Approches thérapeutiques de l’infertilité de la vache laitière - La Semaine Vétérinaire n° 1941 du 22/04/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1941 du 22/04/2022

Conférence

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article rédigé d’après la conférence en ligne donnée par Sylvie Chastant, enseignante-chercheuse en reproduction à l’École vétérinaire de Toulouse le 25 mars 2022 (réseau Vétoccitan).

L’infertilité, qui désigne des troubles de fertilité au-delà de trois inséminations artificielles (IA), se retrouve chez 25 % des prim’holstein et chez 11 % des blondes d’Aquitaine en Occitanie1. En général, les vétérinaires sont assez démunis face aux demandes des éleveurs à ce sujet. Or, comme l’a indiqué la Pre Sylvie Chastant, plusieurs pistes peuvent alors être explorées pour en comprendre la cause.

Tout d’abord, le vétérinaire peut rechercher la présence d’une inflammation non génitale, actuellement présente ou antérieure. En effet, des équipes de chercheurs ont montré que les performances de reproduction des vaches diminuent en cas d’inflammation d’un organe. Ce phénomène s’explique par le fait que les cytokines libérées lors de la réaction inflammatoire affectent la qualité de l’ovocyte au cours de la folliculogenèse ; arrivé à ovulation, l’ovocyte est non fécondable ou ne permet pas le développement embryonnaire. L’inflammation a ainsi un effet retard d’environ deux mois. De même, des foyers inflammatoires peuvent persister pendant quatre mois dans la paroi utérine. Un autre facteur qui peut expliquer les échecs de reproduction est l’inflammation génitale. « Même si l’absence d’endométrite clinique peut être diagnostiquée (glaires vaginales transparentes), une endométrite subclinique est difficilement détectable (frottis cellulaire du corps et du col utérins à plus forte proportion de neutrophiles) » a indiqué la Pre Chastant. Le diagnostic est rendu complexe par l’hétérogénéité de l’inflammation au sein de l’appareil génital2, 3 : malgré un frottis négatif dans le col utérin, un quart des vaches présente quand même un foyer inflammatoire ailleurs dans le corps ou dans une corne utérine. Par ailleurs, si l’on réalise deux frottis (corps et col utérin), il reste 17 % des vaches qui présentent un autre site d’inflammation dans une des deux cornes. Enfin, l’oviducte mériterait d’être exploré chez la vache, car il est à l’origine de nombreux cas d’infertilité dans d’autres espèces, comme chez l’homme. À cet égard, les travaux de Owhor (2019)4 ont permis de détecter des salpingites à l’abattoir (prévalence inconnue) et sur 145 salpingites diagnostiquées, 100 % des vaches présentaient une endométrite.

« De façon plus pratique on peut s’intéresser aux délais entre l’insémination artificielle et l’ovulation » a ajouté la Pre Chastant. Les chaleurs commencent normalement 27 heures avant l’ovulation, la période optimale pour pratiquer l’IA se situe donc entre 24 heures et 4 heures avant l’ovulation, sachant que les spermatozoïdes vont rester fécondants pendant 24 heures. Néanmoins, en particulier chez les prim’holstein, la physiologie de la reproduction a tendance à se modifier et les chercheurs constatent que les vaches sont de plus en plus nombreuses à ovuler tardivement par rapport aux chaleurs, soit jusqu’à plus de 60 heures après le début des chaleurs. Par conséquent, ces vaches sont souvent inséminées beaucoup trop tôt. Pour résoudre ce problème, le vétérinaire pourrait s’inspirer des techniques utilisées en équine en réalisant une échographie des ovaires sur les vaches en chaleur ou en déterminant le moment de l’ovulation par dosage du taux d'hormone lutéinisante avec le test Predi bov (Repropharm). Toutefois, ces examens sont coûteux. Par conséquent, il est recommandé, selon elle, pour les vaches vues en chaleur ou pour celles dont la présence d’un follicule préovulatoire a été confirmée, d’injecter de l'hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires (GnRH) pour déclencher l’ovulation puis réaliser ensuite l’IA idéalement 12 à 18 heures plus tard, car l’ovulation a lieu 24 à 30 heures après l’injection.

Quelques précisions sur le protocole

Sylvie Chastant

Enseignante-chercheuse en reproduction (ENVT)

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Est-ce que les protocoles d’induction de l’ovulation (GnRH puis IA) et de reconnaissance maternelle de l’embryon (IA puis hCG à J + 5) peuvent être combinés ?

Même si aucune étude n’a permis de déterminer si les deux techniques associées permettaient d’obtenir de meilleurs résultats, je pense que l’on peut combiner les deux. Néanmoins, l’administration de GnRH pour induire l’ovulation permet indirectement la formation d’un corps jaune « de qualité » car correctement lutéinisé. Donc il remplace sans doute partiellement l’hCG (gonadotropine chorionique).

Comment savoir si l’on est face à une inflammation intra-utérine, à un problème de délai d’ovulation, ou à un défaut de reconnaissance maternelle ?

On ne sait pas et on fait essentiellement dans le traitement probabiliste sans diagnostic de certitude. Le frottis endométrial pour l’inflammation utérine (cytobrosse) peut être réalisé car il n’est pas cher et il permet de compter les neutrophiles par rapport aux cellules épithéliales endométriales. En revanche, pour la reconnaissance maternelle de la gestation, les connaissances actuelles ne permettent pas de la diagnostiquer. Quant au délai long avant ovulation, il pourrait être mis en évidence par des échographies répétées, peu compatibles avec la pratique bovine.

  • 2 Larroque E, Lucas M.-N., Geffre N, Mila H, Mouton L, Corbière F, Chastant S. Evaluation of the homogeneity of inflammation within the genital tract in cows. 1st ECAR (European College of Animal Reproduction) symposium, 4-5 juillet 2019, Université de Vienne, Autriche. Page 61.
  • 3 LARROQUE, E. 2014. Comparaison des données cytologiques et histologiques pour le diagnostic de l’endométrite chez la vache. Thèse de doctorat ENVT
  • Salpingitis impairs tubal function and sperm-oviduct interaction
    Owhor et al Scientific Reports 2019 9 : 10893.

    (en accès libre à l’adresse)
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