Prise en charge d’une occlusion digestive chez une lapine - La Semaine Vétérinaire n° 1934 du 01/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1934 du 01/03/2022

Médecine des Nac

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Camille Clergeau, vétérinaire assistante dans l’équipe Faunevet du CHV Atlantia, à Nantes.

Anamnèse et commémoratifs

Une lapine stérilisée de 5 ans est référée en urgence pour anorexie, abattement, position d’inconfort et signes de coliques évoluant depuis la veille. Elle vit en semi-liberté dans une maison. Elle mange habituellement du foin à volonté, une poignée de granulés matin et soir et de la verdure (céleri branche, fenouil, fanes de carottes, etc.). Depuis quelques semaines, elle présente une mue importante.

La consultation par le vétérinaire traitant le matin même a mis en évidence une dilatation gastrique et une hypothermie. Des radiographies abdominales face et profil ont été réalisées ainsi que des injections de buprénorphine et de maropitant associées à des mesures de réchauffement par bouillottes.

Examen clinique

À l’examen clinique d’admission, la lapine est en état de choc et en décubitus latéral. L’auscultation cardiaque révèle une bradycardie. La température rectale est de 40,2°C, la palpation abdominale est très douloureuse et l’estomac est très distendu. La note d’état corporel est de 2/5. L’examen buccal est reporté par sécurité afin de limiter les risques liés à la manipulation et à l’éventuelle anesthésie.

Examens complémentaires

Les radiographies de face et de profil révèlent un estomac distendu, de taille augmentée (qui dépasse les dernières côtes) avec une forme d’œuf au plat, c’est-à-dire un contenu de densité liquidienne associée à une image aérique sphérique en son milieu (voir photos 1 et 2). Cette image radiographique est compatible avec une occlusion pylorique.

Diagnostic

À ce stade de l’examen, une occlusion et un choc hypovolémique secondaire sont diagnostiqués. Le pronostic est très sombre. La cause de l’occlusion n’est pas objectivée, mais un trichobézoard logé au niveau du pylore est fortement suspecté. Aucune ingestion d’un corps étranger (carton, tissu, papier peint…) n’est rapportée.

Prise en charge

Un premier traitement médical en hospitalisation est choisi afin de reporter une éventuelle chirurgie, au pronostic plus réservé. Le traitement médical consiste en une fluidothérapie et une analgésie adaptée. Afin de réduire le stress et les risques liés à la contention, la lapine est dans un premier temps sédatée par une association de butorphanol (0,6 mg/kg IM), midazolam (0,6 mg/kg IM) et kétamine (6 mg/kg IM). Une voie intraveineuse est mise en place à la veine marginale de l’oreille afin d’administrer une perfusion de NaCl 0,9 % (20 ml/kg/h pendant 1h puis 10 ml/kg/h pendant 24h). Une analgésie est apportée par une perfusion continue intraveineuse de fentanyl (5 µg/kg/h) et de lidocaïne (1,5 mg/kg/h). Du méloxicam à 1 mg/kg SC deux fois par jour complète ce traitement. Afin d’éviter le développement d’ulcères digestifs, souvent observés lors d’occlusion chez le lapin, du pantoprazole est administré (2 mg/kg SC matin et soir). La température interne redescend progressivement à 37°C pendant les premières heures d’hospitalisation.

Le lendemain, la lapine présente un bon état général et commence à s’intéresser à la nourriture. L’examen de la cavité buccale à l’otoscope ne révèle pas d’anomalie, la température rectale est de 38,7°C et la palpation abdominale est souple et peu douloureuse. Une radiographie de contrôle permet de s’assurer que l’occlusion est levée (voir photos 3 et 4). Le traitement est poursuivi pendant 48 heures en hospitalisation suivie d’un relais au domicile par voie orale (méloxicam, métoclopramide et massages abdominaux). La reprise alimentaire et l’émission de selles sont rapidement observées et aucune réalimentation forcée n’a été nécessaire.

L’occlusion est l’un des premiers motifs de consultation d’urgence chez le lapin. Elle se manifeste par l’apparition brutale des signes cliniques suivants : anorexie, distension gastrique, arrêt du transit digestif, abattement marqué, décubitus, état de choc et hypothermie.

Elle est le plus souvent secondaire à l’agglomération de poils (trichobézoards), de tissus ou de carton au niveau du pylore ou du duodénum. La suspicion est basée sur les commémoratifs et la clinique. Le diagnostic est confirmé par radiographie (forme d’œuf au plat de l’estomac : contenu liquide associé à une bulle d’air centrale) ou par échographie et localisation du corps étranger.

La température rectale est un bon indicateur de la sévérité de l’affection et a une valeur pronostic. L’hyperthermie mise en évidence lors de l’examen clinique de cette lapine est secondaire aux mesures de réchauffement mises en place par le vétérinaire traitant. C’est pourquoi elle n’a pas été placée en couveuse et sa température rectale a été régulièrement mesurée au cours de son hospitalisation. La mesure de la glycémie est également un bon indice. En effet, la douleur et l’hyperglycémie sont corrélées. Le pronostic est sombre pour les lapins qui présentent une glycémie supérieure à 3,6g/l. La suspicion clinique est orientée vers une occlusion digestive plutôt qu’une stase en cas de glycémie supérieure à 4,45g/l, les lapins en stase digestive présentent une glycémie = 1,53 g/l en moyenne.

L’état de choc doit être traité prioritairement par la pose d’une voie veineuse, une fluidothérapie agressive, une analgésie adaptée et des mesures de réchauffement. Un anti-acide et des AINS peuvent également être ajoutés. Les molécules à effet gastrocinétique ne sont pas préconisées afin de ne pas forcer la vidange de l’estomac en état d’obstruction.

Il est également possible de procéder à une décompression de l’estomac par sondage orogastrique sous anesthésie ou sédation poussée (voir photo 5). Pour cela, le lapin est placé en décubitus latéral et une sonde lubrifiée, d’un diamètre le plus large possible, est introduite jusqu’à l’estomac. Le passage du cardia peut présenter une petite résistance. La vidange est réalisée par aspiration à la seringue. Les risques de compression et d’obstruction de l’épiglotte ne sont pas négligeables. Il convient donc de surveiller la respiration de l’animal et, si possible, de placer une sonde endotrachéale ou un dispositif supra-glottique de type V-gel (mais plus volumineux). Il est contre-indiqué de pratiquer une trocardisation en raison du risque important de rupture de la paroi de l’estomac.

Dans la majorité des cas, la prise en charge médicale seule est suffisante pour lever l’occlusion. En cas d’échec du traitement médical après 48h ou de dégradation rapide de l’état général, la prise en charge devient chirurgicale. Une gastrotomie ou une entérotomie est réalisée afin d’extraire le trichobézoard.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr