La maladie hémorragique virale sous surveillance - La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022

Filière cunicole

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Un système de recensement des foyers dans les exploitations cunicoles a été lancé durant l’année 2018. Les données collectées ont mis en lumière le risque de récurrence de la maladie.

Depuis juin 2018, la filière cunicole s’est dotée d’un système de surveillance de la maladie hémorragique virale du lapin (RHD pour rabbit hemorrhagic disease, ou VHD pour viral hemorrhagic disease). Cette maladie est dévastatrice pour les élevages, avec un taux de mortalité oscillant entre 60 et 100 % en 72 heures. La filière est particulièrement touchée depuis les années 2010 avec l’émergence d’un nouveau génotype viral, le RHDV2, qui échappait partiellement à la vaccination. De plus, ce nouveau génotype touche aussi plus fréquemment les jeunes lapereaux avant le sevrage et les léporidés. Dans une étude rétrospective1 menée de 2013 à 2017 dans 295 élevages, soit environ un tiers des élevages cunicoles français, il était ressorti que 32 % avaient connu au moins un épisode de VHD en cinq ans, avec une augmentation de la prévalence en 2016 et 2017. Par ailleurs, selon une enquête menée par la Fédération nationale des groupements de producteurs de lapins (Fenalap), 10 % des arrêts de production en 2018 auraient été liés à la maladie, et 35 % en 2019.

Aujourd’hui, le RHDV2 est le type majoritaire (plus de 95 %) dans les élevages et dans les populations de lapins sauvages. Des vaccins efficaces contre ce nouveau variant sont désormais disponibles (voir encadré), toutefois leur coût fait qu’il est compliqué pour les éleveurs de vacciner tous les animaux, les lapereaux en plus des femelles reproductrices. C’est dans ce contexte qu’un plan de lutte volontaire contre la VHD a été acté en 2018 par l’interprofession, avec l’objectif de diminuer de moitié l’incidence de la maladie. Le système de surveillance s’inscrit dans ce plan de lutte. Outre cette surveillance, le plan vise aussi à renforcer la biosécurité et la vaccination du cheptel reproducteur, ainsi que les mesures de gestion des foyers.

Une dynamique virale toujours en cours

Un premier bilan2 de cette surveillance a été récemment publié dans le dernier bulletin épidémiologique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Il ressort qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, ce sont 154 foyers de VHD qui ont été rapportés dans 138 élevages (et depuis le 1er juillet 2018, 265 foyers). Sachant que le réseau de surveillance intègre 90 % de la production nationale qui compte environ 1 200 élevages (40 millions de lapins de chair par an), près de 13 % des élevages du réseau seraient concernés par des foyers. L’incidence annuelle en 2019 est de 21,7 cas pour 100 élevages, avec une saisonnalité : il y a plus de foyers en automne (jusqu’à 2,8 cas pour 100 élevages en novembre 2019), qu’au printemps (moins de 1,5 cas pour 100 élevages entre mars et juillet 2019). La durée moyenne d’un foyer est de 109 jours (41 à 350 jours). Interrogé, Samuel Boucher, membre de la commission cunicole de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires, et praticien en filière cunicole, rassure avec des données plus récentes (voir graphe) : « Les cas de VHD sont en décroissance actuellement. Leur nombre est au plus bas depuis quatre ans : à la mi-avril 2022, il restait 23 foyers selon l’Observatoire. Même si les cas sont moins nombreux, la maladie n’a pas disparu ». Il rappelle notamment que l’observatoire prend essentiellement en compte les élevages professionnels adhérant à une organisation professionnelle agricole (OPA) mais très peu d’élevages amateurs ou de petite taille et encore moins de lapins de compagnie. Il poursuit : « Il faut rester vigilant, notamment en automne qui est une période à risque ».

Une maladie possiblement récurrente

Outre le suivi global de la dynamique virale, le lancement de l’Observatoire a permis aussi de mieux quantifier le fait qu’un même élevage peut être infecté plusieurs fois à plusieurs mois d’intervalle (foyer après plusieurs bandes sans signes cliniques suivant l’arrêt de la vaccination3), voire qu’il peut y avoir des récidives, c’est-à-dire une résurgence de la maladie moins d’un mois après le précédent épisode (signes cliniques de VHD dès la première bande d’engraissement non vaccinée suivant la fin du foyer). En 2019, un tiers des élevages touchés avaient ainsi déjà connu un épisode de VHD en 2018, avec un foyer survenant entre 2 et 18 mois après la fin du précédent épisode (moyenne 7 mois). Cela était ressorti aussi dans l’étude citée plus haut, menée au sein de 295 élevages : 16 élevages avaient connu 2 épisodes de VHD ; 6 élevages, 3 épisodes. « Le risque d’être infecté en 2016-2017 était 1,7 fois plus élevé dans les élevages à antécédent (plusieurs bandes sans signes cliniques), que ceux sans », avait-il été montré. « La surveillance a permis de mettre en évidence des épisodes récurrents de VHD dans certains élevages, montrant la nécessité de compléter le plan de lutte par une gestion renforcée des récidives, explique Samuel Boucher. Lors des dernières journées de la recherche cunicole, il a été montré que le virus pouvait rester longtemps en élevage, notamment dans les lieux ayant contenu des lapins morts de VHD comme les bacs à équarrissage, mais aussi les fosses… et également que le virus était présent dans la faune sauvage autour des élevages qui restent un foyer potentiel. Une étude coordonnée par l’Anses est en cours. Il est également suspecté que des femelles vaccinées pourraient être porteuses asymptomatiques. Là encore, des analyses sont en cours ».

La vaccination

La prévention de la VHD repose sur deux piliers : la biosécurité – et l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) a publié une fiche très complète sur ce point1 – et la vaccination. Jusqu’à peu, il y avait deux vaccins disponibles2 : Filavac VHD KC + V du laboratoire Filavie, un vaccin bivalent inactivé, avec les souches classiques RHDV et variant RHDV2 (souches françaises) ; et Eravac du laboratoire Hipra, un vaccin monovalent inactivé, avec une valence RHDV2 espagnole. En novembre 2021, un vaccin a fait l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) 3 : Filavac VHD Var K ND, du laboratoire Filavie, du fait « d’un problème d’adéquation entre les vaccins disponibles et les virus circulants dans certaines régions », explique Samuel Boucher. « Ce vaccin est mieux adapté et donne pleinement satisfaction », précise-t-il. D’après le résumé des caractéristiques produits (RCP), ce vaccin ATU s’utilise soit lors d’un échec vaccinal (typiquement une récidive), et aussi dans les élevages en lien épidémiologique avec un foyer utilisant le vaccin ATU.

Le protocole vaccinal recommandé est le suivant : une primovaccination avec deux injections lors du démarrage, suivie d’un rappel tous les six mois.

On ne dispose pas de données chiffrées sur la couverture vaccinale en France. « Le coût du vaccin rapporté au prix de vente du lapin reste un frein certain car la marge dégagée ne permet pas toujours de payer le vaccin d’un lapin de chair, explique Samuel Boucher. Des aides existent pour la renforcer, explique-t-il. Des abattoirs paient un tiers du coût d’un vaccin ; les fonds FMSE indemnisent l’éleveur cotisant touché, lui permettant de vacciner deux bandes de lapins en croissance. »

1. https://www.itavi.asso.fr/publications/fiches-de-biosecurite-en-elevage-de-lapins

2. Il y a aussi un vaccin recombiné avec des souches atténuées de myxomatose (Nobivac Myxo-RHD PLUS).

3. https://www.anses.fr/fr/system/files/90033_M_ANNEXE_11.pdf

  • 1. Études épidémiologiques rétrospectives sur la maladie hémorragique virale RHDV2 dans les élevages cunicoles en France entre 2013 et 2018. Huneau-Salaün A. et coll., 18es journées de la recherche cunicole, 27-28 mai 2019, 25-28.
  • 3. En cas de foyer, tous les lapins en croissance sont vaccinés, pendant deux bandes consécutives. Les animaux adultes reçoivent un rappel de vaccination si le vaccin antérieur date de plus de cinq mois (ou de quatre mois si récidive).
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