Gestion des stocks : acheter et commander sans se tromper - La Semaine Vétérinaire n° 1941 du 22/04/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1941 du 22/04/2022

Finances

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

La gestion de la pharmacie d’une clinique vétérinaire répond à la fois à des enjeux économiques, financiers, médicaux et stratégiques. Comment bien les appréhender pour ne pas commettre d’erreurs ?

L’intervention de Laurence Lajou, vétérinaire consultante de Something Else, société de conseil (marketing, stratégie, gestion, finance…), lors des 21es Journées européennes de Roissy organisées par l’Association vétérinaire équine française (AVEF), a permis d’appréhender le B.A.-BA de l’optimisation de la gestion des stocks. Lors de sa présentation, elle a montré que la gestion du stock est la résultante de plusieurs politiques : commerciale, des achats et politique (incidence sur les coûts). L’optimisation au niveau de chacun de ces points de vue conduit à des résultats contradictoires. Une bonne gestion en fait la synthèse et constitue donc un véritable compromis.

Sur le plan financier, le stock constitue un emploi important au bilan d’une clinique vétérinaire, celui-ci devant obligatoirement se situer entre le stock minimum indispensable qui déclenche la commande et le stock maximum.

La possession d’un stock excédant le minimum présente un certain nombre d’avantages (qualité du service rendu, satisfaction client, fidélisation, développement du CA…). Pour juger de l’intérêt réel de ce stock, il faut pouvoir comparer ces avantages aux inconvénients, principalement au coût financier du maintien du stock.

En matière de politique d’achat, la définition des quantités optimales de commande est très importante. En grand volume, elles permettent de limiter les ruptures de stock, d’obtenir de meilleures conditions à l’achat, de réduire le travail administratif qui s’accroît si les commandes et livraisons se multiplient. En revanche, elles présentent les inconvénients suivants : coût plus important de stockage, immobilisations de moyens financiers et encombrement.

La consultante de Something Else sensibilise les vétérinaires à propos de quelques dilemmes : remises immédiates sur pied de facture versus remises de fin d’année (RFA), achats groupés ou pas… et met en garde contre la course au volume par rapport à l’immobilisation financière que représente le stock. « La trésorerie de l’entreprise est un véritable enjeu », explique-t-elle, signifiant qu’il n’est pas forcément opportun d’avoir de coquettes RFA si cela doit coûter à l’entreprise d’être en découvert pendant douze mois.

Pour une clinique équine, plusieurs stocks physiques sont à prendre en compte : au cabinet, le central, celui des salles d’examen et en chirurgie et enfin le stock détenu dans la/les voiture(s). Une autre approche à avoir du stock est celle par catégorie de produits (protections à usage unique, consommables, produits vétérinaires, médicaments avec substances vénéneuses, spécialités humaines). Laurence Lajou estime que la loi de Pareto (loi des 20/80) est inapplicable pour les gérer.

La prise en compte de l’aspect commercial incite à l’inflation du stock. En effet, pour attirer et conserver le client, il convient de bien le servir. Par exemple, en satisfaisant immédiatement ses besoins. Pouvoir fournir à la demande n’importe quel produit implique de l’avoir en stock. En pratique, il faut faire un compromis entre un coût acceptable et la satisfaction des besoins des clients, en tenant compte bien sûr des nécessités professionnelles de stockage obligatoires pour certains médicaments essentiels (analgésiques, anesthésiques…). Un pourcentage très élevé de satisfaction immédiate des clients donne, certes, une bonne image de marque de la clinique. En contrepartie, il risque de s’avérer onéreux par l’importance du stock nécessaire. La limitation financière globale jouera obligatoirement son rôle de blocage. En deçà, la politique commerciale pourra jouer à plein. Ce sera en tout état de cause une question de choix et le problème du coût devant toujours être pris en compte.

La politique des achats devra intégrer les options commerciales, la capacité financière et les notions de coût. S’agissant de la politique d’approvisionnement, Laurence Lajou rappelle les options possibles :

- soit un approvisionnement unique pour l’année ;

- soit un approvisionnement par période (semaine, mois, trimestre, semestre), et des quantités variables en fonction des besoins ;

- soit des quantités commandées constantes selon des intervalles de temps irréguliers ;

- soit des commandes selon les besoins ponctuels ou immédiats.

La connaissance du courant de ventes habituel sera très utile pour fixer une quantité raisonnable de réapprovisionnement. Le délai de réapprovisionnement doit être connu. « Il faut intégrer le temps de livraison, les délivrances et ventes entre la commande et la livraison, les jours de commandes si on passe par une centrale de référencement (60 % des structures vétérinaires y adhèrent) », détaille-t-elle. Par exemple, si ce délai est de quinze jours, il est indispensable que le stock restant, plus les commandes en cours, couvre ces quinze jours plus une marge de sécurité. Ladite marge devra être d’autant plus large que le délai sera long.

« Il faut déterminer un stock minimum qui déclenche la commande », poursuit-elle. Pour ce faire, il convient d’apprécier bien entendu les quantités susceptibles d’être vendues, mais aussi le délai de réapprovisionnement. Une trop grande marge de sécurité dans un stock minimum conduit à un surstockage coûteux. Au contraire, un stock minimum trop faible peut avoir pour conséquence de manquer des ventes et, surtout, de mécontenter le client.

La quantité à commander est celle qui permet de reconstituer le stock maxi. Souvent, le vétérinaire saisira l’occasion d’une promotion ou d’une offre prix/quantité attractive pour passer commande. « Attention, 10 achetés + 1 gratuit, ce n’est pas 10 % mais 9 % de remise ! », prévient-elle.

Pour déterminer son stock maximum, il faut connaître le rythme de sortie prévisible.

Exemple : une clinique a une consommation d’un produit A de 600 boîtes par an. Le vétérinaire a le choix entre une commande régulière de 50 par mois (premier cas) ou une commande plus conséquente de 400 en 3 mois à une période de forte saisonnalité (deuxième cas). Dans le premier cas, une commande de 400 correspond à huit mois de stock et dans le deuxième cas à trois mois de stock. Avec un coût de l’argent estimé à 1 % par mois, l’immobilisation financière est respectivement de 8 % dans le premier cas et de 3 % dans le deuxième cas. La remise financière est de 10 % pour huit mois de stock et de 5 % pour trois mois de stock. Ici, l’écart est le même (2 points) entre le coût financier du stock et la remise octroyée en fonction du stock maximum reconstitué, mais ce ne sera pas toujours le cas si ces paramètres changent.

Pour déterminer son stock minimum, il faut connaître le nombre des ventes réalisées pendant les délais de livraison.

Nouvel exemple : la clinique vend 20 boîtes de B par semaine et son délai d’approvisionnement chez son fournisseur est d’une semaine. On en déduit facilement que le stock minimum est de 20. Maintenant, si une unité est vendue par jour avec un délai de livraison sous 24 heures avec une cadence de commande tous les deux jours, le stock minimum est de trois unités dont deux au titre du stock de sécurité (donc commande de trois unités). À raison toujours d’une unité vendue par jour mais avec une livraison sous trois jours et un cadencement des commandes d’une fois par semaine, le stock minimum sera de dix unités dont sept au titre du stock de sécurité (donc commande de dix unités).

Le stock de sécurité se détermine, quant à lui, par rapport au caractère « vital » du produit, à la saisonnalité des ventes, à l’attention portée aux commandes au moment des week-ends et des ponts (allongement du délai de livraison).

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