FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde Article (partie 2) rédigé suite à la publication du 12 janvier 2022 Bovine respiratory microbiota of feedlot cattle and its association with disease, de Jianmin Chai, Sarah F. Capik, Beth Kegley, John T. Richeson, Jeremy G. Powell et Jiangchao Zhao, Veterinary Research volume 53, Article number 4.
Le processus de prolifération et de déplacement dans les voies respiratoires des agents pathogènes responsables de maladies respiratoires des bovins (BRD) n’est pas encore clair. Les chercheurs ont émis l’hypothèse selon laquelle la dysbiose de cet écosystème est provoquée par le stress, la colonisation par des agents pathogènes et la modification du microbiome des voies respiratoires supérieures (URT), ainsi que par l’infection des poumons1.
Au stade initial de la dysbiose, l’hôte est considéré dans un état « pré-BRD » réversible. Les communautés microbiennes sont instables et s’attaquent aux défenses sensibles de l’hôte mais la fonction de barrière de la muqueuse respiratoire répond à ce déséquilibre, ainsi qu’à l’invasion d’agents pathogènes, en sécrétant des molécules de signalisation (par exemple, des cytokines et des chimiokines inflammatoires) dans le mucus respiratoire. Ces sécrétions stimulent une réponse immunitaire dans des niches locales2. En cas de guérison, pour résister à l’invasion d’agents pathogènes, protéger l’hôte et rétablir la fonction de barrière de la muqueuse respiratoire, des mécanismes de réponses immunitaires (y compris la production d’IgA ou le recrutement de cellules immunitaires) sont alors activés jusqu’à ce que les signaux de risque disparaissent et que le rétablissement de la zone endommagée se fasse3. Pour les animaux en état « pré-BRD » qui tombent malades (BRD), on constate une augmentation continue de la quantité d’agents pathogènes dans les poumons ainsi que des lésions des muqueuses respiratoires. Par exemple, en ce qui concerne M. haemolytica, résident commensal de l’URT des veaux sains, la prolifération explosive et soudaine de son sérotype spécifique (sérotype 1) qui se produit dans l’URT des animaux sensibles en cas de stress4 s’explique par une adhésion de la bactérie et une colonisation des cellules épithéliales bronchiques bovines. Les bactéries forment ensuite des foyers d’infection en endommageant l’intégrité des jonctions serrées, la transcytose et la réplication intracellulaire rapide5. De plus, M. haemolytica produit des leucotoxines et des lipopolysaccharides qui contribuent à sa pathogénicité dans les voies respiratoires6. Au cours du processus d’invasion, la bactérie stimule les cellules épithéliales de l’hôte produisant des médiateurs pro-inflammatoires, notamment des cytokines (TNF-α, IL-6 et IL-1β) ainsi que des chimiokines (CXCL8). La production de ces médiateurs et la libération de lipopolysaccharide et de leucotoxine affectent ensemble le mouvement des neutrophiles dans les poumons. Il s’agit de la principale cause de lésions sur les tissus respiratoires associées à la BRD7, 8, 9.
Toutefois, certaines questions restent en suspens en ce qui ce concerne les infections virales. Les chercheurs supposent que la présence de virus dans les voies respiratoires bovines peut altérer le micro-environnement des surfaces muqueuses et la structure bactérienne, entraînant une réduction de la fonction mucociliaire et des lésions des cils. De plus, l’infection virale pourrait réduire la concentration de peptides antimicrobiens et augmenter le risque de survenu de formes graves de BRD 10. Les virus situés dans les voies respiratoires bovines peuvent également infecter les cellules ciliées et la couche épithéliale en tuant les cellules épithéliales, en diminuant le transport mucociliaire et, par conséquent, en exposant la membrane basale des voies respiratoires. Un environnement de niche modifié pourrait alors conduire à des infections secondaires par des agents pathogènes bactériens opportunistes en facilitant l’adhésion et la colonisation des agents pathogènes bactériens11. La BRD est donc une maladie multifactorielle dont la pathogénie est complexe et mal comprise. Bien que le développement rapide des techniques de séquençage permette de caractériser la biogéographie des communautés microbiennes situées dans les voies respiratoires des bovins en bonne santé, mais également de ceux touchés par la BRD, il subsiste de nombreuses lacunes dans les connaissances.
La complexité du système écologique respiratoire limite notre compréhension de mécanismes tels que la colonisation microbienne et les interactions hôte-microbiote, ainsi que la dérive entre les emplacements biogéographiques. Des techniques appropriées pour l’échantillonnage du microbiote et pour son analyse doivent donc encore être optimisées. Les études futures concernant la BRD et le microbiome respiratoire bovin devraient également envisager une plus grande exploration des interactions entre les communautés virales et bactériennes, et de l’association entre la dispersion microbienne et la gravité de la BRD dans l’appareil respiratoire, afin de déterminer quels facteurs (en particulier le stress) contribuent à la colonisation et à la prolifération des agents pathogènes. De manière immédiate, les données sur le microbiome respiratoire bovin doivent être intégrées aux données phénotypiques de l’hôte afin de déterminer l’impact sur la pathogenèse de la BRD. Dans l’ensemble, l’étude approfondie et continue de ce microbiome ouvre de nouvelles possibilités thérapeutiques et des approches de détection rapide pour la BRD ou d’autres maladies respiratoires.