L’impact de la relation animal-propriétaire sur les attentes des clients en services vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1933 du 22/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1933 du 22/02/2022

DOSSIER

Auteur(s) : Par Aline Gouaillier

Quel est le lien entre la relation animal-propriétaire et les exigences de ces derniers concernant la santé de leur animal, qui se retranscrivent chez le vétérinaire ? Une étude réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat vétérinaire de Nantes-Oniris répond à cette question. Décryptage.

La relation homme-animal telle que nous la connaissons depuis des milliers d’années a récemment bénéficié d’évolutions notables, en particulier sur la place du chien et du chat au sein de notre société occidentale. Il existe une multitude de profils de propriétaires d’animaux de compagnie, et chacun aura des exigences différentes concernant la santé de son animal, son alimentation, etc. Ainsi, du propriétaire dépendra le type de relation nouée avec l’animal et, par extension, les attentes formulées notamment auprès du vétérinaire.

Pour étudier ce lien de cause à effet, un outil de segmentation de la clientèle permettant de former des groupes homogènes de relation et d’attentes a été créé. Cela permettra au vétérinaire de s’adapter au client et à ses attentes, de mieux communiquer et, au final, de mieux soigner les patients. Dans un second temps, il sera aussi utile pour fidéliser la clientèle, augmenter les activités de vente et orienter les axes de développement d’une clinique.

La typologie proposée est fondée pour partie sur la littérature existante concernant la relation animal-propriétaire. Ainsi les propriétaires ont été classés en fonction de leur motivation à l’adoption, du statut qu’ils occupent par rapport à l’animal et du rôle qu’ils attribuent à ce dernier. Cette typologie s’ancre aussi dans une approche expérimentale avec des entretiens semi-dirigés.

Les cinq types de relation animal-propriétaire établis sont les suivants :

Attentes préétablies et aspect utilitaire de l’animal, type dans lequel le propriétaire adopte souvent un animal d’apparence raciale précise, avec un budget cependant limité. L’animal a ensuite un rôle bien défini (gardiennage de la maison, chasse etc.) et le propriétaire a des attentes bien précises par rapport à lui. L’animal est peu présent dans les lieux de vie de la famille, il vit souvent en extérieur et il ne représente pas un investissement important en temps ou en argent. Le budget alloué à l’animal est limité au strict nécessaire : alimentation et soins de santé basiques. Les consultations vétérinaires sont rares et limitées à des problèmes non gérables par automédication. Le regard que peut porter autrui n’a pas d’importance pour ce propriétaire.

Amitié et échange égalitaires, relation dans laquelle l’adoption se déroule souvent en refuge ou par le fruit du hasard. Le propriétaire a souvent des critères spécifiques lors de l’adoption, en rapport avec le caractère de l’animal ou conditionnant la relation. L’animal possède une place distincte de l’homme, moins importante malgré l’attachement. Il est vu dans sa globalité et son unicité, et possède une certaine liberté. Le propriétaire lui accorde du temps et peut partager des loisirs avec lui, mais pas tout son temps libre non plus. L’adoption est vue comme un engagement, temporel et financier. Ainsi, le propriétaire investira pour la santé, l’alimentation et l’éducation de son animal. Les frais de santé assumés sont ainsi réalisés dans la limite du raisonnable pour le propriétaire.

Superficialité et identification à l’image de l’animal, une catégorie où l’adoption se fait sur des critères esthétiques et selon la valeur sociale de la race choisie (effet de mode, image positive, etc.). Le propriétaire est prêt à mettre le prix lors de l’adoption, et par la suite pour des dépenses associées aux loisirs, à des accessoires de beauté, à l’alimentation, souvent répondant à des critères spécifiques (sans céréales, BARF). L’animal occupe une place inférieure à celle de l’homme. Il constitue un investissement temporel et financier modéré. L’avis d’autrui compte beaucoup pour le propriétaire car l’animal est une fierté, un moyen de nouer des relations sociales. Les consultations vétérinaires sont maintenues au minimum nécessaire et ne doivent pas constituer un effort trop important.

Anthropomorphisme et rôle social, qui est un type de relation dans lequel l’animal est un membre de la famille, considéré au même titre qu’un humain. Il peut parfois occuper la place d’un enfant ou d’un conjoint. L’animal est une fierté, même si l’opinion des autres n’a pas une importance majeure. Il est aussi un soutien, un ami, et permet de nouer des relations sociales. Le choix de l’animal se fonde sur des critères raciaux et esthétiques, souvent auprès d’élevages, avec un budget important. Le propriétaire lui consacre ensuite beaucoup de temps, mais aussi d’argent. Cela passe par une alimentation de qualité, des dépenses beauté, loisirs et bien-être, ainsi que des frais de santé. Les consultations chez le vétérinaire sont réalisées fréquemment, qu’importent les frais engendrés.

Dévouement et asservissement, relation dans laquelle le propriétaire estime son animal comme un être unique, valant autant sinon plus qu’un être humain. Le propriétaire possède souvent plusieurs animaux, tous sauvés de l’abandon ou adoptés en refuge. L’animal jouit d’une grande liberté, est perçu comme un être à part entière ayant des particularités. Le propriétaire fait preuve d’un dévouement auprès de l’animal qui est une priorité et occupe une grande partie de son temps libre. La relation avec son animal lui apporte beaucoup de bénéfices et est très intense. Financièrement, les dépenses sont axées sur une alimentation de qualité et des soins vétérinaires. Ainsi, l’investissement financier peut être majeur car le propriétaire se sent responsable de son animal est prêt à faire des sacrifices pour lui.

Les cinq groupes de propriétaires sont ainsi à reconnaître parmi la clientèle car à chaque profil correspondent des attentes spécifiques lors d’une consultation.

Les résultats obtenus après analyse statistique des réponses au questionnaire permettent dans un premier temps de tirer les conclusions globales vis-à-vis des attentes des clients par rapport aux services vétérinaires, quel que soit le groupe de relation dont ils sont issus.

En effet, concernant les qualités de la clinique ou du cabinet, les clients sont très attachés aux plages d’ouverture qui doivent être les plus larges possibles, que ce soit au quotidien ou en termes de disponibilité le week-end. Un bon agencement de la clinique, à travers le confort des espaces d’attente et de consultation, la séparation des espèces, la modernité et la propreté des locaux, est apprécié par tous les clients.

Pour ce qui est des services proposés, tous les clients formulent des attentes similaires concernant le type de matériel médical présent dans la structure, à savoir un appareil de radiographie, un échographe, du matériel de laboratoire, un laser et même un IRM. Cette dernière requête étonnante interpelle et souligne l’importance des technologies de pointe pour les propriétaires, quand bien même ces technologies restent un concept parfois certainement abstrait. De même, la clientèle présente des besoins homogènes pour les consultations de médecine, chirurgie et urgences, qui sont les plus attendus. Les attentes sont élevées concernant la gestion de la partie financière par le professionnel de la santé, à savoir l’établissement rapide d’un devis, la justification des tarifs, la prise en considération des limites financières du client et le respect des prix annoncés. Enfin, le professionnalisme du vétérinaire est plutôt jugé sur ses qualités relationnelles (sympathie, communication) que pratiques (propreté, ponctualité, impression d’assurance). Tous les propriétaires estiment que la formation continue du vétérinaire est cruciale.

Enfin, concernant l’aspect communication lors de la consultation, les propriétaires souhaitent globalement des explications médicales relativement précises. Ils apprécient unanimement d’être impliqués dans la prise de décision au cours de la consultation. Enfin, la personnalisation de la consultation vétérinaire, qui se manifeste par l’intérêt porté à la relation animal-propriétaire, l’établissement d’un contact privilégié, le suivi du client et la prise de nouvelles entre les consultations, est toujours appréciée.

Ces attentes génériques sont résumées dans le tableau 1.

Au-delà de ces attentes communes, des exigences plus spécifiques se dessinent. Ainsi, chacun des cinq groupes décrits précédemment aura des attentes plus pointues sur certains domaines. Le tableau 2 synthétise les exigences plus fortes pour tel ou tel groupe comparativement aux autres. Ce tableau permet de recenser les particularités de chaque groupe, de connaître les demandes spécifiques caractérisant ce type de propriétaire.

Les deux techniques, donnant les attentes génériques et les attentes spécifiques de la clientèle, peuvent être croisées pour obtenir une connaissance assez globale des souhaits des propriétaires en services vétérinaires.

La segmentation en cinq groupes de propriétaires et la mise en lien des groupes avec les attentes de la clientèle peuvent être exploitées pour divers objectifs. Il peut permettre au vétérinaire praticien d’avoir une grille d’analyse rapide du client et d’adapter sa communication pour offrir une prise en charge personnalisée. Au final, l’augmentation de la satisfaction client s’accompagne de meilleurs soins à l’animal, avec davantage d’examens complémentaires réalisés et une meilleure observance du traitement entre autres.

La méthodologie

L’étude1 se veut à la fois qualitative et quantitative.

Dans un premier temps, des entretiens semi-dirigés ont été menés avec 15 propriétaires de chiens et de chats. Cela a permis de recenser la diversité des réponses possibles et de créer une nouvelle typologie de propriétaires après triangulation avec la littérature.

Dans un second temps, un questionnaire à choix multiples a été distribué auprès de 1142 propriétaires de chiens et de chats. Il comporte trois parties : des informations générales sur le propriétaire et son animal, une partie sur la relation animal-propriétaire et une partie sur les attentes des clients chez le vétérinaire. Une analyse statistique (analyse en composantes principales puis classification ascendante hiérarchique) a ensuite validé la typologie déterminée précédemment. Enfin, un travail de statistique descriptive a permis de dresser les exigences des groupes de propriétaires pour chaque type d’attente concernant les visites chez le vétérinaire. La validation statistique est assurée par un test de Student au seuil de 5 %.

1 Thèse de doctorat vétérinaire d’Aline Gouaillier. Oniris 2021. Les attentes des clients en services vétérinaires : une segmentation basée sur la relation animal-propriétaire.

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