Une nouvelle technique chirurgicale pour les chiens brachycéphales - La Semaine Vétérinaire n° 1939 du 08/04/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1939 du 08/04/2022

Syndrome brachycéphale

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Cyrill Poncet, responsable du service de chirurgie, fait le point sur une approche chirurgicale développée récemment au centre hospitalier vétérinaire de Frégis, à Arcueil.

La nouvelle technique1 de pharyngoplastie en H permet une meilleure récupération de l’animal, avec moins de complications en postopératoire. Elle est à envisager en première intention et le plus précocement possible, explique Cyrill Poncet, vétérinaire spécialiste en chirurgie à Frégis (Arcueil) qui a participé à son élaboration.

Pouvez-vous nous décrire cette nouvelle chirurgie du syndrome obstructif respiratoire des races brachycéphales ? Quelles différences avec les techniques existantes ?

Cette technique va plus loin que les précédentes dans la résection tissulaire, afin de désobstruer davantage la région pharyngée. Elle consiste à retirer une plus grande longueur et plus d’épaisseur du voile du palais de l’animal. Cette extension de la palatoplastie est combinée avec une amygdalectomie bilatérale. Les sutures sont faites afin de limiter les tensions au niveau de la zone. Cette chirurgie correctrice est, de plus, réalisée au laser permettant de réduire saignements et inflammation du site chirurgical, par rapport aux techniques classiques. La pharyngoplastie est associée à une rhinoplastie de type ala-vestibuloplastie (résection des cartilages alaires et plastie du vestibule nasal). Cette nouvelle technique est innovante car on remodèle complètement le fond de la gorge pour faciliter encore davantage le passage de l’air.

Les animaux opérés suivent un protocole anesthésique spécifique : prémédication avec des prokinétiques, des antiacides et des anti-inflammatoires, suivie d’une anesthésie par induction au propofol et relais avec une anesthésie volatile. Le réveil se fait sous surveillance continue jusqu’au lendemain de la chirurgie, avec une poursuite du traitement médical et une alimentation spécifique.

Vous avez publié une étude rétrospective de grande envergure à ce sujet. Quels en sont les principaux résultats ?

Notre objectif était de montrer le bénéfice à long terme de cette technique d’un point de vue clinique, et pas uniquement sur la base de l’imagerie médicale. Avec une cohorte de 423 chiens inclus dans l’étude, et une médiane de suivi de 36 mois (12-91 mois, période 2011-2017), il s’agit de la plus grande étude internationale sur le sujet. Il ressort d’abord un faible taux de mortalité ainsi qu’un nombre réduit de complications, par rapport aux techniques existantes. Aucun chien n’est mort en peropératoire. Le taux de mortalité sur le court terme était de 2,6 % (11/423). Vingt-deux chiens sont morts sur le long terme mais seuls 3 décès avaient un lien avec le syndrome brachycéphale.

Des complications ont été observées dans 12,1 % des cas (51 chiens). Parmi les complications majeures, il y a eu des détresses respiratoires (2,1 %), des pneumonies par fausse déglutition (0,5 %) et des signes de coup de chaleur (0,5 %). Un seul chien a nécessité une trachéostomie temporaire. Parmi les complications moins graves ont été rapportés des vomissements (6,1 %), des régurgitations (3,8 %) et des écoulements nasaux (1,9 %). Neuf chiens ont eu besoin d’être hospitalisés de nouveau pour une administration de médicaments par voie intraveineuse, pour la plupart à la suite de vomissements sur la phase postopératoire.

Au global, les chiens opérés ont vite récupéré, avec une médiane d’hospitalisation de 24 heures (12 heures à 9 jours). Pour 72,6 % d’entre eux (244/336) a été constatée une amélioration statistique des signes respiratoires et pour 34,1 % une amélioration des signes digestifs. Aucun chien n’a eu besoin d’une reprise chirurgicale, alors même que 7,6 % (32) d’entre eux avaient déjà subi une première intervention chirurgicale avant la nôtre et qui n’a pas été efficace (réponse partielle ou rechute). La grande majorité des propriétaires étaient satisfaits et seraient prêts à recommander cette chirurgie (97 %).

En résumé, avec cette technique, on peut dire que les animaux sont mieux et pour longtemps, ce qui montre bien l’intérêt de désobstruer le plus largement possible la région pharyngée.

Avez-vous identifié des facteurs de risque ?

Seul l’âge était significativement associé à une augmentation du risque de décès. Contrairement à de précédentes études, le sexe, la race, le poids et le grade préopératoire ne sont pas ressortis comme des facteurs de risque. Cela pourrait s’expliquer tant par l’optimisation de la désobstruction en région nasale et pharyngée que par l’utilisation du laser, permettant une bonne récupération des cas les plus sévères.

Suite à cette étude, quelles recommandations peut-on faire pour la prise en charge du syndrome brachycéphale ?

Cette étude montre bien que l’amélioration de l’état de santé des animaux va de pair avec une désobstruction large de la région pharyngée. Même si cette technique est complexe par rapport aux techniques classiques, elle est à envisager en première intention et le plus tôt possible dès l’apparition des premiers signes cliniques. Nous la proposons dès 7 mois d’âge. Sensibiliser les propriétaires de chiens brachycéphales sur cette question est essentiel, d’autant que de nombreuses informations erronées circulent sur les réseaux sociaux. N’oublions pas qu’à force d’être en hypoxie chronique, ces chiens ont plus de chance de développer une insuffisance cardiaque. L’élément déclencheur d’une prise en charge chirurgicale n’est pas le ronflement mais bien l’intolérance à l’effort et à la chaleur, voire des épisodes de détresse respiratoire suite à un stress. Pour les troubles digestifs, s’ils ne sont pas marqués, la désobstruction des voies respiratoires permettra de les résoudre, en association avec un traitement médicamenteux transitoire en postopératoire. À Frégis, l’intervention chirurgicale est couplée à une exploration endoscopique uniquement en cas de symptomatologie digestive marquée, pour adapter le traitement médicamenteux si besoin.

Une amélioration des techniques

Il s’agit déjà de la 3e technique chirurgicale décrite en 20 ans par l’équipe de Frégis. La première technique, la Folded flap palatoplasty, consistait à désépaissir davantage le voile du palais dans sa partie oropharyngée par rapport à la palatoplastie conventionnelle qui ne faisait que le raccourcir. Avec la deuxième technique, Extended palatoplasty, la palatoplastie était plus étendue en longueur et en épaisseur. La pharyngoplastie en H optimise désormais la désosbtruction sur l’ensemble de la région pharyngée.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr