Achats, stock, marge, coûts… : trouver les bons équilibres - La Semaine Vétérinaire n° 1943 du 06/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1943 du 06/05/2022

Gestion

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

La gestion des stocks, des prix, des marges, des commandes, des coûts et des avantages financiers repose sur des grands équilibres, entre le mieux et le bien. Entre deux impératifs aussi importants l’un que l’autre pour l’entreprise : éviter les ruptures et préserver la trésorerie.

Lors des 21es Journées européennes de Roissy organisées par l’Association vétérinaire équine française (AVEF), Laurence Lajou, vétérinaire consultante de Something Else, société de conseil (marketing, stratégie, gestion, finance…), s’est attachée à situer la place du médicament dans le fonctionnement d’une clinique vétérinaire, à présenter une méthode rationnelle pour optimiser la gestion des stocks, les marges et le développement du chiffre d’affaires. Elle a aussi exposé les avantages d’une bonne gestion des stocks (le bon produit au bon moment, meilleure qualité du service rendu, satisfaction client), ainsi que les effets positifs sur l’image de professionnalisme que la politique d’achat de l’entreprise renvoie aux clients, la limitation du risque d’interruption du traitement de l’animal, le meilleur suivi des cas et de l’observance (les bons clients reviennent). « Elle assoit aussi le développement de l’activité, explique-t-elle. Le fait d’avoir des clients qui viennent régulièrement à la clinique permet d’avoir des contacts supplémentaires, de donner une meilleure information aux clients, de pratiquer des interventions supplémentaires et de générer des achats additionnels plutôt à la clinique que sur Internet (par exemple, des produits nutritionnels). »

Le médicament occupe une place centrale dans l’économie de l’entreprise vétérinaire. Pour des cliniques 100 % équines, « le poids des achats représente 24 % du CA (contre 76 % pour les actes), et les ventes de médicaments en clinique rurale jusqu’à 60 % du CA », indique-t-elle. Ainsi, pour un CA de 100 k€ (76 k€ d’actes et 24 k€ de ventes de médicaments), la marge sur actes (déduction faite des protections individuelles, des consommables) est de 65,4 k€ (86 %) et le taux de marge (marge/CA) sur les médicaments est d’environ 40 % x 24 = 9,6 k€, pour une marge brute totale de 75 k€ à laquelle contribuent les actes pour 87 % et les médicaments pour 13 %.

Le taux de marge ne doit pas être confondu avec le taux de marque qui figure dans les catalogues des fournisseurs. Le taux de marque HT ou pourcentage de marge brute est le rapport entre la marge brute et le prix de vente HT (marge brute/PV HT ou (PV HT – PA HT)/PV HT). La profession a pris, au fil du temps, l’habitude de calculer ses prix de vente en passant par l’intermédiaire d’un coefficient multiplicateur (K) permettant d’obtenir le prix de vente TTC, à partir du prix d’achat HT : PA HT x coefficient multiplicateur (K = 1,66 pour le médicament) = PV TTC.

En raisonnant uniquement avec les taux de marque ou les coefficients multiplicateurs, le dirigeant risque de n’avoir qu’une vue partielle de la rentabilité réelle d’un produit. Le profit dégagé par une référence va dépendre de sa marge brute unitaire et des quantités vendues. Il ne faut pas arrêter l’analyse de la rentabilité d’un produit à son seul taux de marque. Certains produits paraissent peu intéressants lorsque leur marge brute unitaire et taux de marque sont faibles. On leur préfère souvent des références de valeur unitaire plus élevée. Cette approche reste incomplète si on n’analyse pas la rotation du produit.

De la même façon, un taux élevé de marge brute n’est pas intéressant si les ventes du produit restent faibles. Plus le stock tourne, plus le profit est élevé.

Une bonne gestion des stocks suppose de bien maîtriser trois paramètres clés :

- le stock moyen de la période : (stock initial + stock final)/2 ;

- le coefficient de rotation des stocks (nombre de fois où le stock tourne) : achat en quantité ou en €/stock moyen en quantité ou en € (prix d’achat ou prix de vente) ;

- la durée moyenne de stockage en jours (un indicateur beaucoup plus parlant pour l’entreprise) : durée de la période/coefficient de rotation (sur 30 jours ou sur 360 jours)

Commandes : un seuil à 5 €

L’optimisation des stocks va être fonction du nombre de commandes et la réponse à la question : « Faut-il commander souvent et peu ? » ou « moins souvent et beaucoup ? » réside dans l’analyse des coûts du stock et de la commande. Sur la base d’un coût de commande de deux minutes et d’un coût financier du stock moyen de 1 %/mois, Laurence Lajou a fait la démonstration, en prenant deux modalités de commandes (n° 1 : 20 produits par semaine, n°2 : 80 produits 1 fois par mois), qu’il est plus intéressant financièrement de commander peu et fréquemment pour des produits dont le prix d’achat est supérieur à 5 € et de commander beaucoup et moins fréquemment pour les produits dont le prix d’achat est inférieur à 5 €.

Rabais, remises et ristournes parfois importants sont offerts pour des achats par plus ou moins grandes quantités. L’attrait apparent de la remise peut conduire, plus ou moins consciemment, à se couvrir en stock pour de nombreux mois, voire une année. Il convient ici de bien estimer l’avantage procuré par la remise, l’inconvénient résultant du coût du stock (1 % par mois). Un calcul est à faire pour voir où est son intérêt. En effet, le coût de stockage peut s’avérer nettement supérieur à la remise consentie par le fournisseur. Certes, il faut dans l’absolu tenir compte des frais occasionnés par les commandes mensuelles supplémentaires, mais ils sont limités.

Des commandes dictées par les remises posent également question par rapport à la liberté de choix et de prescription des vétérinaires, soulève la consultante. Elle mentionne également les contraintes juridiques et organisationnelles liées à la délivrance des médicaments (elle doit faire suite à une prescription, lors de la visite ou dans les jours qui suivent, en dehors de tout examen de l’animal dans le cadre d’un bilan sanitaire d’écurie, formation des auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) à la connaissance du médicament et à la gestion de la pharmacovigilance…).

Par ailleurs, elle rappelle les coûts financiers induits par le stock. Le coût de maintien d’un stock se compose de plusieurs éléments : coût de financement (argent immobilisé), des commandes, du contrôle et de la mise en stock par une ASV (coût total de 15 €/h), de la non-qualité (pertes, destructions, péremptions…), le coût du surstock (en cas de commande plus espacée), les autres coûts cachés (rappel des clients lors de ruptures). Elle insiste aussi à propos des devoirs sur le plan pharmaceutique : respect de la chaîne du froid, obligations réglementaires de suivi annuel des entrées/sorties…

On peut toujours payer un fournisseur par anticipation moyennant escompte. Prenons une facture payable à 60 jours, si on peut la payer comptant moyennant par exemple 2 % d’escompte, on obtient un taux d’intérêt annuel de 12 % (2 % x 360/60). Si la facture est à 45 jours, le taux d’intérêt ressort à 16 % (2 % x 360/45). Le vétérinaire peut être en balance entre escompte ou découvert bancaire. Sur une commande de 2 000 € payée comptant, l’escompte sera de 2 % x 2 000 € = 40 € et le découvert de 12 %/an, soit 1 % par mois = 20 €.

En réalité, paiement comptant veut souvent dire, compte tenu des délais d’arrivée de la facture et d’envoi du règlement, paiement sous 8 ou 15 jours. Le taux d’intérêt réel s’en trouve assez nettement augmenté.

Sur un plan financier, on peut considérer que toute économie d’emploi permet de supprimer la ressource la plus onéreuse, que ce soit en dehors, agio, ou en dedans, escompte. C’est une question de choix. On peut d’ailleurs considérer qu’il vaut mieux conserver un découvert (autorisé par la banque) et payer comptant certains fournisseurs. Le revenu réel de l’escompte du fournisseur porte sur toute la durée escomptée alors que l’on ne paie le découvert que sur la somme atteinte jour par jour.

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