Procès du suicide assisté : « Mon client a agi par compassion » - La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022

Société

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Propos recueillis par Michaella Igoho-Moradel

Inédit. Ce lundi 2 mai, le tribunal correctionnel d’Angers a exonéré de responsabilité pénale un vétérinaire angevin poursuivi pour avoir fourni une assistance dans le cadre de la fin de vie d’une personne atteinte de la maladie de Charcot. Une décision qui fera jurisprudence ? L’avocat du praticien, maître Antoine Barret, revient sur cette affaire qui soulève un véritable débat de société. L’Ordre des vétérinaires n’a, de son côté, pas souhaité commenter cette décision.

Quels sont les faits reprochés à votre client ?

Il est lui reproché d’avoir établi trois fausses ordonnances afin de permettre la délivrance en pharmacie de produits à caractère létal. Les textes de droit n’incriminent pas le fait d’apporter une aide à quelqu’un pour se suicider. Ce qui est réprimé est l’incitation ou la provocation au suicide. En l’occurrence, ce n’est pas le sujet qui nous intéresse. Dans cette affaire, une personne atteinte de la maladie de Charcot, dont on connaît le caractère dévastateur et l’issue inéluctable, avait décidé de se suicider. À sa demande, mon client lui en a fourni les moyens. Ceci n’est ni un délit ni un crime. En revanche, le moyen par lequel il a agi est constitutif du délit de faux en écriture. Mon client a agi par compassion, amitié et respect de la souffrance de l’autre et de sa demande ultime.

Quels moyens de défense avez-vous invoqués au cours du procès ?

Nous avons invoqué l’état de nécessité devant le juge. Ce principe inscrit dans le Code pénal prévoit que si l’infraction est commise dans la finalité d’éviter un dommage plus grave, il est possible pour son auteur d’être exonéré de responsabilité pénale.

Comment liez-vous cette notion à cette affaire ?

La personne malade a évoqué l’extrême souffrance qui était la sienne. Au-delà de sa fin de vie certaine, son souhait était d’échapper aux affres de l’hospitalisation et de la fin vie avec paralysie et souffrance. Il voulait au contraire une mort digne. Avec un moment et un contexte choisis. Je considère que la sauvegarde d’une personne s’entend également par tout ce qui constitue la personnalité humaine. C’est-à-dire, la dignité, la conscience, ses libertés de manière générale. Il ne s’agit pas simplement de la sauvegarde de sa vie. Le danger peut s’entendre comme le fait d’être exposé à une souffrance et à une mort absolument atroce quand il y a la possibilité d’une mort apaisée. Le danger était de ne pas pouvoir bénéficier de cette mort apaisée.

Il s’agit donc d’une interprétation étendue de l’état de nécessité ?

La loi ne définissant pas le danger ni la notion de sauvegarde, rien ne m’empêche d’utiliser toutes les latitudes du dictionnaire. La notion de danger est suffisamment large pour être enveloppante, de même que la notion de sauvegarde. La loi instaure une proportion entre l’intérêt sacrifié et l’intérêt sauvegardé. Des tribunaux ont tenté une approche beaucoup plus restrictive qui consiste à dire que le moyen utilisé n’est possible que si c’est le meilleur moyen. Autrement dit qu’il n’y en avait pas d’autre. Or, la loi met en balance l’intérêt sacrifié et l’intérêt sauvegardé, elle ne met pas en balance un moyen utilisé parmi d’autres moyens possibles.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Le parquet a fait appel. Une nouvelle audience devrait se tenir en novembre ou décembre. J’emploierai le même moyen de défense. Je suis là pour convaincre et arriver à démontrer que la loi est mal faite. Une victoire en appel aboutirait à cette circonstance : le suicide assisté deviendra de fait possible. Si nous en arrivons là, c’est pour forcer la main du législateur. J’ai confiance dans les moyens développés et dans l’écho qui pourrait en être donné par les parlementaires dans les mois ou les années à venir.

Euthanasie et suicide assisté : quelles différences ?

Le suicide assisté consiste à fournir au patient un environnement et des moyens pour qu’il mette fin à ses jours. Dans le cas de l’euthanasie, la mort du patient est déclenchée par un médecin qui procède à l’injection létale.

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