Trésorerie et rentabilité : quelle priorité ? - La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022

Finances

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

Grâce à une lecture éclairée de son compte de résultat, en surveillant son résultat net et les différentes composantes qui y mènent, en faisant la chasse aux impayés, le vétérinaire dirigeant n’aura pas à choisir entre trésorerie et rentabilité.

Peut-on être rentable sans être solvable, ou solvable sans être rentable ? Faut-il être l’un, l’autre ou les deux ? La réponse coule de source, « l’idéal est d’avoir une trésorerie positive et un résultat net permettant de rembourser le capital des emprunts », a expliqué Laurence Lajou, vétérinaire du cabinet Something Else aux 21es Journées européennes de Roissy, organisées par l’Association vétérinaire équine française (Avef). La présentation de quelques vues de comptes de résultat, de soldes intermédiaires de gestion (SIG) et d’analyses financières a permis de comprendre les fondamentaux d’une bonne gestion financière de l’entreprise.

Les problèmes de trésorerie ont des raisons multifactorielles : trop d’achats, pas assez de rotations, des délais de règlement clients trop longs, des impayés qui s’accumulent… Il se peut, aussi, qu’ils proviennent d’un problème structurel purement financier (endettement initial élevé, plan de financement inadapté lors de l’achat de l’entreprise, rentabilité insuffisante pour payer ses remboursements d’emprunt, indicateurs de productivité trop faibles, etc.).

S’il faut choisir entre « être solvable » ou « être rentable », « la priorité doit aller à la trésorerie », tranche-t-elle. Elle rappelle que la première cause de défaillance des entreprises (la cessation de paiements se produit quand le passif exigible est supérieur à l’actif disponible) est la défaillance des clients, devant la baisse tendancielle de la demande, la mauvaise organisation de l’entreprise, la santé financière de la société, les problèmes juridiques ou judiciaires et, en dernier lieu, la mauvaise gestion de l’entreprise.

Les rouages entre FR, BFR et TR

La trésorerie dépend en premier lieu de la situation financière initiale : un équilibre est impératif entre le coût des actifs immobilisés acquis par l’entreprise vétérinaire (fonds libéral, agencements, matériels, stocks, parts de la SEL, c’est-à-dire de la société d’exercice libéral) et les capitaux mis en contrepartie afin de les financer (capital social, emprunt, apport en compte courant). La différence entre le coût de ces actifs et les ressources est le fonds de roulement (FR). Ce montant couvrira les besoins de fonctionnement. Le besoin en fonds de roulement (BFR) correspond au montant auquel l’entreprise doit faire face compte tenu de ses conditions d’exploitation.

Calcul : créances + stocks (actif circulant) – dettes d’exploitation à court terme (fournisseurs, dettes fiscales et sociales pour l’essentiel).

Le BFR dépend donc de la durée de stockage, du délai de règlement des clients, du délai de règlement des fournisseurs, et des délais moyens de règlement des autres dettes d’exploitation (salaires, charges sociales, TVA, etc.). La trésorerie (TR) est la résultante de FR – BFR. Très souvent, une TR négative provient de ce déséquilibre.

Lorsque le bilan d’une entreprise est bien financé, on reconnaît cette structure saine au vu d’un FR supérieur au BFR et d’une TR positive. Lorsque le FR ne permet plus de financer le cycle d’exploitation (le BFR), la trésorerie devient négative et la structure est déséquilibrée.

Les SIG, si importants !

Dans un compte de résultat, la distinction entre charges et produits permet de déterminer par soustraction le bénéfice ou la perte de l’exercice comptable. Si l’on veut pouvoir expliquer le solde positif ou négatif du compte de résultat, il faut aménager une présentation qui soit à la fois analytique et synthétique. Pour ce faire, le plan comptable français prévoit une classification par nature des charges et produits. Si le vétérinaire souhaite faire une analyse plus fine du solde de ce compte, il doit déterminer des résultats partiels ou intermédiaires : ce sont les soldes intermédiaires de gestion (SIG). Ils décrivent de quelle façon s’est construit le résultat net comptable. L’analyse des SIG apporte une information claire et rapide sur l’exploitation de l’entreprise : la marge brute représente l’ensemble des ressources dégagées par elle pour financer ses frais de structures et ses autres charges. La valeur ajoutée correspond au solde disponible pour financer les charges de personnel et les impôts et taxes. L’excédent brut d’exploitation est le résultat de l’activité courante avant impact du résultat financier, des amortissements et des provisions, le résultat courant avant impôts est le résultat avant impôts sur les bénéfices, enfin, le résultat net est celui à répartir (bénéfices mis en réserve, distribution de dividendes). Les SIG permettent de comprendre où se situe un éventuel problème. L’ensemble des résultats intermédiaires se situant dans une norme professionnelle, on peut donc se comparer au secteur, analyser l’évolution, juger de la capacité de l’entreprise à évoluer dans le futur, faire un diagnostic et ainsi remédier aux éventuelles faiblesses d’exploitation.

Gérer avec méthode les impayés

L’optimisation des stocks permet de requinquer la trésorerie, mais ce n’est pas le seul levier à actionner. Une gestion rigoureuse du poste clients et des impayés permet aussi d’en récupérer.

En matière de délais de règlement clients (que l’on obtient comme suit : clients/CA TTC x 360), il faut bien avoir à l’esprit l’éventuel décalage qu’il peut y avoir entre conditions prévues et délai réellement accordé. Dans un paiement comptant, c’est sans délai. Un délai de 60 jours nets équivaut à une durée réelle du même nombre de jours. Un « 60 jours fin de mois » revient en réalité à accorder un délai de 75 jours et un « 60 jours fin de mois le 10 », un délai de 85 jours. « Il est important d’arrêter sa facturation le 25 du mois et non pas le 30, car dans ce dernier cas, la facture ne sera envoyée que le 3 de chaque mois et elle a toutes les chances de n’être réglée qu’à la fin du mois suivant », recommande-t-elle. Pour les cliniques équines, cela porterait les crédits clients professionnels à 130-150 jours contre 60 jours pour les crédits clients particuliers. D’où l’intérêt de facturer vite, en temps réel, et d’envoyer ses factures par mail.

Pour gérer les impayés, il faut une organisation rigoureuse, sans faille. Elle conseille de repérer rapidement les mauvais payeurs et d’en comprendre la psychologie (sont-ils distraits, négligents, débordés, trésoriers, arnaqueurs, malins, impécunieux ?), d’identifier la typologie des clients, de calculer le délai de paiement réel en jours par type de clients (professionnels et particuliers), d’expliquer ses conditions générales de vente (CGV), d’écarter les clients insolvables, etc.

Cette organisation suppose d’avoir une personne dédiée, qui suit scrupuleusement les procédures de facturation établies : une facturation rapide, le bon interlocuteur et le bon libellé, une facturation juste et avec toutes les mentions légales, les instructions de relance client (faire rentrer rapidement le règlement, éviter les impayés, détecter rapidement les litiges), le protocole de suivi des impayés et de relance (responsabiliser chaque vétérinaire sur le poste clients de son activité, montrer de la détermination : les clients paient en priorité ceux qui sont fermes et suivent de près les impayés). « Il faut relancer vite, dès le jour de l’échéance et avec les intérêts de retard », conseille-t-elle.

La prévention des impayés clients

Elle se structure sur quatre axes :

. Des CGV bien rédigées, apparentes et appliquées ;

. Le délai légal : 30 jours par rapport à la réception ou au délai de règlement stipulé sur devis et sur facture, inférieur à 60 jours ou 45 jours fin de mois + mention de la date d’échéance ;

. Pénalités de retard exigibles de plein droit (taux minimum légal mais taux dissuasif recommandé de 10 % ou taux de la Banque centrale européenne (BCE) majoré de 10 points) ;

. Indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 € depuis 2013 (entre professionnels).

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