le Comité consultatif européen sur les maladies félines, ces recommandations visent plusieurs situations cliniques fréquentes en pratique courante. La protection vaccinale contre la panleucopénie féline y a une place importante.

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Peut-on vacciner un chat immunodéprimé ? Avec quel vaccin ? À quelle fréquence ? Des éléments de réponse ont été donnés dans un récent consensus1 du Comité consultatif européen sur les maladies félines (ABCD pour European Advisory Board on Cat Diseases). Explications d’Étienne Thiry, professeur de virologie à la faculté de médecine vétérinaire de Liège, et membre du comité.

En pratique, comment aborder la vaccination des chats immunodéprimés ?

En premier lieu, les recommandations habituelles de vaccination2 ne changent pas : la primovaccination des chats n’est pas à négliger et le calendrier vaccinal est à personnaliser, suivant le mode et milieu de vie du chat. Ensuite, il convient de s’interroger : quel est l’état immunitaire du chat à vacciner ? Quel est le risque pour ce chat d’être infecté par un pathogène contre lequel un vaccin est disponible ?

Notre analyse s’applique uniquement aux situations cliniques d’immunodépression au long cours. Pour les chats touchés par une maladie aiguë, donc en mauvais état général, ou ceux qui reçoivent un traitement immunosuppresseur de courte durée (moins de deux semaines), la vaccination devra être reportée jusqu’à la guérison et/ou l’arrêt du traitement.

Les titrages sérologiques sont-ils utiles ?

Ils le sont, mais seul le titrage des anticorps anti-parvovirus félin est conseillé, car il s’agit du seul test sérologique que nous validons actuellement. Il peut être utilisé dans deux situations. Soit quelques semaines après la vaccination, pour s’assurer de la bonne réponse vaccinale, soit avant tout rappel vaccinal, pour évaluer l’état d’immunité de l’animal, et donc savoir s’il est possible de se passer de la vaccination et la retarder. Pour toutes les situations d’immunodépression chroniques passées en revue par le comité, nous recommandons systématiquement d’y avoir recours, afin d’éviter un rappel vaccinal non nécessaire.

Quelles sont les recommandations pour les chats infectés par un rétrovirus ?

Pour les rétroviroses, la question de la vaccination se pose uniquement lors du stade asymptomatique de la maladie, c’est-à-dire quand l’animal est encore en bonne santé apparente. Dès le moment où le chat développe des maladies associées à la leucose (FeLV), ou l’immunodéficience liée au FIV, on se situe dans un contexte nécessitant des traitements de soutien, non une vaccination.

Le raisonnement diffère suivant le rétrovirus en cause. Dans les deux cas, dès la phase asymptomatique, une dysrégulation immunitaire se met en place, mais elle sera plus prononcée pour le virus de la leucose féline. De fait, il est recommandé de vacciner régulièrement les chats FeLV positif, avec les vaccins dits essentiels (core vaccines – calicivirus, herpèsvirus, parvovirus), même si le chat vit en intérieur. La vaccination doit être également plus fréquente, avec des rappels par exemple une fois par an. La vaccination contre la rage est possible. Rappelons aussi que pour ces chats FeLV positifs, une vaccination contre la leucose ne sert à rien.

Au sujet du FIV, des études ont montré qu’un chat vacciné à un stade précoce de l’infection produisait un niveau adéquat d’anticorps protecteur. Néanmoins, à la différence du FeLV, il est déconseillé de poursuivre les rappels vaccinaux du chat adulte vivant en intérieur. En effet, un débat a cours sur le fait qu’une immunostimulation pourrait conduire à la progression de l’infection par le FIV : notre postulat est donc que pour un chat FIV positif vivant en intérieur ayant déjà été vacciné, il existe probablement moins de risque d’être infecté par d’autres pathogènes, en comparaison avec un éventuel effet nocif de la vaccination. En revanche, la vaccination contre le typhus est nécessaire si le chat n’a pas un niveau suffisant d’anticorps, car ce virus est ubiquiste et très résistant. Si l’animal ne peut être gardé en intérieur, seuls les vaccins essentiels doivent être administrés. Cela dit, il est fortement conseillé de garder le chat en intérieur, quel que soit le rétrovirus !

