Des pistes de prévention de l’abandon des chiens - La Semaine Vétérinaire n° 1941 du 22/04/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1941 du 22/04/2022

Enquête

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Margaux Barnabé, Stéphanie Verdu et Julie Hervé (Oniris, service de physiologie fonctionnelle, cellulaire et moléculaire, Nantes)

Un récent travail de thèse vétérinaire a montré que l’abandon d’un chien était motivé par des raisons multiples, liées à l’animal, et surtout liées aux problématiques personnelles de son propriétaire. Renforcer le lien affectif entre le chien et son détenteur apparaît essentiel pour prévenir ce phénomène.

Si tel que le disait Gandhi, « la grandeur d’une nation et son progrès moral peuvent être jugés à la manière dont les animaux sont traités », prévenir l’abandon des animaux de compagnie constitue un enjeu éthique majeur pour les sociétés modernes.

En France, près de 20 000 chiens sont abandonnés chaque année dans les seuls refuges de la SPA (Société protectrice des animaux). Ce nombre est probablement sous-estimé car il ne prend pas en compte les abandons de chiens dans les refuges des autres associations. Pour pouvoir lutter au mieux contre ce phénomène, il est important d’analyser, sans juger, le contexte de ces actes d’abandons : quel est le profil des personnes qui abandonnent leur chien en refuge ? Existe-t-il un profil type de chien abandonné ? Et quelles sont les raisons données lors d’un abandon ?

Un travail de thèse vétérinaire1 soutenue fin 2021, a répondu à ces questions à travers l’analyse des réponses à un questionnaire, proposé aux personnes abandonnant leur chien dans les refuges de la SPA et de la CNSPA (Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux) entre le 1er janvier et le 15 avril 2021. 204 propriétaires de chiens ont pu être interrogés.

L’analyse de leurs réponses a permis de dresser le portrait-robot du chien abandonné dans les refuges français. Ainsi, il s’agit d’un chien mâle entier, de « race », pesant plus de 25 kg, en bonne santé et âgé de 5 ans en moyenne au moment de l’abandon. Parmi les races prédisposées aux abandons, on retrouve majoritairement des chiens appartenant aux groupes 1 et 2 de la classification de la Société centrale canine à savoir les chiens de berger et de bouvier et les terriers. Les bergers belges malinois et les Jack Russel terriers semblent particulièrement représentés dans les refuges français. Ceci n’est pas étonnant si on considère que ces deux races, dites de « haute énergie », nécessitent beaucoup d’investissement de la part de leurs propriétaires, en particulier lors de leur éducation. En analysant plus précisément le contexte de l’abandon, il s’avère que, parmi les répondants, très peu de personnes avaient eu recours à de l’aide pour l’éducation, des conseils d’éducateurs ou de vétérinaires.

Concernant le profil type de « l’abandonnant », aucune caractéristique particulière n’a pu être retenue.

Pour en simplifier l’analyse, les motifs d’abandon ont été séparés en deux catégories : ceux liés au propriétaire et ceux liés au chien. Dans notre enquête, 60 % des abandonnants ont coché au moins une raison liée à des problèmes personnels les concernant, alors que les raisons liées à des difficultés concernant le chien ne représentaient 45 % des réponses.

Il semble donc que la majorité des abandons serait liée au propriétaire lui-même, les raisons principalement citées étant : le manque de temps (21 %), un déménagement (19 %), le décès du propriétaire de l’animal (15 %), enfin un divorce ou une séparation (12 %).

Concernant les motifs d’abandon liés au chien, ont été évoqués principalement des problèmes de comportements, agressifs ou non. Parmi ceux-ci, on retrouve, par ordre d’importance décroissante, les agressions envers les autres animaux (17 %) au même titre que les aboiements intempestifs (17 %), les plaintes des voisins (15 %), les destructions (13 %), l’agressivité à l’égard des enfants (11 %), la malpropreté (9 %) et l’hyperactivité du chien (9 %) et enfin son comportement qualifié de « trop craintif » (2 %).

Certaines études remarquent que les mâles sont plus enclins à développer des problèmes de comportement, notamment de comportements agressifs à l’égard de leurs congénères2. De même, certaines races sont fréquemment citées comme étant plus à risque de développer des troubles du comportement, comme le Jack Russel terrier3.

Partant de ces constats, des pistes de prévention de l’abandon des chiens peuvent être proposées. S’il est illusoire d’espérer agir sur les raisons liées au propriétaire qui impliquent des dynamiques familiales complexes, il semble important de renforcer le lien affectif existant entre le chien et son propriétaire, ceci dans le but d’éviter les ruptures de tolérance à certains comportements (de type aboiements, malpropreté…) et/ou d’éviter l’apparition de comportements agressifs. En effet, des études anthropologiques ont montré que des comportements gênants liés au chien étaient souvent présents bien avant l’abandon de celui-ci et que l’événement déclenchant était un changement de situation familiale4. Il apparaît donc intéressant de travailler sur la gestion des comportements gênants dès leur apparition pour prévenir l’abandon secondaire à la rupture de tolérance du propriétaire. En cela, le rôle du vétérinaire est essentiel, il est le plus à même de déceler d’éventuels troubles du comportement et de proposer des solutions, comme le recours à l’aide d’un éducateur canin par exemple. Dans tous les cas, approfondir ses connaissances en médecine du comportement permettrait à beaucoup de vétérinaires d’aider plus facilement et directement les familles en difficulté.

Enfin, la mise en place de campagnes de sensibilisation pour une adoption raisonnée et guidée par les conseils des vétérinaires pourrait être envisagée. En effet, certaines races semblant prédisposées à l’abandon pourraient ne pas être un bon choix pour un propriétaire primo adoptant. Il serait donc important de sensibiliser en amont le public à bien choisir son chien en fonction de ses capacités propres, de son environnement familial et non pas sur des critères de beauté. Une loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale a été promulguée le 30 novembre 2021, et l’idée d’un « certificat de connaissances » portant sur les besoins et comportements des différents animaux de compagnie à acquérir, y est mentionnée. Ce certificat serait obligatoire pour adopter un animal de compagnie avec l’objectif de s’assurer que les futurs propriétaires connaissent les responsabilités engagées lors de l’adoption d’un animal. Reste à espérer que, grâce à cette loi et à l’investissement continu des vétérinaires, des associations et des éducateurs canins, le nombre de chiens abandonnés en France diminuera.

  • 1. Barnabé M. Enquête sur les causes d’abandon des chiens en refuge. [s.l.] : Faculté de médecine de Nantes, 2021. 117 p.
  • 2. Borchelt P. L. « Aggressive behavior of dogs kept as companion animals : Classification and influence of sex, reproductive status and breed ». Appl. Anim. Ethol. 1 mars 1983. Vol. 10, n°1‑2, p. 45‑61. https://doi.org/10.1016/0304-3762 (83) 90111-6
  • 3. Casey R. A., Loftus B., Bolster C., Richards G. J., Blackwell E. J. « Inter-dog aggression in a UK owner survey : prevalence, co-occurrence in different contexts and risk factors ». Vet. Rec. 1 février 2013. Vol. 172, n°5, p. 127‑127. https://doi.org/10.1136/VR.100997
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