Stérilisation précoce du chat : le consensus du Geres - La Semaine Vétérinaire n° 1944 du 13/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1944 du 13/05/2022

Reproduction

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Laurent Masson

Conférencier

Emmanuel Topie,diplômé du Collège européen de la reproduction animale (Ecar), praticien à Anirepro, Reims (Marne). Pour le groupe d’étude en reproduction, sélection et élevage (Geres) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac).

Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac en novembre 2021 à Bordeaux.


Le praticien peut être confronté à une demande de stérilisation précoce sur un chaton de 2-3 mois plutôt qu’à une stérilisation classique vers 6-9 mois. Le Geres a travaillé sur ce sujet, pour clarifier le débat en présentant les conséquences que peut entraîner une stérilisation précoce dans l’espèce féline, c’est-à-dire chez un animal jeune, immature, de petite taille et de faible poids.

Contexte

En France, la demande d’une stérilisation précoce concerne les élevages ou les refuges. Il est compréhensible d’envisager une stérilisation plus précoce des chats libres, surtout dans un contexte de gestion des populations et de salubrité publique (prolifération des chats errants), voire pour la protection de la faune sauvage. Mais, pour Emmanuel Topie, les motivations sont plus obscures au sujet des chats de race. La diminution du nombre de reproducteurs conduit à une perte de diversité génétique, une consanguinité globale de la race, une difficulté de sélection à long terme et à une importation de reproducteurs de l’étranger.

Particularités physiologiques

L’anesthésie est le principal facteur limitant d’une stérilisation précoce. Elle nécessite la pose d’un cathéter. Par ailleurs, le matériel d’anesthésie est peu adapté à la taille d’un jeune chaton (ventilateur, monitoring avec parfois des seuils de détection inadaptés aux petits animaux, choix de la sonde endotrachéale). La fragilité de l’animal doit aussi être prise en compte (intubation, positionnement avec risque de laxité ligamentaire ou traumatisme sur les plaques de croissance), un réchauffement préventif et une fluidothérapie (3 ml/kg/h à l’aide d’un pousse-seringue pour une meilleure précision) mis en place. Le chaton peut beaucoup moins compenser une hypotension (baroréflexe inefficace), donc toute hémorragie a plus de conséquences chez lui que chez le chat adulte. D’un point de vue métabolique, le chaton présente une perméabilité accrue de la barrière hématoméningée, peu de tissu adipeux avec une thermorégulation immature, un système orthosympathique immature, et un risque de surcharge volumique par diminution de la sécrétion tubulaire et diminution de la filtration glomérulaire. L’immaturité hépatique (métabolisation des anesthésiques) et l’hypoalbuminémie (surdosage relatif et hypotension) peuvent engendrer un risque de réveil prolongé. Les faibles réserves en glycogène favorisent l’hypoglycémie. Une induction gazeuse, bien que souvent réalisée chez les plus jeunes, peut avoir des conséquences sur le système cardiovasculaire avec une hypotension. Celle-ci peut passer inaperçue, la pression artérielle n’étant souvent pas mesurée en pratique à ce moment sur ce type d’intervention. Au niveau respiratoire, la macroglossie et les cartilages trachéaux plus flexibles majorent les risques d’obstruction des voies respiratoires supérieures et d’hypoxie sans intubation.

Choix du protocole

Le chaton est hypersensible aux benzodiazépines (sédation marquée) mais les effets secondaires restent modérés. D’un point de vue général, il est préférable de choisir des molécules réversibles, à faible dose si possible, comme les opioïdes (méthadone, morphine, buprénorphine) ou la médétomidine (1-5 microg/kg, ce qui nécessite une dilution). En induction, les molécules sont utilisées à effet, car la fraction libre est plus élevée. Les halogénés permettent de s’affranchir de l’immaturité hépatorénale. Les chatons ont une sensibilité à la douleur accrue. Il convient donc de bien gérer l’analgésie à l’aide d’opioïdes ou d’AINS pour éviter d’avoir un chat agressif ensuite.
Idéalement, l’âge de 4 mois minimum est à retenir pour minimiser les risques anesthésiques (maturité hépatorénale plutôt bonne et taille de l’animal suffisante). Côté chirurgie, la stérilisation précoce nécessite l’utilisation de matériel atraumatique et de petite taille. Le temps opératoire peut être diminué en raison de l’absence de tissu graisseux. Le contrôle de l’hémostase peut être assuré par un bistouri bipolaire à pointe fine et des fils résorbables de petit calibre. L’utilisation d’un aspirateur est déconseillée. Tout ce qui rentre dans la cavité abdominale, comme une compresse humidifiée avec du sérum physiologique, doit être tiédi. Un épanchement abdominal physiologique est possible. Les techniques chirurgicales sont semblables à celles d’une stérilisation classique. Néanmoins, une incision parascrotale est parfois nécessaire lorsque le testicule n’est pas complètement descendu. La technique de nœud peut être délicate compte tenu de la taille des structures anatomiques ; un bistournage ou une ligature peuvent être préférables. Les complications chirurgicales sont moins fréquentes que pour une stérilisation classique, avec un temps chirurgical diminué.

Conséquences d’une stérilisation précoce

Du point de vue comportemental, les données sur les conséquences de la stérilisation précoce versus classique sur le comportement du chat stérilisé ne sont pas ou peu interprétables. Il semble juste établi que, quel que soit l’âge, la castration prévient les comportements sexuels tels que les miaulements, le marquage urinaire, les bagarres intraspécifiques, les vagabondages.


Les conséquences orthopédiques d’une stérilisation précoce sont négligeables dans l’espèce féline : elle pourrait prédisposer les races à croissance tardive aux fractures de type Salter-Harris suite à une fermeture retardée des plaques de croissance. Il convient de noter que les chats stérilisés précocement seraient plus grands.


L’augmentation du risque d’affection du bas appareil urinaire attribuée à la stérilisation précoce est surtout liée au risque plus important de surpoids/obésité ; par ailleurs la castration a un impact sur la taille du pénis mais pas sur celle de l’urètre.


La nutrition est un élément important à prendre en considération car la stérilisation est le premier facteur de risque d’obésité, devant la sédentarité et l’alimentation sèche. L’âge à la stérilisation n’aurait pas d’influence, si ce n’est que le chat stérilisé précocement est plus grand et donc plus lourd sans forcément être plus gros ; il convient donc de s’intéresser à la note corporelle. Théoriquement, il est conseillé de restreindre l’apport calorique à 40 kcal/kg (80 % du besoin énergétique) dès la stérilisation mais en conservant une concentration minimale en nutriments essentiels et un volume minimal, en ajoutant par exemple une fraction d’aliment humide.

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