La santé des porcs en systèmes alternatifs - La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022

Élevage porcin

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Tanit Halfon

D’après une conférence présentée aux journées 2022 de la recherche porcine, « l’élevage de porcs en systèmes alternatifs : atouts et défis en termes de bien-être animal, biosécurité, santé animale et sécurité », Maxime Delsart et coll., 54, 327-338.

En filière porcine, un élevage dit alternatif désigne un système de logement des animaux différent des systèmes conventionnels de bâtiments fermés avec sol en caillebotis. On trouve d'une part des bâtiments avec de la litière, et d'autre part, des systèmes avec un accès extérieur partiel (sur courettes) ou total (en plein air). Maxime Delsart, enseignant-chercheur à l’école nationale vétérinaire d’Alfort, a présenté les impacts de ces systèmes sur la santé et le bien-être des animaux, lors des journées 2022 de la recherche porcine. « Ces systèmes ne sont pas sans présenter des points critiques, même en termes de bien-être animal », a-t-il indiqué. Si ces systèmes permettent une meilleure expression des comportements naturels, ils sont aussi associés à plus de contraintes pour satisfaire le bien-être animal. « Dans ces systèmes, les besoins des animaux sont plus élevés, en particulier en plein air, et on peut rencontrer des difficultés à les couvrir », a souligné le conférencier. En effet les animaux sont plus actifs, et ils ont plus de dépenses énergétiques lors des températures plus basses, en particulier en hiver. Conséquence, dans de nombreuses études, on constate un nombre supérieur d’animaux maigres en proportion dans ces systèmes alternatifs.

Un environnement complexe à gérer

L’alimentation présente des contraintes : la nourriture risque d’être polluée par des animaux sauvages. Dans les élevages biologiques, une ration équilibrée en acides aminés est difficile à déterminer car les acides aminés de synthèse ne sont pas autorisés ; les céréales bio peuvent davantage contenir des mycotoxines, notamment le blé. L’accès à l’eau en plein air est aussi plus ardu avec un risque accru d’eau polluée. Enfin, la question du confort est aussi posée. « En plein air, la principale difficulté est de maintenir les animaux propres et secs dans des conditions météorologiques humides ». C’est particulièrement problématique pour la maternité : de mauvaises conditions environnementales engendrent des nids de mauvaise qualité, or le porcelet étant sensible au froid, il se rapprochera de sa mère, augmentant ainsi le risque de mortalité par écrasement. Le choix de la cabane influence aussi le confort, tout comme joue sur la mortalité des porcelets s’il y a des courants d’air (les porcelets se rapprocheront de la même manière de la truie). Enfin, le plein air expose à des prédateurs, ce qui stresse les animaux.

Des risques sanitaires spécifiques

Côté santé, on observe une mortalité plus importante durant la lactation. Les causes sont différentes de celles du système conventionnel : il y a moins de pertes pour causes infectieuses et plus d’écrasements, surtout les quatre premiers jours. Il existe une plus grande mortalité des truies en plein air, en lien avec plus de troubles locomoteurs (et moins de syndrome mammite, métrite, agalaxie). « Le parasitisme interne reste une préoccupation majeure notamment dans les systèmes avec un accès plein air, car les conditions d’élevage sont favorables avec une survie des œufs à l’extérieur », a indiqué Maxime Delsart. Les études montrent un portage plus important d’Ascaris suum et de Trichuris suis. Idem pour le parasitisme externe, pour lequel on retrouve surtout Sarcoptes scabiei var. suis (gale) et Haematopinus suis (poux). L’accès au plein air augmente le risque d’exposition à des agents pathogènes véhiculés par la faune sauvage. Les études montrent que l’incidence de la tuberculose à Mycobacterium avium augmente avec la présence de sciure, copeaux de bois ou paille, en lien avec une contamination de la litière par d’autres animaux. Ces questions de santé sont à relier avec la santé publique vétérinaire car certains agents pathogènes sont transmissibles à l’humain. Selon la littérature, il y aurait un surrisque pour Listeria monocytogenes quand les animaux ont accès à l’extérieur. Même chose pour Salmonella quand le contact permanent avec les excréments augmente le risque de contamination orofécale ; les salmonelles peuvent, de plus, persister plusieurs semaines dans le sol après le départ d’animaux contaminés ; les oiseaux participent à la persistance de la bactérie dans l’environnement. Bien que faibles, les niveaux de prévalence sont plus importants pour Toxoplasma gondii et Trichinella spiralis en plein air, comme pour le virus de l’hépatite E.

