Actualités sur les gingivostomatites félines - La Semaine Vétérinaire n° 1933 du 22/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1933 du 22/02/2022

Dentisterie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Tarek Bouzouraa

Les gingivostomatites du chat touchent majoritairement les arcs palatoglosses et se manifestent par des ulcérations ou des proliférations tissulaires granulomateuses à l’origine d’une douleur buccale et d’une anorexie. Leur fréquence varie de 0,5 à 12 % selon les études, ce qui en fait une affection fréquente chez le chat. Une revue de la littérature1 s’intéresse à leurs manifestations, leur étiologie mais surtout leur prise en charge.

Plusieurs agents viraux tels que les calicivirus, les herpèsvirus et les rétrovirus (FIV et FeLV) seraient incriminés, tout autant que des bactéries à Gram négatif, telles que Pasteurella multocida, et anaérobies strictes (Pseudostreptococcus spp. et Peptostreptococcus spp. notamment). Des facteurs environnementaux favoriseraient également la survenue d’une réponse immune inadaptée culminant vers l’inflammation, l’érosion et l’ulcération des gencives. Ceux-ci incluent la densité et le surnombre dans les chatteries, avec un risque accru de gingivostomatite dès lors qu’un nouveau chat est adopté dans un foyer (jusqu’à 70 % de risque en plus selon certaines études). Les auteurs suspectent que des circulations virales cycliques soient à l’origine de contaminations croisées entre différents chats d’un même foyer entraînant une exposition répétée et chronique aux agents déclencheurs favorisant l’inflammation. La pathogénie serait liée à une stimulation antigénique par les particules virales séquestrées dans les tissus gingivaux, entrainant une immunité cellulaire excessive.

Une étude2 incluant 58 chats signale que 98 % des gingivostomatites sont accompagnées d’œsophagites, bien que des signes cliniques spécifiques n’aient été mentionnés chez aucun d’entre eux. Cependant, les signes de gingivostomatite (ptyalisme, nausée et anorexie) peuvent en quelque sorte se superposer à ceux des œsophagites. Les auteurs imaginent qu’une diffusion salivaire de particules virales lors de la déglutition puisse générer une inflammation œsophagienne concomitante.

Avant tout, la prise en charge de la douleur est essentielle, notamment par l’administration de buprénorphine, parfois associée à la gabapentine. De rares études comparent les traitements par extractions dentaires totales et partielles (uniquement les prémolaires et molaires), permettant une réponse clinique dans 70 à 80 % des cas. Cependant, une analyse rétrospective précise que ces soins ne permettent une guérison totale que dans environ 30 % des cas, tandis que 40 % présentent une amélioration acceptable mais pas complète.

Les soins médicaux incluent les corticoïdes, qui peuvent apporter un confort supplémentaire dans environ 10 % des cas (avec un risque de déclenchement de comorbidités). L’interféron Ω recombinant félin peut également moduler l’inflammation et améliorer les lésions gingivales. Une étude sur 19 chats révèle que 45 % d’entre eux présentent une amélioration, qui n’est cependant complète que dans seulement 10 % des cas. L’apport d’autres immunomodulateurs, non-disponibles en routine, est documenté, principalement en recherche académique. La ciclosporine est également suggérée pour les cas réfractaires avec des résultats satisfaisants, bien que les études disponibles (rétrospectives et sur peu d’individus) ne soient pas assez robustes pour en tirer des conclusions définitives. Les cellules souches sont employées pour affaiblir diverses conditions inflammatoires. Leur effet a été testé chez 7 chats atteints de gingivostomatite, avec une réponse dans 5 cas (3/5 en rémission totale et 2/5 partielle). Cette option demeure encore en cours d’étude et pourra probablement ouvrir des perspectives afin d’améliorer la prise en charge des gingivostomatites félines.

  • 1. Lee D.B., Verstraete F.J.M., Arzi B. An update on feline chronic gingivostomatitis. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2020 ; 50 (5) : 973 – 982.
  • 2. Kouki M.I., Papadimitriou S.A., Psalla D., Kolokotronis A., Rallis T.S. Chronic gingivostomatitis with esophagitis in cats. J Vet Intern Med. 2017 ; 31 (6) : 1673-1679.
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