Exact sinon rien - La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1945 du 20/05/2022

DROIT

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par maître Céline Peccavy

Vous connaissez déjà assurément la rigueur scientifique. En matière judiciaire, la rigueur est tout autant de mise. Sa sanction ? Une procédure et des demandes qui tombent à l’eau.

Nous n’évoquerons pas ici le fond des dossiers. Il y a bien entendu dans chaque affaire judiciaire un gagnant et un perdant et dans certaines, on peut même parler de deux perdants. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le formalisme des procédures, qui lorsqu’il n’est pas respecté conduit à beaucoup de déceptions voire d’incompréhensions.

Les nullités

Entrons donc dans le vif des nullités. Au cœur de celles-ci se trouve la description que fait le justiciable de lui-même et/ou de son adversaire. Personne physique ou personne morale et donc société ? Qui est-il ? Qui sont-ils ? Question extrêmement simple penserez-vous et pourtant… Deux exemples concrets vous démontreront le contraire. Dans une première affaire en cours, un éleveur de chiens a acheté à un autre éleveur un mâle avec lequel il entendait faire de la reproduction. Jusque-là rien d’exceptionnel. Sur l’acte d’achat du chien, l’éleveur acheteur fait mentionner un certain numéro de Siret qui correspond à une certaine entreprise. Mécontent de son acquisition, notre éleveur acheteur vient de saisir le tribunal. Il y est mentionné comme demandeur à l’action avec un tout autre numéro de Siret qui correspond à une autre de ses entreprises. Le demandeur en justice ne correspond donc en rien à l’acheteur puisqu’il ne s’agit pas de la même entreprise. Procédure mouvementée en vue comme le démontre notre second exemple. Dans celui-ci, il est cette fois-ci question d’un chat, et l’acheteur introduit son procès en se désignant comme l’Eurl AC. Mais cette entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) avait-elle réellement acheté le chat ? Nullement. Au jour de la cession, Mme A. qui deviendra ultérieurement la représentante de cette Eurl, n’avait pas encore constitué sa société. On se retrouve donc à nouveau ici dans le cas de figure où l’acheteur n’est pas la même personne que le requérant. Voici en l’espèce la position du tribunal : « L’assignation a été délivrée textuellement au nom de « AC Eurl ». Or, à la date de l’achat de l’animal, il est avéré à la lecture d’un certificat d’inscription au répertoire Siren de l’Insee, délivré le 22 mars 2010, que Madame A était inscrite selon déclaration du 7 juin 2009 non pas sous une forme morale, telle qu’une Eurl, mais sous son seul nom personnel, personne physique exerçant l’activité principale d’élevage d’animaux. Une telle irrégularité de fond est insusceptible d’être couverte. Il convient par conséquent de prononcer la radiation de la cause. » Radiation donc mais pas fin de l’histoire. En effet, s’il est encore dans les temps légaux, le requérant peut recommencer le procès en mettant cette fois-ci les bonnes mentions. Une bataille de gagnée mais pas forcément la guerre.

L’erreur sur la qualification du défendeur

Parallèlement on trouve les mêmes sanctions attachées à l’erreur sur la qualification du défendeur. Mais dans ce cas de figure encore faut-il que ledit défendeur ait choisi de l’indiquer à la justice Qu’aurait-il à gagner à garder le silence allez-vous me demander ? Si le défendeur laisse la procédure se dérouler contre lui sans constituer de défense, alors un jugement sera rendu concernant une personne qui n’existe pas. En conséquence, même si le défendeur était condamné, il serait impossible de forcer l’exécution de la décision puisque par essence le perdant n’existe pas. Un silence très profitable donc.

Et si en cours de procédure la société défenderesse était dissoute ? L’acheteur se retrouverait-il alors privé de ses droits en cas de succès de son action ? Nullement. La loi prévoit que le liquidateur doit provisionner la créance litigieuse en cas de fermeture de la société. En revanche, si le vendeur gagne le procès et que le jugement lui octroie des dommages et intérêts il n’en verra jamais la couleur car l’acheteur pourra valablement faire valoir qu’il n’a rien à payer à une société qui n’existe plus…

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr