La fin de l’épizootie en ligne de mire - La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1946 du 27/05/2022

Influenza aviaire hautement pathogène

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Face au ralentissement de la dynamique virale d’influenza aviaire hautement pathogène, plusieurs zones du territoire sont passées à un niveau de risque épizootique modéré. En parallèle, les essais pour la vaccination des palmipèdes ont commencé.

Après presque 1 400 foyers en élevage, l’épizootie 2021-2022 montre enfin des signes de ralentissement. Cela a permis d’abaisser le niveau de risque sur une partie du territoire : ainsi, depuis le 10 mai 2022, seuls 19 départements sont encore à un niveau « élevé », quand le reste du territoire est dorénavant à un niveau « modéré » (voir carte). Le passage au niveau de risque « modéré » permet de lever les restrictions sur les mises à l’abri, déplacements et rassemblements d’oiseaux. Par contre, les mises à l’abri restent obligatoires dans les zones à risque particulier de tout le territoire (zones à risque d’introduction).

Trois vagues épizootiques

Les territoires à risque élevé concernent pratiquement tout le tiers ouest de la France, à savoir les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Atlantiques, le Gers, les Landes, le Lot-et-Garonne, le Lot, la Dordogne, le Cantal, la Corrèze, la Haute-Vienne, la Vienne, les Deux-Sèvres, la Vendée, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire, la Sarthe, la Mayenne, l’Ille-et-Vilaine, et le Morbihan. La plupart de ces territoires recoupent les zones à risque de diffusion qui avaient été définies par arrêté du 29 septembre 2021, en lien avec la probabilité qui y est plus élevée de diffusion virale par rapport au reste du territoire. Ce sont aussi (et donc sans surprise) les départements français ayant été le plus touchés (et départements adjacents). Sont incluses ainsi les trois grandes zones du territoire, qui ont été, chacune leur tour, associées à une vague épizootique1 (voir graphe) : la zone du Sud-Ouest pour la première vague (Gers, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées) ; la zone du Grand Ouest pour la deuxième vague (départements des Pays de la Loire, Deux-Sèvres, et départements adjacents des régions Bretagne et Normandie) ; et enfin la zone du Centre Ouest pour la troisième vague (Aveyron, Cantal, Charente, Corrèze, Dordogne, Haute-Vienne, Lot, Lot-et-Garonne).

60 % de foyers dans le Grand Ouest

C’est la toute première fois que la France est confrontée à une telle dynamique virale : jusqu’à présent, il n’y avait eu, en effet, qu’une seule vague de contamination principalement dans le Sud-Ouest. Pour l’épizootie de l’an dernier de 2020-2021, 492 foyers en élevages avaient été dénombrés, dont 475 dans le Sud-Ouest, et trois foyers seulement dans le Grand Ouest. À ce stade, des analyses sont en cours pour déterminer l’ensemble des paramètres expliquant cette évolution. Pour l’épizootie actuelle, le 18 mai, 1 383 foyers en élevage avaient été rapportés (et 35 en basses-cours), dont environ 60 % dans le Grand Ouest (Pays de la Loire, Deux-Sèvres et Bretagne), et 35 % dans le Sud-Ouest (Nouvelle-Aquitaine, Occitanie).

À ce stade, les repeuplements des élevages ont déjà débuté dans le Sud-Ouest. Dans le Grand Ouest, ils débuteront de manière sectorisée, à partir du 1er juin, suivant l’évolution de la situation sanitaire.

Début des essais vaccinaux

En parallèle, le lancement d’essais vaccinaux a été annoncé. Deux vaccins candidats sont testés, l’un du laboratoire Ceva, l’autre de Boehringer Ingelheim, à destination des palmipèdes gras. C’est un véritable changement de paradigme dans la gestion de lutte contre l’influenza, qui jusqu’à présent excluait la vaccination, à juste titre étant donné les contraintes à l’export. Mais le nouveau contexte européen change la donne. Un rapport2 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) publié en juillet 2021 s’était penché sur la question sur demande du cabinet du ministre. « L’IAHP due au virus de sous-type H5N8 clade 2/3/4/4/B est devenue enzootique dans l’avifaune sauvage en Eurasie, sans doute pour plusieurs années », était-il souligné. Chaque migration descendante en provenance d’Asie et de Russie peut provoquer des foyers en élevages le long des couloirs migratoires, particulièrement en Europe du Nord et en France. » Pour les experts, il était apparu que si l’option de la vaccination était envisagée, il faudrait cibler les palmipèdes du Sud-Ouest, et plus particulièrement la zone de la Chalosse, du fait d’un cumul de facteurs de risque : présence de couloirs migratoires de l’avifaune sauvage, forte concentration de canards mulards jouant un rôle d’amplificateur, densité élevée d’élevages de volailles et de volailles. Cette vaccination, de plus, serait à envisager de manière préventive en début d’automne, les années à risque.

Des discussions au Conseil européen

Une stratégie vaccinale aurait pour objectif de limiter l’excrétion virale, pour mieux contrôler la diffusion : en clair, éviter les débordements pour faciliter la gestion de crise et réduire les abattages préventifs. À la condition d’arriver à obtenir une large couverture vaccinale des populations visées par la vaccination. À voir à quel point la dynamique de la crise actuelle fera évoluer ces recommandations, et si les zones à risque de diffusion du Grand Ouest peuvent être concernées. Dans tous les cas, il apparaît peut probable qu’un vaccin soit prêt l’automne prochain. Plus que l’aspect technique, c’est le temps long des négociations commerciales qui pèse : en effet, de nombreux pays tiers excluent les exports de volailles issues de pays qui vaccinent. Des discussions sont en cours au Conseil de l’Union européenne afin d’adopter une position commune pour faciliter ces négociations. Une réunion3 est prévue le 24 mai avec l’objectif de conclure sur la vaccination « en tant qu’outil complémentaire aux mesures actuelles de prévention et de contrôle de l’IAHP. »

L’Europe largement touchée

Cette épizootie aura touché 36 pays européens (Russie incluse), avec le H5N1 comme sous-type viral prédominant. Selon le dernier bulletin de veille de la plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (ESA), « l’incidence mensuelle glissante des foyers rapportés en élevages de volailles poursuit sa baisse tout en restant élevée ». Plusieurs foyers domestiques sont toujours détectés dans l’est de l’Europe.

L’Italie est le deuxième pays le plus touché avec, le 15 mai 2022, 317 foyers notifiés en élevage. Il ne faut pas se fier à cette différence très marquée, en nombre de foyers par rapport à la France. En effet, fin janvier 2022, 18 millions de volailles avaient déjà été abattues en Italie. En France, ce sont 16 millions d’animaux qui ont été abattus jusqu’à présent, dont 11 millions dans le Grand Ouest.

Pour l’épizootie de 2020-2021, 29 pays européens avaient été concernés, avec le H5N8 comme sous-type viral majoritaire. En France, plus de trois millions de canards et autres volailles avaient été abattus.

1. https://www.plateforme-esa.fr/system/files/2022-05-17-BHVSI-SA.pdf

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