Des atouts

Tous ces enjeux sanitaires des systèmes alternatifs sont liés pour partie aux conduites d’élevage, mais aussi aux difficultés d’assurer une biosécurité adéquate, tant externe qu’interne.

Ces points de vigilance ne doivent toutefois pas faire l’impasse des nombreux atouts de ces systèmes. En termes de bien-être, ils sont associés à moins de risques de blessures du fait d’une réduction des comportements agonistiques. Le risque de bursites diminue, en lien avec la qualité du sol. Toutes les études montrent aussi que les systèmes avec paille sont associés à moins de lésions de la queue des animaux, ces derniers étant plus occupés à se déplacer et interagir avec le sol paillé. Le chaume améliore le confort thermique des animaux, sauf quand il fait chaud. Les systèmes alternatifs permettent une meilleure expression des comportements naturels. Dans les études, les animaux sont plus actifs et plus souvent debout. Sur paille, ils présentent plus de comportements exploratoires. En plein air, les porcelets non sevrés passent plus de temps à explorer, à jouer, à marcher. En élevage bio, les animaux sont sevrés plus tard, ce qui donne moins de stress au sevrage. En termes de santé, il y a moins de mort-nés, en lien à une plus grande liberté des mouvements des truies permettant une mise bas plus rapide. Il y aurait moins de troubles respiratoires, moins de boiteries, grâce à un revêtement de sol plus souple. Pour ce qui est des troubles de la reproduction, digestifs, et cutanés, moins de différences sont rapportées selon les systèmes d‘élevage.

Trois questions à Maxime Delsart, enseignant-chercheur à l’EnvA

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Quels seraient les points clés importants pour un vétérinaire qui suit des élevages porcins alternatifs ?

En premier, la biosécurité qui est plus complexe à mettre en œuvre. Ensuite, ces élevages sont plus exposés au risque de parasitismes, principalement avec Ascaris suum et Trichuris suis ; il faut aussi penser au risque de toxoplasmose. Ces risques sont exacerbés dans les systèmes avec accès à l’extérieur. Enfin, en matière de bien-être animal, ne pas faire l’impasse sur le confort des animaux, notamment par rapport aux paramètres d’ambiance.

De quelle manière appréhender la biosécurité ?

En tant que vétérinaire, notre principal objectif dans ces systèmes d’élevage sera de gérer le risque de contact avec la faune sauvage (bio-exclusion), qui peut véhiculer de nombreux agents pathogènes, notamment les sangliers avec la brucellose, maladie d’Aujeszky, peste porcine africaine. On peut s’appuyer sur des outils comme la visite sanitaire, ou encore les grilles d’évaluation de la biosécurité, élaborées par les instituts techniques.

Vous participez au projet PIGAL. Pouvez-vous nous le présenter ?

Ce projet, piloté par l’Anses, s’inscrit dans le cadre de mon travail de thèse universitaire. L’objectif est de définir les atouts et les faiblesses des élevages alternatifs, en termes de bien-être, biosécurité, santé animale, santé publique et ergonomie au travail, et de définir aussi des typologies d’élevage. Il est aussi prévu de proposer des mesures d’amélioration aux éleveurs, applicables sur le terrain. En toile de fond, l’idée est d’aider à sécuriser ces filières d’élevage qui ont une bonne perception dans l’opinion publique.

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