LES VÉTÉRINAIRES EUROPÉENS UNIS POUR AIDER L’UKRAINE - La Semaine Vétérinaire n° 1935 du 08/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1935 du 08/03/2022

GUERRE

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD

Accueil de réfugiés, envoi de dons… Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les vétérinaires européens s’organisent pour apporter une aide active. Recueil d’initiatives et de témoignages.

« Pourquoi me suis-je inscrite pour accueillir une famille de réfugiés vétérinaires d’Ukraine ? Franchement, je ne me suis même pas posé la question », reconnaît spontanément Claire Filliettaz, praticienne à Bron (Rhône). Et d’ajouter : « En fait, cela m’apparaissait comme une évidence car cette invasion de l’Ukraine est d’une telle injustice… Et puis, j’ai de la place à la maison ». Depuis cette décision, ses deux enfants (14 et 17 ans) sont même hyperpressés d’accueillir les nouveaux venus ! « Ils préféreraient bien sûr recevoir une famille avec des adolescents de leur âge, poursuit Claire Filliettaz en souriant. Mais mon mari et moi, on leur dit qu’il est aussi possible que personne ne vienne, la France n’étant pas en première ligne puisque d’autres pays sont davantage voisins de l’Ukraine. »

Quoi qu’il arrive, deux chambres sont d’ores et déjà disponibles. « Si la Russie envahissait la France, c’est ce que l’on voudrait que d’autres fassent pour nous, commente Claire Filliettaz. Certes, c’est généreux, mais on ne risque pas notre vie, comme ceux qui ont caché des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Et puis, j’ai la chance d’avoir un mari non-vétérinaire, qui travaille, en termes de durée, moins que moi. Cela devrait beaucoup aider ». Elle est aussi rassurée parce qu’elle imagine également que « la culture européenne ukrainienne doit ressembler un peu à la nôtre. Nos hôtes devraient donc se sentir moins déstabilisés que s’ils venaient, par exemple, de Syrie ou d’Irak ».

Dès le 4 mars, le conseil régional de l’Ordre (CRO) de Nouvelle-Aquitaine a repris la collecte des propositions d’hébergement pour les consœurs et confrères ukrainiens dans un formulaire disponible en ligne1. « Quelques jours auparavant, c’est une conseillère du CRO de Nouvelle-Aquitaine, Sabine Arbouille, qui avait commencé cette liste de manière informelle, sur les réseaux sociaux », explique Caroline Dabas, sa consœur ordinale, praticienne à Langon (Gironde). « Sa généreuse initiative spontanée s’est peu à peu structurée, avec notamment l’aide de l’Association centrale vétérinaire et de la FVE, qui doit tout coordonner au niveau européen. Et aussi voir comment on pourrait envoyer là-bas de l’aide, dont de la nourriture pour les animaux » (voir encadrés).

À l’heure où nous imprimions, Caroline Dabas était toujours en attente de Tatiana et son fils de 4 ans. « J’ai eu son contact par une vétérinaire originaire d’Ukraine vivant en France, explique-t-elle. Et ici, à Langon, j’ai de la chance car l’épouse d’un des conseillers municipaux est ukrainienne. Elle pourra par exemple sans doute m’aider pour scolariser l’enfant ». Accueillir une famille d’ASV ou de vétérinaire la met également en confiance car, explique-t-elle, « partout dans le monde, quand on se rencontre, de véto à véto, il se passe quelque chose. On ne devient pas vétérinaire par hasard ». Elle s’engage aussi dans cette action en souvenir de l’exemple donné par son grand-père qui, durant la Seconde Guerre mondiale, faisait passer la ligne de démarcation aux réfugiés…

« Jusqu’à ce 3 mars 2022 [date de son dernier contact avec notre journal, NDLR], la ville d’Odessa a été épargnée par les bombardements. Mais on sent bien que l’étau se resserre autour… Je m’y suis installé avec mon épouse ukrainienne en avril 2010. Et j’y ai ouvert une clinique, après vingt ans de pratique canine à Beauvais.

Ma clinique d’Odessa1 emploie six vétérinaires et assistants. Mais trois jours après le début de l’invasion par Poutine, nous avons dû la fermer, le samedi 26 février. Nous gardons une consultation de 2 à 3 jours sur demande, entre 12 h et 15 h, pour des raisons de sécurité. Nous avons aussi un site, Telegram, pour des consultations en ligne. Et nous avons décidé de verser nos honoraires aux forces armées ukrainiennes…

En ce jeudi 3 mars donc, nous avons encore des médicaments, en petite quantité. Ce qui manque le plus, c’est de la nourriture pour les animaux ! On ne trouve plus de nourriture thérapeutique non plus. Les pet-shops sont vides. Peut-être pourriez-vous nous en faire parvenir, via un acheminement par la Roumanie ou la Moldavie ? Je fais ce que je peux mais les approvisionnements sont arrêtés.

Merci en tout cas pour l’idée de référents français familles d’accueil, ça pourrait effectivement aider de futurs vétérinaires réfugiés… Certaines personnes sont d’ailleurs déjà parties d’Ukraine bien avant l’invasion : l’exode a en fait commencé depuis deux à trois mois, vers des pays tels que la Turquie, la Pologne ou l’Espagne. On le sait, parce que beaucoup de nos clients venaient pour préparer leurs animaux de compagnie pour leur voyage…

Pour le moment, je ne crains pas pour ma vie. Si jamais la situation devenait plus grave, notre valise est prête dans le couloir de notre appartement. »

Un portail web européen mis en place

En Autriche, en Belgique, en Estonie, en France, en Grèce, en Irlande, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie ou encore en Slovaquie, des praticiens vétérinaires ont très rapidement donné leurs coordonnées pour apporter de l’aide aux vétérinaires réfugiés ukrainiens et à leurs familles. Avec le soutien de plusieurs autres organisations, la Fédération vétérinaire européenne (FVE) a donc créé un remarquable portail web européen1 visant à répertorier, à coordonner et à informer la profession via plusieurs rubriques, dont « Vétérinaires accueillant des vétérinaires et des familles » (avec une liste d’associations, d’universités et de vétérinaires coordinateurs par pays). La rubrique « Vétérinaires pour animaux » regroupe les conditions d’importation connues, par pays, pour les animaux de compagnie, le bétail, les animaux de zoo et les chevaux. Divers sites ou points de contact sont mentionnés dans « Je veux aider/faire un don ».

1. Mine d’informations à consulter sur https://vetsforukraine.com. Pour cause de guerre, ces informations sont collectées mais non totalement vérifiées. Pour en ajouter ou signaler une erreur, écrire à info@fve.org

Mort d’une jeune Ukrainienne, partie nourrir un refuge

Plusieurs médias rapportent la mort, vendredi 4 mars, d’une jeune volontaire ukrainienne, Anastasia Yalanskaya, qui était partie nourrir des animaux laissés depuis trois jours sans nourriture dans un refuge à Bucha, à l’extérieur de Kiev. Elle aurait été fusillée à bout portant dans sa voiture par l’armée russe. La rédaction de Newsweek a essayé de vérifier l’information auprès des Russes, pour l’heure sans résultat.

  • 1. Site internet de la clinique d’Odessa à consulter sur vetfrance.com
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr