SHUNT PORTO SYSTÉMIQUE CONGÉNITAL DIAGNOSTIQUÉ CHEZ UN CHIEN DE 4 ANS - La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022

Chirurgie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Alice Gatto, docteure en médecine vétérinaire, Véronique Arnoux, docteure en médecine vétérinaire, diplômée du Certificat d’études approfondies vétérinaires de médecine interne et Laetitia Boland, docteure en médecine vétérinaire, diplômée du collège européen des vétérinaires, centre hospitalier vétérinaire Nordvet La Madeleine (Nord).

Clinique

Un whest-highland-white-terrier mâle non castré de 3 ans est référé pour insuffisance hépatique fonctionnelle. Celle-ci a été accélérée à l’aide d’un repas d’épreuve (dosage des acides biliaires avant et après un repas), suite à la découverte de calculs urinaires d’urates d’ammonium. À l’exception des signes de pollakiurie et d’hématurie liés à la présence des calculs, aucun autre symptôme n’est rapporté. L’examen clinique ne montre aucune anomalie notable, mis à part un score corporel de 3/9.

Examens complémentaires

Le bilan sanguin révèle une hypo-urémie et une hypocréatinémie. L’albumine est dans les normes et la formule de numération indique une diminution discrète du volume globulaire moyen (VGM).

Une échographie abdominale est ensuite réalisée, qui met en évidence un foie de taille inférieure à la normale. La veine porte montre une bifurcation anormale à l’entrée du foie associée à la présence d’un vaisseau tortueux surnuméraire s’en échappant et se jetant dans la veine cave caudale en regard du pôle crânien du rein gauche. La vessie présente une paroi épaissie et de multiples lithiases y sont produites, aussi présentes dans la cavité pyélique du rein droit.

Un scanner est alors réalisé, permettant de confirmer la présence d’un vaisseau tortueux de 5 mm de diamètre, partant de la jonction entre la veine porte et la veine splénique, s’orientant crânialement, passant le long de la petite courbure de l’estomac avant de se jeter dans la veine cave caudale sur son côté gauche. Quelques structures minéralisées dont un petit calcul de 4 mm de diamètre sont notées en position déclive de la vessie, dont la paroi est épaissie crânialement.

Le diagnostic de shunt porto systémique extra-hépatique congénital de type gastro-cave est posé, associé une micro-hépatie et des urolithiases vésicales secondaires.

Évolution

En période pré-opératoire en vue de stabiliser l’animal, une alimentation hypoprotéique est mise en place ainsi qu’une médication à base de lactulose et de métronidazole, permettant de réduire la production d’ammoniaque.

Deux mois après l’instauration du traitement médical, la chirurgie est prescrite. Une laparotomie médiane est réalisée, le duodénum est récliné du côté gauche et l’estomac rétracté crânialement, permettant de visualiser le shunt s’abouchant dans la veine cave caudale, en avant de l’artère cœliaque du côté gauche. Le shunt est ensuite disséqué et isolé à son abouchement au niveau de la veine cave, et une bande de cellophane non occlusive est placée autour du vaisseau. Les deux extrémités libres du céllophane sont sécurisées à l’aide de trois clips métalliques placés dans des directions alternées.

Une cystotomie ventrale est également effectuée afin de récupérer les calculs urinaires. Leur analyse confirme le diagnostic d’urates d’ammonium.

L’animal est hospitalisé 72 heures, afin de gérer l’apparition d’éventuels épisodes d’hypoglycémie, de suivre l’apparition d’une hypertension portale, et d’éventuelles crises épileptiformes principalement. Il est ensuite rendu à ses propriétaires avec une poursuite de la prise de l’antibiotique pendant un mois, du lactulose pendant deux mois et de l’alimentation spécifique.

Un contrôle échographique associé à une prise de sang est réalisé deux mois après l’intervention. Le dosage des acides biliaires est redevenu dans les normes physiologiques, et l’échographie confirme la fermeture du shunt.

Discussion

Le shunt (dérivation) est une anomalie vasculaire qui cause un by-pass du foie par le sang véhiculé par le système porte, qui rejoint alors directement la circulation systémique au lieu d’être filtré dans le foie. Il existe des shunts congénitaux, qui représentent environ 70 % des shunts chez le chien et des shunts acquis qui se développent secondairement à une augmentation de la pression dans le système porte (1).
L’expression clinique du shunt porto systémique peut prendre différentes formes, avec des signes frustes (retards de croissance, troubles urinaires, digestifs…) ou plus importants lors d’encéphalose hépatique.
La présence d’urates d’ammonium dans les cas de shunts porto systémiques congénitaux se retrouve dans 26 à 57 % des cas. Ceux-ci s’expliquent par l’incapacité du foie à détoxifier l’ammoniaque et à métaboliser l’acide urique en allantoïne (1). Cependant, les cas ne présentant que des signes urinaires tels que notre chien restent rares (3).

