Comment gérer un abandon de poste - La Semaine Vétérinaire n° 1938 du 29/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1938 du 29/03/2022

Management

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Françoise Sigot

Un salarié absent qui ne donne aucune nouvelle : la situation n’est pas fréquente, mais elle peut se présenter et n’est pas des plus faciles à gérer. Assimilable à un abandon de poste, ce cas de figure conduit en général à engager une procédure de licenciement.

S’il est fréquent de se séparer d’un collaborateur dans le cadre d’une rupture conventionnelle, d’une démission voire d’un licenciement, un abandon de poste est, en revanche, une situation plus exceptionnelle. Il est acté lorsque l’employeur constate l’absence d’un salarié et que ce dernier ne lui donne aucune nouvelle, ne répond pas aux appels téléphoniques et ne donne pas suite aux courriers. Parfois, celui-ci répond tout de même aux sollicitations de son employeur, mais il ne réintègre pas pour autant son poste de travail. Il convient de gérer cette situation ubuesque car, sur le papier, l’absent fait pourtant toujours partie de l’équipe.  « La démission ne peut résulter que d’une manifestation non équivoque de la volonté du salarié de quitter son poste. Par conséquent, la jurisprudence refuse de considérer comme démissionnaire le salarié en situation d’abandon de poste », observe maître Xavier Berjot, avocat au barreau de Paris. L’employeur doit également respecter quelques points de procédure qui lui éviteront un litige, malheureusement assez souvent attaché à ce type de situation. En effet, un abandon de poste masque en général un malaise, de nombreux non-dits, voire un véritable conflit entre l’employeur et le collaborateur absent. Des sources de ressentiments et de mal-être qu’il est bien souvent difficile d’inverser, même si le dialogue doit rester la première action à mener pour tenter de sortir d’une telle impasse.

La première chose à entreprendre est de chercher à entrer en contact très vite avec le salarié absent. « Il est conseillé d’appeler le salarié ou les proches de celui-ci, de leur envoyer un email ou un courrier, afin de tenter de connaître le motif de l’absence du salarié », suggère l’avocat. Comme souvent, les traces écrites, qui restent, sont préférables aux paroles, qui s’envolent. Le cas échéant, elles permettront de bien montrer que l’employeur a cherché par plusieurs moyens et à plusieurs reprises à avoir des nouvelles de son employé. « Faute de réponses, il convient d’envoyer au salarié une mise en demeure de reprendre son poste ou de justifier de son absence. Si aucune réponse n’est apportée, il est alors envisageable de le convoquer à un entretien préalable à son éventuel licenciement », explique Me Xavier Berjot. En général, la faute grave est de mise. Agir vite est préférable. « La Cour de cassation a pu juger que l’employeur, ayant engagé une procédure de licenciement plus de 6 semaines après un abandon de poste, ne saurait invoquer une faute grave à l’appui du licenciement. Par ailleurs, aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation considère que l’abandon de poste, qui présente un caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà du délai de 2 mois », rappelle Me Berjot.

Cela étant, en dépit de multiples tentatives de contact, un salarié décidé à abandonner son poste restera absent et dans la majorité des cas, ne donnera aucune nouvelle. Dès lors, certains employeurs se contentent de suspendre leur rémunération, mais seulement le salaire, car même s’il est absent, le salarié ne perd pas son droit aux éléments de rémunération déconnectés de son temps de présence, comme une prime d’intéressement par exemple. Malgré cette suspension, certains employeurs n’engagent pas pour autant de procédure de licenciement à l’encontre du salarié fantôme, en tout cas pas de façon rapide. Ce qui n’est pas sans conséquences. « Cette solution présente plusieurs risques pour l’entreprise. Tout d’abord, comme indiqué ci-dessus, l’employeur ne peut plus procéder valablement au licenciement du salarié plus de 2 mois après son absence. Par ailleurs, si le salarié n’est pas licencié, celui-ci peut reprendre son poste plusieurs mois après son absence, ce qui cause alors une désorganisation importante. En conclusion, il est vivement recommandé de procéder au licenciement du salarié en cas d’abandon de poste », conseille Me Xavier Berjot. Le respect des règles est primordial et le motif de licenciement doit être bien défini, même si maître Berjot est formel : « Le licenciement pour abandon de poste est un licenciement pour faute grave, puisque le salarié manque à son obligation principale consistant à fournir sa prestation de travail », dit-il. Le conseil de prud’hommes peut avoir un avis différent. « Le conseil de prud’hommes est toujours compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute commise par le salarié. Ainsi, dans certains cas, il peut estimer que l’abandon de poste repose seulement sur une faute simple ou, même, qu’il n’est pas fautif. À titre d’exemple, le licenciement pour abandon de poste du salarié n’est pas justifié si celui-ci reproche à l’employeur, avec raison, une modification unilatérale de son contrat de travail », analyse le spécialiste du droit du travail. Cette procédure suit le cheminement d’une procédure classique : lettre, entretien, notification. « Le licenciement pour abandon de poste étant généralement fondé sur une faute grave, le salarié perd son indemnité de licenciement ainsi que son indemnité de préavis », précise l’avocat. Enfin, toujours en lien avec le motif de licenciement, le salarié perd également le droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

Si le salarié fait son retour

En général, un abandon de poste n’est pas le fait du hasard. La plupart du temps, le salarié a anticipé les effets de son comportement et il est prêt à les assumer coûte que coûte. Reste que parfois, certains absents au long cours font marche arrière. Là encore, la situation doit être gérée avec prudence et méthode. « Si le salarié reprend son travail après la mise en demeure de l’employeur ou à l’issue de l’entretien préalable à son éventuel licenciement, le licenciement pour faute grave devient plus fragile. En effet, pour être valable, le motif de licenciement doit toujours exister au jour de la notification du licenciement. La Cour de cassation a ainsi jugé que le salarié qui s’absente sans autorisation ne peut pas être licencié pour faute grave s’il s’est conformé à la demande de l’employeur de réintégrer son poste de travail », indique l’avocat. Dès lors, il appartient à l’employeur de voir s’il poursuit la procédure de licenciement et pour quel motif. Dans ce cas, « la lettre de licenciement doit être adaptée pour tenir compte du fait que le salarié n’est plus en abandon de poste », recommande Me Berjot.

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