Ferrure et déferrage : des limites aux pieds nus - La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022

Bien-être des équidés

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Marine Neveux

D’après la conférence de Jean-Marie Denoix, professeur agrégé, fondateur du Centre d’imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines (Cirale) et de la Société internationale de pathologie locomotrice équine (Iselp) et enseignant à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, intitulée « Pieds nus, ferrure et bien-être chez le cheval de course, de sport et de loisirs » présentée lors de la séance de l’Académie vétérinaire du 5 mai 2022.

La séance de l’Académie vétérinaire du 5 mai dernier était riche d’enseignement et de débats autour du thème du bien-être animal dans la filière équine. Le professeur Jean-Marie Denoix a traité des risques associés au déferrage, aux pieds nus et les limites de l’absence de fer. En préambule, il précise que le « bien-être limité à l’échelle du pied du cheval est bien entendu réduit par rapport à ce qui est rencontré à l’échelle planétaire avec 300 millions de chevaux au travail et 50 millions d’ânes utilisés par la traction […] Tout cela pour relativiser cette polémique au sujet de laquelle certains ne veulent pour certains même plus mettre des clous dans la corne ! Or bien mis en place, les clous sont indolores ».

Des risques

Les risques associés à l’absence de fer sont la perte d’adhérence (le cheval risque de glisser, notamment sur les épreuves sur gazon et mouillé, il faut des fers et des crampons) et, chez les trotteurs, la fracture, car le fer équilibre les déformations du pied.

Pourquoi les professionnels du trot déferrent-ils les chevaux ? Pour améliorer la vitesse en facilitant la protraction, car le fer réduit les contractions musculaires nécessaires à cette dernière. En outre, si le déferrage est pratiqué trop souvent, la sole s’use et le tissu velouté, à savoir le derme du sabot, est exposé.

Quelles sont les conséquences du déferrage chez les trotteurs ? Une étude de 2013 a apporté la réponse, en examinant les parcours de chevaux déferrés toutes les deux semaines, et en les comparant à un groupe contrôle déferré qu’à la fin de l’observation. Sur les 4 chevaux de l’étude, la sensibilité de la sole à la pince exploratrice a progressivement augmenté au cours des épreuves au lendemain des tests déferrés. En outre, la sensibilité est supérieure au niveau des membres postérieurs versus les antérieurs.

L’imagerie (IRM) montre plus de remaniement osseux sur les pieds déferrés. La croissance de la corne pariétale est en moyenne de 5 mm par mois. Un seul test déferré provoque une usure en moyenne de 2,6 mm. Bien entendu, selon les chevaux la pousse de la corne n’est pas la même. L’usure maximale atteint parfois presque 6 mm avec un seul test. Et sur les sabots postérieurs, c’est davantage, avec en moyenne 4,1 mm, et jusqu’à 8 mm !

Avec le déferrage, la sensibilité du chorion et de la sole augmente, la paroi supérieure s’use et la sole supérieure s’amincit sur les angles.

En outre, avec une étude exercée sur tapis roulant, on observe que le déferrage réduit la foulée de 4 cm par foulée : c’est-à-dire qu’il a besoin de faire 3 à 4 foulées de plus sur un parcours de 2 800 m de course.

À la suite de ces travaux, la société des courses a décidé d’interdire le déferrage à 2 et 3 ans. Et à 4 ans c’est désormais codifié. « C’est une pratique qui doit être faite de façon rationnelle. Le pied nu nécessite surveillance et attention » explique Jean-Marie Denoix. Les chevaux déferrés doivent être parés et surveillés régulièrement, même au pré.

Des limites à l’absence de fer

L’absence de ferrure présente d’autres limites, à l’instar de défauts d’aplomb. « Avec un fer adapté on peut gérer une carrière sportive. Avec une ferrure, on est capable de maintenir un cheval en activité sportive, alors que sans ferrure, ce même cheval peut se dégrader. » Le professeur Jean-Marie Denoix cite aussi tout l’intérêt des ferrures kinésithérapiques.

En conclusion, les pieds nus ont un intérêt économique évident. Cela réduit les bras de levier, cela augmente la vitesse chez le trotteur, cela réduit l’adhérence chez le cheval de sport, tandis que des fers protègent les pieds et augmente l’adhérence au terrain.

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