Les marqueurs biologiques lors de syndrome inflammatoire systémique - La Semaine Vétérinaire n° 1943 du 06/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1943 du 06/05/2022

Biologie médicale

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencier

Tarek Bouzouraa, diplômé du Collège européen de médecine interne vétérinaire des animaux de compagnie (ECVIM-CA), spécialiste en médecine interne (Vetalpha et VetAgro Sup Lyon).

Article rédigé d’après une webconférence organisée par le laboratoire Idexx, le 19 octobre 2021.

Un syndrome inflammatoire systémique peut être associé à de nombreuses causes : infectieuse, immunitaire, toxique, néoplasique, nécrotique, voire traumatique.

L’animal est généralement présenté en consultation pour un syndrome fébrile (anorexie, abattement, prostration). L’examen clinique révèle une hyperthermie, tandis qu’un inconfort viscéral et/ou une dyspnée (en particulier chez le chat) sont les anomalies le plus souvent observées en cas de syndrome inflammatoire d’origine cavitaire. D’autres indicateurs peuvent suggérer une inflammation/infection locale (chaleur, une douleur, une rougeur, un œdème).

Un syndrome inflammatoire systémique se caractérise par la présence d’au moins deux des critères suivants chez le chien (trois chez le chat) :

- Une tachycardie (ou une bradycardie chez le chat)

- Une tachypnée

- Une hypo ou une hyperthermie

- Une leucopénie à moins de 6 000/mm3 chez le chien (moins de 5 000/mm3 chez le chat), ou une leucocytose à 16 000/mm3 (19 500/mm3 chez le chat)

- Un virage à gauche sur la courbe d’Arneth est défini par le relargage de granulocytes neutrophiles immatures dans la circulation sanguine. La présence de ces « band cells » (caractérisés par un noyau en fer à cheval, non lobulé) à plus de 3 % chez le chien (5 % chez le chat) révèle l’existence d’un phénomène inflammatoire actif (même en l’absence de leucocytose). Il s’agit d’un élément de dépistage précoce de l’inflammation, qui doit conduire le praticien à rechercher au plus vite son origine. Le virage à gauche est dit régénératif lorsque la quantité de granulocytes matures est supérieure à celle des granulocytes immatures. Il est question de virage à gauche dégénératif lorsque la population de « band cells » est supérieure à celle des neutrophiles matures. La présence de ce virage à gauche dégénératif est un critère pronostic péjoratif en médecine d’urgence. En effet, le risque de décès est multiplié par 1,9 chez le chien, et par 1,7 chez le chat.

– Le toxogramme définit la présence d’anomalies dans le cytoplasme des granulocytes neutrophiles (basophilie, vacuoles, chromatine décondensée, corps de Döhle). Cela révèle un phénomène actif toxique et/ou oxydatif.

En conséquence du phénomène inflammatoire, une anémie non régénérative, normocytaire, normochrome, modérée peut être constatée. Elle est désignée sous le terme d’anémie de condition inflammatoire. Elle est le plus souvent chronique et elle est associée à une leucocytose neutrophilique.

En complément de la numération formule sanguine, une biochimie doit être réalisée en cas de suspicion de syndrome inflammatoire. En pratique, deux éléments ont un intérêt majeur dans ce contexte : l’albumine et la protéine C réactive (CRP).

Un syndrome inflammatoire généralisé peut être associé à une hypoalbuminémie. Le diagnostic différentiel de l’hypoalbuminémie fait intervenir soit un défaut de production (insuffisance hépatique, sepsis, syndrome de réponse inflammatoire systémique), soit une augmentation des pertes (d’origine rénale, gastro-intestinale, ou due à une hémorragie chronique ou un exsudat cutanéo-muqueux).

La CRP est une protéine synthétisée par le foie sous l’influence de cytokines pro-inflammatoires. Elle augmente rapidement : dès 4 à 6 heures suivant le début du processus inflammatoire, et atteint un pic en 24 à 48 heures. Elle chute 24 heures après le début du traitement du processus inflammatoire.