Quels sont les autres situations d’immunodépression ?

En cas d’immunodépression d’origine médicamenteuse, les traitements immunodépresseurs au long cours sont de manière générale incompatibles avec la vaccination. Heureusement, ces situations cliniques ne concernent généralement pas les jeunes animaux. On aura donc toutes les chances d’avoir affaire à un chat ayant déjà reçu sa primovaccination, y compris sa dose de premier rappel annuel, qui lui confère un minimum de protection vaccinale. Dans le cas d’une glucocorticothérapie à forte dose3 de long cours (plus de deux semaines), il faudra attendre au moins trois mois après l’arrêt du traitement avant toute vaccination. Un traitement de ciclosporine est en revanche compatible avec des rappels de vaccination, mais pas avec une primovaccination, qui devra être initiée avant tout traitement, ou au moins trois mois après sa fin. Les chats recevant une dose anti-inflammatoire de glucocorticoïdes, peuvent eux, être vaccinés suivant le schéma habituel. Pour les chats sous chimiothérapie, nos connaissances sont trop rares. D’après les données de médecine humaine, il est conseillé de prévoir la vaccination au moins deux semaines avant le début d’une chimiothérapie, ou de la reporter au moins trois mois après la fin du traitement.

Pour le cas du chat âgé de plus de 7 ans, le schéma classique de vaccination peut être poursuivi si l’animal a été correctement vacciné étant jeune. Cela lui aura permis de développer une bonne mémoire immunitaire, pour une pleine efficacité des rappels vaccinaux. En revanche, étant donné que le vieillissement va de pair avec des perturbations de la réponse immunitaire, il y aura une baisse de l’efficacité de la réponse vaccinale de primovaccination. Dans ce cas précis, il faudrait prévoir systématiquement une injection de rappel trois à quatre semaines plus tard, y compris pour la vaccination contre la rage.

N’oublions pas le cas de l’animal atteint d’une maladie chronique, comme le diabète sucré : la vaccination ne s’envisagera que sur un animal correctement stabilisé.

Quelles sont les limites à la vaccination des chats immunodéprimés ?

C’est d’abord l’absence de tests de biologie clinique pour évaluer de manière plus objective le degré d’immunodépression de l’animal, notamment pour l’animal asymptomatique infecté par un rétrovirus. Ensuite, le fait d’avoir de moins en moins à notre disposition des vaccins inactivés qui répondent totalement au risque éventuel de virulence résiduelle des vaccins vivants chez des animaux immunodéprimés.

Toutes ces recommandations ne sont rien sans l’implication de chaque vétérinaire que j’encourage fortement à prendre le temps d’évaluer la balance bénéfice/risque de chaque vaccination. Cela valorise le rôle du praticien, mais implique forcément un temps plus long de consultation vaccinale.

Le chat avec une maladie rénale chronique

Aucune étude n’a évalué la capacité des chats en insuffisance rénale chronique à répondre à la vaccination. De plus, des interrogations persistent quant à un éventuel lien entre vaccination et risque de développement d’une maladie rénale chronique. Les experts ne recommandent donc pas d’effectuer des rappels vaccinaux de ces chats ayant été correctement vaccinés jusqu’alors, et vivant en intérieur. Seul un rappel vaccinal contre le typhus est à envisager, en cas de résultat de titrage en anticorps défavorable.

  • 3. Selon l’article, 2 mg/g q24 de prednisolone, mais cela reste controversé.
  • Pour aller plus loin : Un tableau récapitulatif résume les recommandations des experts de l’ABCD ; https://bit.ly/3NRYdtg
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