Programme sanitaire d’élevage : mode d’emploi - La Semaine Vétérinaire n° 1937 du 22/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1937 du 22/03/2022

Filière apicole

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Gérald Therville-Tondreau, vétérinaire DIE Apiculture et pathologie apicole

D’après une table ronde des Journées vétérinaires apicoles, qui ont eu lieu du 6 au 8 octobre 2021 à Oniris (Nantes), faisant suite aux résultats d’une enquête entreprise par la Société générale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV).

On connaît les programmes sanitaires d’élevage (PSE) en filières d’élevage « classique », un peu moins sans doute en apiculture. Pourtant, ceux-ci sont fréquents1 et font également intervenir des vétérinaires.

Au sens de l’article L. 5143-6 du Code de la santé publique (CSP), un PSE se définit par des interventions qui doivent être réalisées systématiquement dans un but prophylactique sur l’ensemble d’un troupeau, lot ou bande d’animaux, selon un calendrier préétabli en fonction des dominantes pathologiques particulières à chaque type d’élevage.

Dans les filières d’élevage, les groupements agréés par l’autorité administrative (de producteurs, de professionnels agricoles ou de défense sanitaire) ont la possibilité de mettre en place un PSE. Une fois acceptés par l’autorité administrative compétente, ces groupements peuvent alors acquérir et détenir des médicaments qui sont nécessaires à la mise en œuvre du programme. Si ces médicaments font l’objet d’obligations particulières telles que définies dans l’article L5144-1 du CSP (par exemple, s’ils contiennent des substances vénéneuses ou susceptibles d’engendrer des résidus toxiques ou dangereux dans les denrées), ils doivent être notifiés sur une liste dite positive pour être utilisé par le groupement.

Les groupements sont considérés comme des ayants droit dérogataires du médicament vétérinaire dans la mesure où, contrairement aux autres ayants droit, ils ne peuvent distribuer que les médicaments nécessaires à la mise en œuvre de leur(s) PSE et aux adhérents du ou des PSE exclusivement.

En apiculture, la lutte contre varroa est l’unique motif sanitaire de mise en place d’un PSE apicole. Seuls 15 médicaments2 (contenant 6 substances actives différentes) disposent d’une AMM en France. Tous ne sont pas disponibles.

Autre particularité de la filière apicole : le profil des apiculteurs. En France ceux possédant moins de 50 ruches, dits familiaux, sont les plus nombreux, mais l’essentiel des ruches est détenu par les apiculteurs pluriactifs ou professionnels2.

Les PSE apicoles sont soumis aux règles générales de gestion des médicaments vétérinaires (achat, stockage et délivrance) applicables à tous les groupements agréés.

La délivrance des médicaments est conditionnée à des visites régulières de suivi et de surveillance du PSE, sous la responsabilité d’un ou de plusieurs vétérinaires. En filière apicole, ces visites peuvent également être réalisées par un technicien sanitaire apicole (TSA) sous certaines conditions (notamment un conventionnement avec le vétérinaire conseil) ou conjointement par le vétérinaire et le TSA.

La fréquence des visites est réduite par rapport aux autres filières d’élevage. Tous les apiculteurs sont visités sur la période de 5 ans de validité de l’agrément et non tous les ans. Réglementairement, ces visites doivent inclure l’audit complet de l’application du PSE, par le biais notamment de l’examen du registre d’élevage. Elles sont alors dites « documentaires » mais n’interdisent pas, bien sûr, l’examen des animaux. Un rapport est remis à l’adhérent pour valider ou proposer des améliorations, avec une copie archivée chez l’apiculteur. Si c’est le TSA qui fait la visite, son rapport sera d’abord remis au vétérinaire, discuté pour validation et finalisation avant d’être transmis à l’apiculteur.

Le vétérinaire, ou les vétérinaires, en charge du suivi du PSE rédige et signe les ordonnances nécessaires à sa mise en œuvre dans les élevages qu’il visite personnellement et régulièrement. Il est important de comprendre que ce n’est pas l’apiculteur qui choisit les médicaments, mais le praticien qui a établi le plan de lutte. Ce dernier devra décrire la prophylaxie choisie, ainsi que le calendrier de traitement en se basant sur les données scientifiques disponibles et ses propres observations. En apiculture, les médicaments utilisés en France sont exonérés de prescription. L’arrêté du 5 mai 2018 a même exonéré ceux qui n’étaient initialement délivrables que sur ordonnace, à savoir Apivar, Apitraz et Api-Bioxal. Cependant, ils ne sont pas en vente libre puisque leur délivrance ne reste autorisée que par des ayants droit du médicament vétérinaire, dont les groupements agréés.

C’est un vétérinaire, ou un pharmacien, qui est responsable de la gestion et de la sortie des stocks. Il doit faire partie de la direction technique du groupement.

Le stockage

Le vétérinaire, ou le pharmacien, doit contrôler régulièrement chaque local de stockage de médicaments vétérinaires, selon la fréquence prévue par la procédure à raison d’au minimum une visite mensuelle de chaque site. Le local choisi est dédié à l’entreposage des médicaments du PSE, en veillant à ce qu’il soit impossible de les confondre avec d’autres stocks.

La délivrance

Le vétérinaire, ou pharmacien, a la charge d’établir les conditions de délivrance des médicaments et de vérifier la qualité d’adhérents des destinataires. Il est impératif de veiller à ne pas tomber dans un fonctionnement d’officine ouverte. En pratique, il s’agit d’établir les procédures de préparation des commandes, de transport, de livraison et de contrôle de la péremption des médicaments. Des registres d’entrées et de sorties permettent d’en assurer la traçabilité.

Les médicaments vétérinaires sont livrés au détail par une personne mentionnée à l’article L. 5143-2 du CSP au lieu de stockage. Les dérogations (colisage, recours à un intermédiaire, etc.) sont décrites de manière précise dans le CSP.

Le pharmacien ou le(s) vétérinaire(s) travaillant pour le compte du groupement a pour obligation de déclarer au système national de pharmacovigilance vétérinaire tout effet indésirable grave ou inattendu ainsi que toute autre information (dont les problèmes d’efficacité) susceptible d’être imputé à l’utilisation d’un médicament chez l’animal.

Aujourd’hui, le PSE apicole est surtout reconnu pour faciliter l’accès aux traitements contre varroa et en réduire le coût pour les apiculteurs de tout profil. C’est en théorie un outil de gestion préventive qui pourrait être une opportunité pour améliorer la lutte collective contre cet acarien, avec un rôle central du (ou des) vétérinaire(s) conseil. L’examen documentaire du registre répond à la gestion réglementaire du PSE (tenue, méthode, date et durée d’application par les apiculteurs) alors qu’un examen ciblé des colonies avec l’adhérent va permettre d’identifier les bonnes ou les mauvaises pratiques d’utilisation des médicaments, d’attirer l’attention sur le suivi du varroa au travers de l’examen des abeilles et des couvains ou en réalisant des comptages.

Un suivi correct, compris et mis en application par les apiculteurs, aux profils majoritairement familiaux, est la base d’une prophylaxie réussie. Cette visite effective permet aussi d’identifier la survenue éventuelle d’effets indésirables ou de manques d’efficacité de traitements, et d’alimenter la pharmacovigilance. Tout cela implique évidemment un temps de travail plus important et donc un financement anticipé des visites.

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