Les données : une utilisation précieuse en santé animale et face aux agents pathogènes émergents - La Semaine Vétérinaire n° 1934 du 01/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1934 du 01/03/2022

Numérique

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Jean-Paul Delhom

Le 20 janvier dernier, l’Académie vétérinaire a organisé, en visioconférence, une séance intitulée Données cliniques vétérinaires, récolte et gestion1. La gestion des datas est en effet un enjeu important pour la santé animale mais pas seulement, avec notamment la surveillance des pathogènes émergents.

Parmi les thèmes abordés lors de cette conférence, Christophe Cordevant, responsable valorisation à la direction de la stratégie et des programmes de l’Anses, à Maisons-Alfort, est revenu sur l’utilisation opérationnelle et scientifique des données. Il a détaillé les différents systèmes et réseau qui existent, mais aussi le projet EMERGEN, un consortium pour la surveillance et la recherche sur les infections à pathogènes émergents via la génomique microbienne, coordonné par Santé publique France et l’ANRS - Maladies infectieuses émergentes. Les données de séquençage WGS (whole genome sequencing) sont analysées par des algorithmes spécifiques afin de suivre la circulation des différents variants et détecter l’émergence de nouveaux virus. Notre confrère Jérôme Defachelles, de la SNGTV, a quant à lui développé la thématique de la structuration et de la production des données d’élevage par le vétérinaire.

En 2021, 317 000 séquences du SARS-CoV-2 ont été chargées dans EMERGEN. Les données EMERGEN alimentent la base de données internationale GISAID (Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data), mise en place en 2008 pour améliorer le partage des données sur l’influenza. Actuellement, elle est aussi utilisée pour partager les données du SARS-CoV-2. Ces deux réseaux alimentent deux sites internet, CoVariants et Nextstrain.

Dans le cadre de la surveillance de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), le système de surveillance LNR Anses de Ploufragan fait remonter les données recueillies par les acteurs de terrain et les laboratoires. L’analyse génomique, faite selon le code de l’OIE, est indexée dans la base GISAID. Les publications alimentent la plateforme d’épidémiosurveillance en Santé Animale ESA, qui peut le cas échéant proposer des améliorations ou des adaptations des dispositifs de surveillance.

Le rapport annuel One Heath Zoonose EFSA/ECDC présente les résultats d’analyses de données des activités de surveillance des zoonoses menées dans 37 pays européens. Depuis 2017, la stratégie Open research data de l’UE pour le libre accès et la réutilisation des données de recherche générées par les projets financés Horizon 2020 reposent sur deux piliers : un plan de gestion des données et la fourniture d’un accès ouvert sous certaines conditions, notamment soumises au droit des affaires. Dans cette optique, l’UE a créé Elixir afin de coordonner les ressources et de les développer pour les chercheurs.

Dans le cadre de la sécurité sanitaire des aliments, les données issues du séquençage sont utilisées pour l’investigation des TIAC (toxi-infections alimentaires collectives). L’ensemble des données est versé dans la base EFSA (European food safety authority) et ECDC (European center for disease control and protection). Le but est de détecter et d’enquêter sur les épidémies multipays.

Le réseau Resapath collecte des résultats d’antibiogrammes réalisés par les laboratoires. La confrontation avec les données humaines se fait après leur intégration dans l’intégration à la base ONERBA (Observatoire national de l’épidémiologie de la résistance bactérienne aux antibiotiques). Le séquençage WGS confirme les résultats et caractérise les profils d’antibiorésistance. L’étude de la résistance aux antimicrobiens des pathogènes animaux présentant des lacunes dans la stratégie européenne One Health, une surveillance accrue a été mise en place via la création d’EARS-Vet (Réseau européen de surveillance de la résistance aux antimicrobiens en médecine vétérinaire).

Les contaminants chimiques sont des substances qui peuvent être détectées dans les aliments après leur transformation, mais sont également présents dans l’environnement de façon naturelle ou suite à une pollution. Leur identification et leur quantification sont possibles grâce à la spectrométrie de masse en haute résolution (HRMS), qui nécessite un matériel très puissant. Les résultats d’analyses demandent également de grandes capacités de stockage.

L’utilisation de capteurs de plus en plus nombreux (rumination, podomètrie, température, etc.) génère de multiples données, mais celles-ci restent souvent inaccessibles car il faut se rendre dans les élevages pour les consulter, en payer l’accès ou obtenir des autorisations car des contrats sont signés avec les éleveurs où il est stipulé que les données ne servent qu’à la relation client. De plus, il existe de multiples logiciels de gestion d’élevage avec des tables de médicaments, de maladies, etc. non standardisées, sans compter les saisies libres. La SNGTV cherche à rendre l’accès aux données sanitaires et de performance plus simples en les structurant et en recherchant un partenariat avec les éditeurs de logiciels. Ceci passe par la création de bases dans lesquelles toutes ces informations seraient stockées. La base Patho, par exemple, contient 122 pathologies et 46 traitements.

Le but est de créer un système d’échange et de réussir à relier le maximum de logiciels, utilisées par les vétérinaires ou les éleveurs, grâce à des outils connectés. En s’appuyant sur ces éléments fiables, il serait aisé de déclencher différents types d’alertes sanitaires et de savoir quelles familles de médicaments ont été administrées aux animaux avec un tri par élevage et/ou par praticien.

  • 1. Lire aussi La Semaine Vétérinaire n° 1930 en pages 32 et 33
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