Prescription et antimicrobiens : le mode d’emploi - La Semaine Vétérinaire n° 1948 du 10/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1948 du 10/06/2022

Médicaments vétérinaires

PHARMACIE

Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel

La résistance n’est plus uniquement l’affaire des antibiotiques. La lutte contre ce phénomène s’inscrit dans une stratégie européenne plus globale. Ainsi, les mesures de lutte contre l’antibiorésistance sont étendues aux autres antimicrobiens.

Le règlement1 européen sur les médicaments vétérinaires, entré en vigueur le 28 janvier 2022, consacre des articles à l’utilisation des antimicrobiens en médecine vétérinaire. Qu’entend-on par antimicrobiens ? Selon le législateur européen, il s’agit de toute substance ayant une action directe sur les micro-organismes et utilisée pour le traitement ou la prévention d’infections ou de maladies infectieuses, dont les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques et les antiprotozoaires. Aussi, le texte européen définit une nouvelle façon d’utiliser les antimicrobiens. Précisions.

Des prescriptions limitées

Le cadre posé par le règlement européen sur les médicaments vétérinaires pousse à reconsidérer certaines pratiques. Qu’il s’agisse d’un antibiotique ou d’un autre antimicrobien, il n’est plus possible de les utiliser systématiquement « ni pour compenser un manque d’hygiène, un élevage inapproprié ou un manque de soins, ni une mauvaise gestion des élevages ». Le praticien peut alors se demander dans quelles circonstances il est autorisé ou non traiter des animaux malades. Le recours en prévention à des anticoccidiens n’est plus automatique même en cas de risque de coccidiose. La prescription d’antimicrobiens en métaphylaxie et la prophylaxie est en effet limitée. « Les médicaments antimicrobiens ne sont pas utilisés à des fins prophylactiques, si ce n’est dans des cas exceptionnels, pour l’administration sur un animal individuel ou un nombre restreint d’animaux lorsque le risque d’infection ou de maladie infectieuse est très élevé et que les conséquences ont toutes les chances d’être graves. » Si l’administration d’un antimicrobien est effectuée avant l’apparition d’une maladie clinique, il s’agit d’une prophylaxie. Dans ce cas, le praticien doit être capable de justifier son choix.

Une utilisation raisonnée

Tant en prophylaxie qu’en métaphylaxie, l’utilisation d’un antimicrobien doit être justifiée par le vétérinaire. Le texte européen définit le premier cas comme l’administration d’un médicament à un animal ou à un groupe d’animaux avant l’apparition de signes cliniques d’une maladie, afin d’éviter la survenue de cette maladie ou infection. En cas de prophylaxie, l’utilisation systématique d’antimicrobiens doit être évitée sauf cas exceptionnels. La métaphylaxie, elle, est définie comme l’administration d’un médicament à un groupe d’animaux après le diagnostic d’une maladie clinique dans une partie du groupe, afin de traiter les animaux cliniquement malades et de contrôler la transmission de la maladie à des animaux en contact étroit et en danger qui peuvent être déjà infectés subcliniquement. L'utilisation d'un antimicrobien est possible si le risque de propagation d’une infection ou d’une maladie infectieuse dans le groupe d’animaux est élevé et lorsque aucune autre solution appropriée n’est disponible. Dans ce cas, il est indispensable que la maladie soit identifiée et l’utilisation du médicament justifiée par un diagnostic précis et un test de sensibilité garantissant que c’est la seule option disponible. Ces dispositions n’imposent pas tant de nouvelles obligations au praticien puisque les textes français sur la prescription des antibiotiques critiques, publiés en 2016, lui imposent déjà d’effectuer un examen clinique, identifier la souche bactérienne et de réaliser un antibiogramme avant toute prescription. La nouveauté ici est que ces obligations s’imposent désormais aux autres antimicrobiens.

Une ordonnance valable cinq jours

Dans tous les cas, le praticien doit rédiger une ordonnance indiquant les mentions prophylaxie ou métaphylaxie. Pour les antimicrobiens en particulier, l’ordonnance vétérinaire est valable pendant cinq jours à compter de la date de délivrance. Ce qui signifie que les médicaments doivent être délivrés dans ce délai. En outre, « la quantité prescrite du médicament est limitée à la quantité requise pour le traitement ou la thérapie en question. Pour ce qui est des médicaments antimicrobiens utilisés à des fins de métaphylaxie ou de prophylaxie, de tels médicaments ne sont prescrits que pour une durée limitée afin de couvrir la période à risque ». En plus des mentions habituelles, le document doit préciser le nom du médicament prescrit et les substances actives qu’il contient. Et « tout avertissement nécessaire pour garantir une utilisation correcte, y compris, le cas échéant, pour garantir une utilisation prudente des antimicrobiens ». L’ordonnance doit également indiquer si le médicament est utilisé dans le cadre de la cascade. Le document doit aussi indiquer la forme pharmaceutique et le dosage, la quantité prescrite, le nombre d’emballages, leur taille et le schéma posologique.

1. Lire dossier La Semaine vétérinaire n°1946

Des antimicrobiens critiques

Pour réduire le risque de résistance bactérienne, une liste d’antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l’homme, établie par de l’Agence européenne des médicaments (EMA), a été soumise à la Commission européenne. La publication d’un acte d’exécution sur ce projet est encore attendue. Plusieurs antibiotiques sont concernés : les carboxypénicillines et uréidopénicillines (incluant les combinaisons avec les inhibiteurs de bêta-lactamase), le ceftobiprole et la ceftaroline, les combinaisons de céphalosporines et bêta-lactamases, les céphalosporines sidérophores (par exemple, le céfidérocol), les carbapénèmes (incluant leur association avec les bêta-lactamases), les monocactames, les dérivés de l’acide phosphonique, les glycopeptides, les lipopeptides, les oxazolidinones, les macrocycles, la plazomicine, les glycylcyclines, l’éravacycline et l’omadacycline. Des antiviraux aussi sont recommandés : l’amantadine, le baloxavir marboxil, le celgosivir, le favipiravir, le galidesivir, la lactimidomycine, le laninamivir, la métisazone, le molnupiravir, le nitazoxanide (qui est également un antiprotozoaire), l’oseltamivir, le peramivir, la ribavirine, la rimantadine, le tizoxanide, la triazavirine, l’umifénovir et le zanamivir. Seul un antiprotozoaire est cité : le nitazoxanide.

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