Le chien agressif en consultation - La Semaine Vétérinaire n° 1948 du 10/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1948 du 10/06/2022

Comportement

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Audrey Chevassu

D’après une conférence d'Antoine Bouvresse, titulaire du diplôme interécoles de vétérinaire comportementaliste, praticien à Rueil-Malmaison,lors de la journée de l’Association de protection vétérinaire (APV) le 19 mars 2022 à Maisons-Alfort.

Les vétérinaires en consultation peuvent être confrontés à des chiens difficiles, voire agressifs. Des approches comme le medical training1, qui permettent d’habituer le chien à être manipulé par l’apprentissage de la coopération, sont de plus en plus connues des propriétaires. Mais il n’est pas toujours possible de les pratiquer, par manque de temps. L’association avec un éducateur peut alors aider les propriétaires de chien difficile en clinique, comme à la maison. De nouvelles approches comme le cat friendly2 éclosent, dans les cliniques félines particulièrement. Le low stress handling (manipulation à faible stress) peut aider à gérer ces animaux stressés, peu habitués à être manipulés, et faciliter les soins.

L’importance de la prévention

Pour éviter les comportements agressifs, la prévention est primordiale. Il convient notamment d’organiser son planning afin d’éviter que les chiens soient trop nombreux en salle d’attente (en cas de retard par exemple), d’aménager dans celle-ci un coin pour les chats avec possibilité de poser les caisses en hauteur, de disposer si possible d’une pièce ou d’un système pour isoler les chiens les plus compliqués, de veiller à ce qu’une ASV puisse réguler les tensions entre animaux pendant l’attente, d’hospitaliser chiens et chats dans des salles séparées. La bonne formation de tous les membres de la clinique est importante ainsi que les premières consultations des chiots et chatons, pendant lesquelles la sociabilisation, de la familiarisation et de l’habituation aux manipulations seront envisagées.

Le low stress handling en consultation

Le low stress handling est une méthode d’approche des animaux qui minimise le stress le plus possible. Sophia Yin3 fait partie des premières vétérinaires comportementalistes à l’avoir pratiqué et à en avoir fait la promotion aux États-Unis au moyen de ses livres et vidéos.

Des études ont montré3 que la présence du propriétaire n’a pas d’effet majeur sur les animaux agressifs ou peureux lors de l’examen. Leur présence est utile surtout en début de consultation pour faire rentrer le chien et les déstresser pendant la phase d’exploration. Ensuite, lors de l’examen, il importe de s’adapter à chaque situation et ne pas hésiter à demander clairement au propriétaire « pourrait-il vous mordre si vous le tenez ? » et dans ce cas éviter de le faire participer aux soins. Dans le cas contraire, une bonne préparation est nécessaire. Le propriétaire doit alors être en condition pour aider (lui demander de poser carnet, manteau, sac, laisse, téléphone et tout ce qui pourrait gêner pendant l’examen et la contention).

Il existe plusieurs techniques pour approcher les chiens réactifs ou peureux lors de la consultation en elle-même. L’une d’elles consiste à utiliser le leurre. À l’aide d’une friandise de haute valeur, le chien peut être leurré le temps de faire un soin. Il ne s’agit pas de le rééduquer, mais seulement de faciliter les soins à la clinique et de les réaliser dans les meilleures conditions de sécurité.

De manière générale, parmi les bons réflexes à acquérir, éviter de rattraper un animal qui saute de la table et donner les friandises plutôt au sol qu’à la main ou sur la table.

Cas de l’animal très proche de son propriétaire

En cas d’animal très stressé mais rassuré par la présence de son propriétaire, il vaut mieux le laisser dans sa zone de confort proche de lui et se placer à côté du propriétaire. L’examen peut commencer par l’arrière de l’animal en faisant maintenir la tête par le propriétaire. C’est une position de sécurité à expliquer, une main contre le cou, l’autre sous le thorax et le chien contre le propriétaire afin d’éviter que l’animal ne se retourne pas et que son regard soit fixé sur son propriétaire. Ainsi, l’examen peut se poursuivre en sécurité sur la moitié inférieure de l’animal. Les mains du vétérinaire doivent rester en position de protection des zones le plus souvent mordues, soit le visage et les bras ou mains, et être dans une position qui lui permette de rester mobile. Une bonne communication entre vétérinaire et propriétaire est primordiale pour que chacun reste en sécurité et que le propriétaire connaisse chaque étape de l’examen.

Matériel de contention

Comme les chats, les petits chiens peuvent être contenus dans une serviette, voire avoir le corps entier sous celle-ci. L’examen peut se réaliser à travers la serviette ou en la soulevant légèrement, de même pour les éventuelles injections comme le vaccin ou la réalisation d’une anesthésie.
L’un des outils indispensables reste la muselière, si possible de type panier ou Baskerville. Le lien autour du museau est souvent inconfortable pour le chien, difficile à mettre et finalement moins sécuritaire. Enfin, lui apprendre dès le plus jeune âge à tolérer la muselière est un bon moyen de faciliter plus tard les examens et surtout de limiter le danger.

Les chiens de défense ou de travail sont souvent détenus par des propriétaires qui maîtrisent les bases de la contention et du medical training. Il convient de les inciter à habituer les chiens aux gestes de base, port de la muselière, monter sur la table, rester immobiles pour faciliter les examens futurs sur ces chiens parfois très réactifs, en défense ou méfiants.

Gestion du chien à la clinique sans le propriétaire

Il est possible de donner un tranquillisant avant le rendez-vous aux chiens les plus difficiles ou les plus dangereux. La plupart d’entre eux peuvent être donnés per os et agissent rapidement. Parmi les molécules utilisées, les anesthésiques classiques comme la médétomidine ou la kétamine peuvent être données per os hors AMM, de même pour l’azapérone, tranquillisant avec une AMM porc, régulièrement utilisée chez le chien hors AMM également, en raison de sa sécurité, de sa rapidité d’action (30 minutes) et de son efficacité (prévenir les propriétaires de son goût amer qui fait souvent beaucoup baver le chien et l’éviter sur les animaux les plus débilités).

La prémédication doit se faire dès l’arrivée de l’animal, avec le propriétaire, et le chien devra soit rester le moins possible ensuite en chenil et rentrer rapidement chez lui, soit être récupéré au chenil par le propriétaire.

  • 1. Apprentissage – habituation – des techniques de soin aux animaux.
  • 2. Le programme Cat Friendly s’adapte aux comportements et aux besoins spécifiques du chat, afin de diminuer le stress de la visite vétérinaire pour le chat et son propriétaire.
    3. S.Yin, Low stress handling, restraint and behavior modification of dogs and cats : techniques for developing patients who love their visits, Cattledog Publishing, 2009.
  • 4. C. Girault et al, Dog behaviours in veterinary consultations : Part 1. Effect of the owner’s presence or absence, the Veterinary journal volume 280, 2022.
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