LES ÉLEVEURS D’UKRAINE APPELLENT À L’AIDE - La Semaine Vétérinaire n° 1938 du 29/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1938 du 29/03/2022

SOLIDARITÉ

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD

Le gouvernement ukrainien lance un appel à l’aide à la profession vétérinaire pour aider à la survie du bétail. Et quelques nouvelles nous parviennent aussi en provenance de l’Université nationale agraire de Bila Tserkva (BTNAU), qui forme des agronomes et des vétérinaires.

L’image a fait le tour du monde : celle d’un agriculteur ukrainien traînant avec son tracteur un tank russe abandonné… Commentaire du ministère de la Politique agraire et de la Sécurité alimentaire en Ukraine : « L’agriculture de notre pays est dans une grande souffrance car, alors qu’il est grand temps de semer, les fermiers doivent à la place défendre leurs maisons. Ils manquent de diesel, de graines, d’engrais, de nourriture pour le bétail, d’outils agricoles, de pièces détachées… Si la saison d’ensemencement est catastrophique, cela provoquera en cascade des famines dans les pays pauvres du monde entier ».

Jointe le 25 mars par notre rédaction, Anna Bondarchuk, représentante de l’Association des producteurs de lait, confirme ce triste état de fait. Et d’ajouter : « Nous regroupons 1 100 producteurs de lait en Ukraine. Nombre d’entre eux sont localisés dans les régions temporairement occupées. Ils n’ont plus de logistique suffisante pour pouvoir commercialiser leur lait et ils le donnent gratuitement à la population civile. L’autre gros souci, c’est qu’ils sont aussi en train de manquer de nourriture et de produits vétérinaires pour leur bétail ». Les éleveurs de porcs sont confrontés aux mêmes problèmes qui – s’ils persistent – conduiront fatalement à la réduction des troupeaux vivants…

C’est pourquoi le gouvernement ukrainien lance un appel aux dons pour la période des trois mois à venir, avec une page spécifique dédiée qui détaille précisément leurs besoins, y compris en produits vétérinaires*. « Nous lançons un appel à l’aide dans ce sens à l’attention des associations de producteurs de lait et de bétail, également à la profession vétérinaire française », ajoute Anna Bondarchuk. « Leurs dons pourront être déchargés à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine dans l’un de nos centres stratégiques de distribution ou directement dans nos camions, explique-t-elle. Les donateurs doivent nous indiquer la liste des biens convoyés afin que nous en calculions le coût logistique et la valeur. Nos hommes de loi nous aident constamment à traiter tout l’aspect administratif et les permis pour ces cargaisons de dons humanitaires, que nous nous chargeons ensuite de transporter dans toute l’Ukraine. Mais il est temps d’agir, si l’on veut éviter une catastrophe dans le monde de l’élevage, puis fatalement, à terme, un manque de nourriture pour notre population… ».

Entretien

Questions à Mireille Bossy

Directrice générale de VetAgro Sup

1.Photo.Mireille_BOSSY_CreditVetAgroSup.jpg

VetAgro Sup se mobilise en faveur de l’Université nationale agraire de Bila Tserkva, avec laquelle l’établissement français entretient des relations depuis le début des années 2000.

Pourquoi aidez-vous à l’accueil de réfugiés ukrainiens ?

Nos équipes de VetAgro Sup ont souhaité accueillir des scientifiques, enseignants-chercheurs de BTNAU, qui ont manifesté le souhait de nous rejoindre. À ce jour, aucun étudiant de nationalité ukrainienne ne nous a sollicités… Nous avons donc travaillé avec la municipalité de Marcy-l’Étoile et son maire, Loïc Commun, vétérinaire de formation à Lyon (ENVL) qui fut enseignant-chercheur, pour trouver des familles d’accueil. Notre communauté s’est également beaucoup mobilisée pour apporter son soutien et de l’hébergement.

Qui est venu jusqu’à présent ?

Le 18 mars, une famille marcilloise a accueilli une première réfugiée ukrainienne, Natalia, vétérinaire et chercheuse spécialisée en microbiologie, immunologie et biochimie. Deux autres accueils ont ensuité eu lieu : une enseignante-chercheuse (microbiologie, immunologie, maladies infectieuses) et sa fille. Un état des lieux est en cours afin d’identifier les unités susceptibles d’accueillir ces experts sur les deux campus de VetAgro Sup.

Quelles autres actions menez-vous ?

Depuis le 10 mars, nous avons ouvert une collecte destinée aux personnels et aux étudiants de l’université BTNAU, et à leurs familles. Une aide supplémentaire pourra être organisée afin de fournir des vêtements ou autres produits de première nécessité. Enfin, l’association étudiante Tonga Soa a organisé le 20 mars dernier, sur le campus, une collecte de croquettes, pâtées, couvertures, plaids, laisses, colliers, caisses de transport, gamelles… Ces produits sont destinés à des animaux de compagnie ukrainiens placés notamment dans des refuges polonais et roumains.

Extrait d’une correspondance d’une enseignante de l’Université nationale agraire de Bila Tserkva (BTNAU) au campus vétérinaire de Lyon.

« Notre ville* est relativement calme, mais ça peut basculer à tout moment »

Nous venons d’avoir une période de couvre-feu étendue, durant un jour et demi. C’est cela à quoi ressemble notre vie désormais : peur et souffrance… Donc, oui, effectivement, je pense à partir. J’ai même déjà préparé une valise. Mais il reste encore quelques points à régler. Car non seulement je suis enseignante à BTNAU, mais je suis aussi la vice-doyenne de la faculté : donc je me sens responsable de notre équipe, qui continue d’y travailler dans des conditions si difficiles. Nos étudiants sont en effet rentrés chez eux, mais quelques enseignants sont encore sur place ici, pour leur assurer autant que possible de l’enseignement en ligne. Nous avons donc un devoir envers la faculté, nous aidons qui nous pouvons… (la clinique vétérinaire est notamment encore ouverte, NDLR). Donc oui, si la situation empire encore, je viendrais en France, où je sais que j’ai des amis qui pourront m’aider. Mais c’est tellement difficile de me concentrer là-dessus maintenant ! Toutes mes pensées se focalisent uniquement sur la guerre en cours…

  • * En savoir plus sur https://vetsforukraine.com puis « Ukrainian Ministries create aid platform ». Puis la liste détaillée, dont les produits vétérinaires, sur le lien : List of specified needs (e.g medicaments and vaccines). Contact : Anna Bondarchuk. Mail : bondarchuk@avm-ua.org Tél : + 380978858929
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