L’intervalle de référence est de 0 à 10 mg/l. Entre 10 et 30mg/l, le syndrome inflammatoire est en phase précoce, est discret ou est en voie de résolution. Au-delà de 30 mg/l, le syndrome inflammatoire systémique est confirmé et nécessite une prise en charge rapide. Un taux élevé de la CRP doit motiver la réalisation d’examens complémentaires pour trouver l’origine de l’inflammation.

L’augmentation de la CRP lors de processus inflammatoire est antérieure à la présence d’un virage à gauche sur la courbe d’Arneth et à l’apparition d’une leucocytose neutrophilique.

Son augmentation n’est pas influencée par le sexe, la race et l’âge de l’animal. Une corticothérapie en cours peut cependant artificiellement réduire sa valeur.

La mesure de la CRP a des intérêts variés en fonction de la maladie en cause (voir tableau). En voici quelques exemples :

- Aider au diagnostic : dans le cas des polyarthrites par exemple, l’augmentation du taux de CRP plasmatique est corrélée à la cellularité synoviale. En cas de pneumopathie, elle oriente vers une origine bactérienne.

- Établir un pronostic : lors de parvovirose et de pancréatite, il a été démontré qu’il existait une corrélation entre la valeur de la CRP et la durée d’hospitalisation des chiens : plus la CRP est élevée, plus la durée d’hospitalisation est longue, et plus, lors de parvovirose, la mortalité est élevée.

- Suivre la maladie et aider à la décision thérapeutique : lors de bronchopneumonie chez le chien, il a été démontré que la normalisation de la CRP était un critère suffisant pour arrêter l’antibiothérapie. Cela constitue une aide thérapeutique intéressante car la radiographie peut révéler la présence de séquelles pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois, sans qu’une antibiothérapie soit nécessaire.

- Dépister les récidives : en cas de méningites artérites cortico-répondantes, la mesure de la CRP est utile lors du diagnostic mais aussi pendant les phases de rechute. En effet, l’augmentation de la CRP justifie de reprendre le traitement, sans avoir à renouveler une analyse du liquide cérébrospinal.

Des protocoles de recherche sont en cours pour évaluer l’intérêt du dosage de la CRP sur les épanchements abdominaux chez le chien, en corrélation avec le taux de CRP plasmatique.

L’intérêt du dosage de la CRP lors de suspicion de phénomènes inflammatoires focaux (cystite, prostatite, etc.) ne semble pas être démontré à ce jour, mais des études sont en cours sur ce sujet.

  • Sources
  • - A G Burton, L A Harris, S D Owens, et al. The prognostic utility of degenerative left shifts in dogs. J Vet Intern Med. Nov-Dec 2013 ; 27 (6) : 1517-22.
  • - S J Viitanen, H P Laurila, L I Lilja-Maula, et al. Serum C-reactive protein as a diagnostic biomarker in dogs with bacterial respiratory diseases. J Vet Intern Med. Jan-Feb 2014 ; 28 (1) : 84-91.
  • - V. McClure, M. van Schoor, P. N Thompson, et al. Evaluation of the use of serum C-reactive protein concentration to predict outcome in puppies infected with canine parvovirus. J Am Vet Med Assoc. 2013 Aug 1 ; 243 (3) : 361-6.
  • - T. Sato, K. Ohno, T. Tamamoto, and al. Assessment of severity and changes in C-reactive protein concentration and various biomarkers in dogs with pancreatitis. J Vet Med Sci. 2017 Jan 20 ; 79 (1) : 35-40.
  • - M Grobman, H Outi, H Rindt, et al. Serum Thymidine Kinase 1, Canine-C-Reactive Protein, Haptoglobin, and Vitamin D Concentrations in Dogs with Immune-Mediated Hemolytic Anemia, Thrombocytopenia, and Polyarthropathy. J Vet Intern Med. 2017 Sep ; 31 (5) : 1430-1440.
  • - J D Foster, S Sample, R Kohler, and al. Serum biomarkers of clinical and cytologic response in dogs with idiopathic immune-mediated polyarthropathy. J Vet Intern Med. May-Jun 2014 ; 28 (3) : 905-11.
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