C’est à la biochimie que les principales modifications sont remarquables. L’urée et sa créatinine sont diminuées dans notre cas, ce qui nous oriente vers une atteinte hépatique (2). En effet, l’ammoniaque n’est pas dégradée en urée par le foie, donc le cycle de l’urée est réduit. Il est important de mesurer ses valeurs, notamment l’urée qui s’avère un paramètre pronostic quant à la taille du shunt (4). De plus, une microcytose (VGM) est mise en évidence à l’hématologie, et est rapportée dans 60 à 72 % de cas. Correspondant à la diminution de volume des hématies, elle est d’origine inconnue (2).

La prise en charge diffère selon le type de shunt. Les shunts acquis font l’objet d’une prise en charge médicale tandis que l’on va réaliser une prise en charge chirurgicale et médicale pour les shunts congénitaux. Un traitement médical est recommandé en phases pré et postopératoires des shunts congénitaux, tandis qu’il constitue le traitement définitif dans le cas des shunts acquis. Celui-ci, accompagné d’une alimentation hypoprotéique, va stabiliser l’animal notamment en diminuant l’absorption de l’ammoniaque au niveau du gros intestin et permettant ainsi de limiter les risques anesthésiques. Le pronostic chirurgical est en effet plus favorable lorsque l’animal ne présente pas d’encéphalose hépatique (5).

La technique chirurgicale choisie est la pose d’une bande de cellophane non occlusive autour du shunt, permettant de l’occlure progressivement suite à une inflammation locale, à la formation de thrombus, et au développement de fibrose autour du shunt. Cette technique permet de créer une obstruction lente sur plusieurs semaines, permettant ainsi à la vascularisation porte de se développer plus progressivement en réponse à l’augmentation du flux sanguin. Il existe d’autres techniques chirurgicales permettant d’occlure progressivement les shunts portosystémiques telles que l’utilisation d’un anneau améroïde ou encore la mise en place d’un occluder (6). Le monitoring postopératoire est important afin de surveiller l’apparition d’une éventuelle hypertension portale, d’épisodes d’hypoglycémie, l’apparition de méléna ou d’un syndrome convulsif (7).

En conclusion, lorsqu’on est face à un animal présentant des calculs d’urates d’ammonium, une origine hépatique doit être recherchée, et la présence d’un shunt portosystémique est possible, malgré l’absence de signes cliniques caractéristiques de l’encéphalose hépatique et un âge adulte.

  • 1. Watson, P. (1997), Decision making in the management of porto systemic shunts. In Practice, 19 : 106-120.
    2. Berent AC, Weisse C. Hepaticvascular anomalies. In : Ettingertextbook of veterinaryinternalmedicine. 7thed., Saint-Louis, Saunders, Philadelphia. 279 : 1649-1670.
  • 3. Caporali EH, Phillips H, Underwood L et coll. Risk factors for urolithiasis in dogs with congenital extrahepaticportosystemicshunts : 95 cases (1999-2013). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2015 ; 246 : 530-536.
  • 4. Watson PJ, Herritage Mé. Prise en charge médicale des shunts portosystémiques congénitaux chez 27 chiens - étude rétrospective. J. Petit Anim. Pratique. 1998 ; 39 (2) : 62-68
  • 5. Harvey J, Erb HN. Ligature complète des shunts portosystémiques congénitaux extrahépatiques chez le chien non encéphalopathique. J. Vétérinaire. Surg. 1998 ; 27 : 413-416.
  • 6. White RN, Parry AT, Shales C. Implications de la morphologie du shunt pour la prise en charge chirurgicale des shunts extrahépatiqueportosystémiques. AustVet J. 2018 Nov ; 96 (11) : 433-441. doi : 10.1111/avj.12756. PMID : 30370593.
  • 7. Yool DA, Kirby BM. Dysfonctionnement neurologique chez trois chiens et un chat après atténuation de shunts portosystémiques intrahépatiques. J Small Anim Pract. avril 2002 ; 43 (4) : 171-6. doi : 10.1111/j.1748-5827.2002.tb00052.x. PMID : 11996394 ; PMCID : PMC7166732.
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