Rencontres syndicales
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Marine Neveux
Le SNVEL (Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral) a renoué avec le présentiel pour ses universités de printemps qui se sont déroulées les 7 et 8 avril 2022 à l’École nationale vétérinaire de Nantes-Oniris. Le sujet de l’indépendance vétérinaire était l’un des thèmes phares de ces journées.
Laurence Deflesselle, directrice générale d’Oniris, a accueilli les journées syndicales, pour la première fois sur le campus d’une ENVF. Ces dernières ont rassemblé des vétérinaires praticiens mais également des étudiants des quatre écoles. Pour Laurent Perrin, président du SNVEL, cela exprime « la volonté de rapprocher les futurs professionnels ».
Au cours de ces deux journées, les sujets étaient en effet tournés vers les réflexions et problématiques qui engagent aussi bien les vétérinaires en exercice que les étudiants : recrutement, maillage vétérinaire, enjeux sociétaux de la profession, etc.
Des ateliers interactifs ont permis d’être source de propositions et de projets d’actions. En outre, bien des facettes de la profession ont été abordées, sous des formats variés, lors de ces deux journées, en témoignent entre autres les interventions de Luc Mounier et Marc Gogny autour du sujet « Adapter l’offre professionnelle aux jeunes diplômés ou modifier la sélection à l’entrée des écoles ? », ou encore les conférences de nos confrères Timothée Audouin et Pierre Mathevet sur l’attractivité et le recrutement, l’évolution de l’image du vétérinaire par Emmanuel Thebaud, la relation homme-animal sous l’éclairage de Christophe Blanchard, sociologue, le nouveau règlement vétérinaire et les questions associés débattues avec David Quint, etc.
La première journée s’est ouverte sur le sujet d’actualité de l’indépendance vétérinaire, alors que la profession connaît un processus de consolidation très marqué depuis quelques mois.
Notre consœur Françoise Bussiéras, praticienne dans les Pyrénées-Atlantiques et vice-présidente du SNVEL, a présenté le travail réalisé au syndicat sur l’indépendance, avec un premier rapport issu de la réflexion d’experts, puis une deuxième étape s’appuyant sur une enquête réalisée auprès des vétérinaires fin 2021. Mille huit praticiens ont répondu à l’enquête (analyse complète dans un prochain numéro de La Semaine vétérinaire).
« La consolidation est un phénomène récent », rappelle Philippe Baralon, gérant de Phylum. Elle progresse depuis 1994 aux États-Unis, depuis 1999 en Angleterre. En France, elle a commencé en 2010, mais le démarrage a été lent. 2018 a été marquée par l’arrivée d’AniCura et IVC Evidensia, « mais c’est à partir de 2020 que le phénomène s’est accéléré, et cela a concerné aussi bien les groupes français qu’internationaux » constate notre confrère. À ce jour, « on compte environ 2600 vétérinaires qui travaillent dans des groupes en France ». Parmi ceux-là, « 33 % travaillent chez IVC Evidensia, 12 % chez Mon Véto, 10 % chez AniCura, une dizaine d’autres groupes représentent 45 % ». Si l’évolution de la consolidation des ESV (établissements de soins vétérinaires) poursuit sa tendance en France en canine, « on projette à 50 % en 2025 les ESV appartenant à des groupes ».
Philippe Baralon note les différences entre les groupes, tous ne s’intéressant pas aux mêmes secteurs d’activité (canine, rurale, filières, etc.). En outre, certains sont restés à 100 % vétérinaires quand d’autres ont vu l’arrivée de fonds privés, d’industriels, d’investisseurs. « Aujourd’hui, tous les fonds sont intéressés par la santé animale ».
Les facteurs de succès de la consolidation sont un effet patrimonial important pour les personnes qui cèdent leur entreprise, « c’est l’élément déclencheur : la possibilité patrimoniale offerte aux vétérinaires qui ont l’option de vendre ». En outre, aujourd’hui, « les groupes ont compris qu’il fallait s’intéresser aux jeunes et mettre beaucoup de soins à leur intégration, leur formation et leur possibilité d’évolution », poursuit-il.
« Aujourd’hui, sommes-nous obligés de travailler en groupe ? » : c’est la question posée lors de la table ronde ouvrant les universités de printemps. « On peut faire ce que l’on souhaite, on a une grande palette de choix. Je ne voudrais pas que l’on retienne que les gens qui vont vers un groupe ne sont que ceux à l’agonie ! , tempère Philippe Baralon. On dispose de plein d’options ». « Pour les indépendants, un sujet majeur, est d’être capable de s’assurer de la liquidité des titres : c’est-à-dire qu’à tout moment, quelqu’un doit avoir la liberté de sortir. Il faut s’en occuper, anticiper, mettre en place des dispositifs pour le faire. Si on est attaché à son indépendance, il faut s’intéresser à cela pour pouvoir la maintenir. Si c’est un choix de rejoindre le groupe c’est très bien, mais si c’est un non-choix, c’est vraiment dommage. Il faut donc pouvoir s’organiser. »
Christophe Hugnet, président fondateur du Ssevif (Syndicat des structures et établissements vétérinaires indépendants de France) renchérit : « Les indépendants ne sont pas des gens isolés. Ils ont un modèle économique qui perdure. On peut travailler en grappe, en réseaux, etc. en étant indépendant, avec des fonctions supports externalisées », et explique : « Nous avons créé un syndicat indépendant pour ne pas faire croire aux étudiants qu’il n’y avait pas d’autres possibilités ».
« L’important est de faire un choix éclairé, et d’éviter que ce soit un non-choix, estime Laurent Perrin. Il faut savoir se faire conseiller en restant maître des choses ». Pour préserver l’indépendance, le président du SNVEL, estime que « quelle que soit la structure dans laquelle le vétérinaire exerce, il doit conserver la possibilité de donner un choix éclairé à son client ».
« Quand on parle d’indépendance, on parle de liberté de choix, déclare Laurent Faget, gérant de VPLUS. Par exemple, je peux constater que mon activité rurale est déficitaire, mais je peux faire le choix de la conserver ». Selon lui, « le fait de rentrer dans un groupe doit nous éclairer sur le choix que l’on fait. Je porte la responsabilité morale et éthique de mes choix, le principe de responsabilité que j’ai envers le client, la société, etc. […] Je veux garder ce principe d’initiative et de jouissance, il doit peser dans la balance des choix que l’on est amené à faire. »
Vincent Parez, directeur général de VetPartners, estime que « tous les modèles sont bons. Le gros bénéfice est que l’on peut choisir tous les modèles qui nous conviennent ».
« Il y a plusieurs types d’indépendance, il n’est reste pas moins qu’il y a un corpus de lois et de réglementations commun à tous les vétérinaires qui doit s’appliquer à tous de la même manière », ajoute Christophe Hugnet. Le président du Ssevif lance un message fort aux étudiants : « Qu’ils aient confiance en l’avenir de la profession ! On a une garantie d’une croissance sur les 10 années à venir, donc il n’y a pas d’inquiétude sur l’avenir de la profession. Vous avez le choix professionnel du mode d’exercice. Indépendant ne veut pas dire isolé, c’est vraiment important. »
« Choisissez le modèle d’exercice qui vous plaît le plus, conclut Philippe Baralon. On est dans un cadre réglementaire commun à tous les vétérinaires, il faut qu’on arrive à le définir ». Et d’ajouter : « Il y a de l’avenir, il y a du travail ! »
« Vous avez énormément de possibilités que nous, nous n’avions pas forcément, note Laurent Faget. Votre indépendance aura peut-être un certain coût. Mais votre libre arbitre ne se monnaie pas ! ».
« En premier lieu, ayez confiance en vous, ajoute Laurent Perrin auprès des jeunes vétérinaires et des étudiants, prenez soin de vos clients et de ce lien de confiance ». Au SNVEL, « on a fait le choix de ne pas faire le choix, mais de laisser aux vétérinaires la possibilité de faire leur choix éclairé. Le SNVEL est au service de tous les vétérinaires en évitant tout ce qui est scission, ostracisme ou division ».
Valoriser les vétérinaires, et veiller à leur bien-être
En conclusion de ces deux journées, Laurent Perrin a mis en avant l’image positive que chaque vétérinaire a auprès de sa clientèle, et qui doit rejaillir collectivement sur toute la profession. Porter haut les couleurs d’une profession qui assure un service 24 h/24, 7 j/7 auprès du grand public. « Il faut aussi valoriser le vétérinaire qui investit de son temps et de son argent pour assurer avec qualité son métier », poursuit le président du SNVEL. Les vétérinaires ont répondu présent lors de la crise du Covid, ils sont engagés dans la médecine solidaire. « Le vétérinaire est aussi un acteur du territoire, une source d’emploi, il fait partie de l’attractivité du territoire ».
Jacques Guérin, président du CNOV, intervenant aux côtés de Laurent Perrin en clôture, est préoccupé par « le bien-être du professionnel, sujet qui n’a pas été intégré par nos pouvoirs publics ». Poursuivant notamment des réunions avec nos confrères et consœurs confrontés de plein fouet par la crise sanitaire de l’influenza aviaire, il constate la nécessité de veiller au bien-être des praticiens : « C’est un sujet à porter. Il faut aussi que l’on s’occupe de notre bien-être à nous ». Des travaux sont en cours avec des spécialistes du burn out, l’association Vétos-Entraide : « Il y a un enjeu de mal-être dans les équipes, d’arrêt de carrière que nous portons devant la représentation politique ».
L’Ordre vient de sortir un rapport sur l’indépendance professionnelle*. « Il est temps que nous mettions en commun nos travaux ». Ces travaux sur l’indépendance professionnelle sont en train de se tenir sur les 16 professions réglementées. « Nous allons avoir la production d’une ordonnance rapidement, détaille Jacques Guérin. Il y a un vrai sujet qui embarque l’ensemble des professions réglementées. La question de la financiarisation des professions est aussi réelle chez les biologistes, les cabinets d’ophtalmologie, d’imagerie, etc. […] Cette modalité d’exercice doit s’installer dans le respect des règles et du cadre législatif ». Et de rappeler que l’Ordre n’est pas créateur de droit, mais est là pour dire si le droit est respecté.
Autre sujet de préoccupation du président de l’Ordre : celui de « l’accès aux soins pour tous les animaux, pour tous, dans toutes les régions, en situation d’urgence ou de crise sanitaire ». Derrière cette idée de garantir les soins, « il faut dire ce que l’on met, l’ambition que l’on donne à la nation. Savoir financer un réseau d’épidémiosurveillance pour faire cette veille. Identifier ce que l’on met derrière les termes accès aux soins, que sommes-nous prêts à donner ? Quel équilibre entre notre vie professionnelle et professionnelle ? » Derrière « il y a un besoin de diplômes » et de disponibilité auquel « il faut répondre collectivement car individuellement, on n’y arrivera pas », conclut Jacques Guérin.