OÙ SONT LES CHIENS DÉTECTEURS DU COVID-19 ? - La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022

PANDÉMIE

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD

Les chiens détecteurs du Covid-19 sont déjà utilisés sur le terrain dans plusieurs pays du monde, mais pas en France, pourtant leur « patrie mère » ! À tort ou à raison ?

Le 9 août 2021, le quotidien Le Monde consacrait sa page « Planète » aux « résultats prometteurs des chiens détecteurs du SARS-CoV-2 ». Et de résumer ensuite ainsi l’article : « Des tests de dépistage olfactif sont déjà en très bonne voie, mais le déploiement opérationnel des canidés prendra du temps en France ». Prophétie réalisée : dix mois plus tard, alors que l’épidémie est loin d’être terminée, l’heure en est encore à la réflexion médicale au plus haut sommet de l’État…

Des capacités de détection reconnues

Sollicitée par La Semaine Vétérinaire afin de savoir où l’on en est concernant l’utilisation en France de chiens détecteurs du Covid-19, voici les éléments de réponse que nous a fait parvenir la Direction générale de la santé (DGS) : « Effectivement, une étude - SALICOV - a été menée par l’École nationale vétérinaire d’Alfort et l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris pour évaluer les performances de la détection olfactive canine du SARS-COV-2 par rapport à la RT-PCR, qui reste à date la méthode de référence. Ces résultats publiés en mai 2021 ont permis de confirmer scientifiquement la capacité des chiens à détecter une signature olfactive du Covid-19 ».

Avec trois cadres d’application à l’étude

Selon la DGS, il s’ensuit donc qu’« à ce jour, trois cadres différents ont été identifiés comme susceptibles d’avoir un intérêt pour l’utilisation des chiens renifleurs : premièrement, le dépistage des pensionnaires et des visiteurs dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Deuxièmement, le dépistage dans les zones avec flux de voyageurs (aéroports, ports, gares…). Et enfin, troisièmement, le dépistage en appui à la réouverture des grands événements sportifs et culturels ».

De nombreux points à valider

Mais la DGS de préciser ensuite les éléments qui restent encore à vérifier : « Pour l’ensemble des méthodologies de diagnostics innovants, les points importants à valider sont la fiabilité, la reproductibilité, la spécificité et la capacité de mise en place d’une infrastructure ou d’une organisation permettant un débit suffisant en usage de routine en vie réelle. La question du modèle économique et du passage à l’échelle sont également clés ». Elle ajoute : « De nombreux autres appels à projets sont par ailleurs ouverts pour faciliter le déploiement de projets de recherche sur la gestion de l’épidémie de Covid-19. Ces projets autour de la détection olfactive canine peuvent rentrer dans le cadre de financements permettant la poursuite de l’évaluation des dispositifs ».

Dans l’attente du Haut Conseil de la santé publique (HCSP)

Où est-on aujourd’hui ? De fait, « le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a été saisi afin de clarifier – au regard du stade de développement de cette stratégie de dépistage – la place qu’elle peut occuper dans l’arsenal ou, le cas échéant, les étapes qu’il lui reste à franchir ». Et de conclure « qu’à titre de comparaison, et pour prendre un exemple connu, la validation de l’utilisation de chiens renifleurs dans le cadre de la détection du cancer est encore en cours alors qu’elle a été initiée il y a plusieurs années ».

« Emballement » médiatique contre « lenteur » administrative ?

À force d’attendre cependant, ne risque-t-on pas de passer de l’une des plus belles réussites du One Health à la française… à l’un de ses plus beaux échecs ? L’avenir – proche ou lointain – le dira fatalement…

Le coup de gueule de l’association Handi’Chiens

Cette sous-utilisation pose de multiples questions !

« Voilà maintenant neuf mois qu’Handi’Chiens a formé et remis ses premiers chiens détecteurs de la Covid-19 à des établissements médico-sociaux. Pour mettre en lumière cette possibilité innovante, une expérience pilote se tient à la maison de retraite La Roselière à Kunheim (68). Les études et la formation des chiens d’assistance à la détection de la Covid ont notamment été menées à l’ENVA, dans le cadre du projet « Nosaïs-Covid 19 », à l’initiative du Pr Grandjean avec l’AP-HP. On aboutit à une fiabilité des détections à 97 %, comparable aux résultats obtenus avec des tests PCR. Pourquoi y a-t-il alors actuellement une absence d’engagement de l’État pour soutenir une solution qu’il a pourtant lui-même sollicitée ? Franchement, cette sous-utilisation des chiens renifleurs – méthode pourtant fiable, peu coûteuse et facile à déployer – pose de multiples questions ! »

La réponse de Dominique Grandjean au ministère de la Santé, professeur à l’ENVA, à l’initiative du projet « Nosaïs-Covid-19 »

J’attends avec impatience la réponse du HCSP

« Dans la réponse faite par le Ministère de la Santé à La Semaine Vétérinaire (lire l’ensemble de l’article), pour ce qui touche aux notions évoquées de fiabilité, de reproductibilité ou de spécificité, il conviendrait de ne pas considérer qu’une seule de nos publications en gommant aussi celles émanant des nombreux pays qui ont accompagné notre équipe Nosaïs et suivi notre méthodologie. L’ensemble des résultats ainsi obtenus révèle une parfaite cohérence et homogénéité, que l’on ne retrouve pas forcément dans les examens PCR (pour lesquels au final de nombreux paramètres remettent en cause les trois notions évoquées !). Quant aux examens antigéniques ou aux autotests, ils se situent loin derrière la fiabilité, la reproductibilité et la spécificité des tests canins… Par ailleurs, le comparatif avec les recherches conduites de par le monde sur le dépistage des cancers n’est pas non plus cohérent, qui là encore raisonne sur un exemple quand tant d’équipes de par le monde ont fait démonstration de l’efficacité du nez du chien dans ce domaine…

Pourquoi ne pas utiliser tous les moyens de lutte efficaces ?

La gestion de crise impose de valoriser tous les moyens dont on peut disposer, et dès lors que ceux-ci ont fait montre de leur efficacité, ce qui est le cas des chiens détecteurs de Covid, on peut se demander où se situent les freins administratifs ? J’attends donc avec impatience le résultat de la saisine du HCSP (Haut Conseil en santé publique), réalisée à la demande du Premier Ministre, et faite il y a déjà plusieurs mois ! En espérant que ce Conseil se révèle plus objectif dans son approche analytique ».

Les chiens détecteurs de Covid-19 de par le monde…

Aux États-Unis, les chiens détecteurs de Covid-19 sont déjà utilisés lors de grands rassemblements sportifs (comme pour la tenue de matchs de basket), dans des Ehpad ou dans divers lieux privés qui les financent. Les Allemands s’en servent aussi lors de concerts, pour diminuer les files d’attente aux billetteries… Quant aux Russes, ils les emploient même déjà sur des vols intérieurs. Ces chiens sont aussi présents à l’aéroport d’Helsinki (Finlande). De nombreux pays s’inspirent donc de la méthodologie Nosaïs française. Comme quoi, nul n’est prophète dans son pays ?

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