Une décision intéressante quant à la mise en cause du vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1940 du 15/04/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1940 du 15/04/2022

Jurisprudence

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par maître Céline Peccavy

Cette jurisprudence apporte un éclairage sur de la vente d’un chien dans le cas où les dispositions spécifiques n’imposent pas de dépistage génétique…

Le 25 mars 2017, Mme V., dont l’élevage se situe en Seine-et-Marne (77), a cédé aux époux A., résidant à 50 km au nord de Limoges, un chiot de race cavalier king Charles nommé Noucky pour une destination de compagnie. Le prix est fixé à 950 euros. La particularité de cette vente, qui va ressurgir lors de la procédure judiciaire, est que les époux A. n’ont pas du tout géré l’achat, hormis le paiement. C’est leur fille, habitant dans le 77, qui a effectué la réservation et viendra prendre possession du chiot.

Premier examen vétérinaire. Respectant ses obligations légales (L214-8 du code rural), Mme V. a fait examiner le chiot avant sa délivrance. Dans ce cadre, le docteur D. atteste, le 24 février 2017, que tout est normal et que le chien présente juste une petite hernie ombilicale.

Soucis du chiot. En septembre 2018, Noucky se verra diagnostiquer une microphtalmie gauche associée à une cataracte bilatérale. S’ensuivront plusieurs interventions chirurgicales réalisées par un spécialiste en ophtalmologie exerçant dans le 77.

Double saisine de la justice. Les époux A. rendent responsables des soucis de leur chien non seulement l’éleveur mais aussi le vétérinaire qui a examiné le chiot avant sa cession. Ils saisissent le tribunal judiciaire de Melun le 1er août 2019 à l’encontre des deux.

Fondements judiciaires et demandes. L’action ayant été introduite plus de deux années après la cession du chien, la garantie de conformité n’a plus cours. Il n’y a pas non plus de garantie des vices cachés, dans la mesure où l’acte de cession l’avait écartée. Cela n’a pas pour autant découragé les époux A. S’appuyant sur une attestation du spécialiste ayant opéré le chien, ils soutiennent que les défendeurs ont commis une faute dans la mesure où l’examen ophtalmologique nécessaire lors de la vente d’un chien de race aurait dû permettre de mettre en évidence ce vice caché pour le futur propriétaire. Ils ajoutent que, quand bien même les parents de Noucky seraient cliniquement indemnes de maladies, l’élevage aurait dû les informer quant au risque particulièrement important, selon eux, de cataracte. Ces certitudes vont aboutir à des demandes indemnitaires notables : 6 190,84 € au titre des frais vétérinaires et 2 850 € au titre des frais de déplacement pour faire soigner le chien. En effet, les époux A., qui habitent donc dans la région de Limoges, ont choisi de faire suivre et opérer leur chien en région parisienne (toujours dans le 77). Il en est résulté neuf déplacements et plus de 7 000 Km. Pour eux, ces frais devraient à l’évidence leur être remboursés.

Défense de l’éleveur et du vétérinaire. Les deux défenses se rejoignent et concluent toutes deux au fait que le code rural n’impose nullement au praticien d’effectuer un examen approfondi. L’éleveur va par ailleurs rappeler que les deux parents de Noucky sont indemnes de toute pathologie oculaire et qu’il n’existe pas, à ce jour, de test génétique pour la cataracte chez le cavalier king Charles. Il lui était donc impossible, en faisant reproduire deux chiens cliniquement indemnes, de savoir que certains chiots pourraient être atteints.

Se fondant sur les textes relatifs à l’obligation d’information, mais aussi sur l’article D214-32-2 du code rural qui détaille l’examen vétérinaire avant vente, le tribunal va ainsi juger que « ces dispositions spécifiques n’imposent pas de dépistage génétique de l’animal et n’exigent pas que soit portée à la connaissance de l’acheteur l’existence d’un risque d’expression d’un gène présent hypothétiquement chez l’animal ». Le couple A. a donc été totalement débouté de ses demandes.

  • Source : commentaire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun le 27 janvier 2022.
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