FÉDÉRER, ANIMER ET MODÉRER SES CLIENTS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX : DEVENEZ COMMUNITY MANAGER ! - La Semaine Vétérinaire n° 1932 du 15/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1932 du 15/02/2022

DOSSIER

Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD

LA COMMUNICATION, EN PARTICULIER EN DIRECTION DES RÉSEAUX SOCIAUX, EST DEVENUE TELLEMENT IMPORTANTE QU’ELLE A DONNÉ NAISSANCE À UN NOUVEAU MÉTIER : CELUI DE COMMUNITY MANAGER. COMMENT L’UNIVERS VÉTÉRINAIRE COMPOSE-T-IL AVEC CE SAVOIR-FAIRE SPÉCIFIQUE ? DÉCOUVERTE…

« C’est lorsque nous avons voulu développer notre activité en ouvrant une autre structure de soins à Bourgtheroulde, en décembre 2018, que nous nous sommes mis à beaucoup développer notre page Facebook (FB) », explique Julie Paquette, vétérinaire associée en canine aux deux cliniques du Roumois (Eure). « En effet, ce réseau social a vraiment été le moyen privilégié pour en avertir notre clientèle. Désormais, nous sommes suivis par environ 3000 personnes sur notre page FB, et par 600 personnes sur Instagram. »

C’est pourquoi sur LinkedIn, elle se présente comme community manager. « Au départ, explique-t-elle, j’étais en effet la seule à m’en occuper, souvent d’ailleurs sur mon temps personnel le midi. Mais aujourd’hui, comme notre activité vétérinaire a poursuivi son extension, j’ai dû en grande partie déléguer cette activité à l’une de nos assistantes vétérinaires, Audrey Folliot. C’est elle qui désormais publie 75 % de nos posts. Je continue cependant aussi un peu de mon côté, notamment parce que nous travaillons sur deux cliniques géographiquement séparées. En bref, je supervise, je garde un œil…  Avoir le sens de l’esthétique, savoir retoucher des photos est primordial. »

Mais que désigne réellement ce titre de « community manager » (CM) ? D’après Wikipédia, il s’agit d’un anglicisme, intégré dans le Petit Larousse en 2016. Ce métier consiste à fédérer, animer et modérer des communautés sur Internet pour le compte d’une société, d’une célébrité, d’une institution, d’une collectivité territoriale…

Comme il s’agit aujourd’hui d’une tendance sociétale forte, il est naturel qu’elle atteigne aussi la sphère vétérinaire, comme le constate Anne Renault (L 84). « Quand j’ai commencé à exercer en canine dans les années 1980, durant une dizaine d’années en Haute-Savoie, l’exercice individuel solitaire ou à deux était la norme. Et la réputation, la connaissance de l’existence d’une clinique se basaient essentiellement à cette époque sur le bouche-à-oreille. A contrario, aujourd’hui, les structures vétérinaires qui essaient de continuer à travailler comme il y a trente ans, sans communication sur les réseaux sociaux, perdent souvent des clients au profit des structures qui savent, elles, développer leur communication digitale. »

Anne Renault est d’ailleurs devenue, au fil du temps, consultante-formatrice, avec des modules d’enseignement spécialement dédiés aux ASV et aux vétérinaires1 : « Je leur apprends à construire une communication adaptée aux réseaux sociaux, en créant et en animant un compte professionnel sur Facebook et sur Instagram. Car désormais, une bonne partie des clients ressentent le besoin d’appartenir à une communauté, pour se sentir bien et faire confiance à leur praticien. En effet, ils lisent ce que la clinique poste. Ils savent qu’en cas de besoin, ils peuvent la contacter n’importe quand. Ils aiment aussi pouvoir y exprimer leur mécontentement s’ils estiment que quelque chose ne s’y est pas bien passé. Mais à l’inverse – ce qui arrive heureusement le plus souvent pour les structures vétérinaires – ils viennent aussi y complimenter l’équipe, y exprimer leur bienveillance. »

Enfin, la communication digitale présente à ses yeux un autre atout incontournable : « Environ 40 % des clients font aujourd’hui confiance aux réseaux sociaux pour choisir leur vétérinaire, en se référant à l’avis de pairs. Il est donc indispensable d’y être, soit pour se développer, soit pour ne pas perdre de clients si on est localisé dans une zone à forte concurrence. » La recherche Google pour trouver son vétérinaire est aujourd’hui une pratique plus fréquente que la recherche sur les Pages jaunes. 

Contrairement à d’autres branches professionnelles, où il existe des CM qui consacrent 100 % de leur temps à cette unique fonction pour le compte d’un seul employeur, ce profil exclusif existe fort peu dans le monde vétérinaire. Le plus souvent, en France, c’est soit un  vétérinaire, soit un ASV, soit un duo « vétérinaire/ASV » qui consacre une partie (plus ou moins grande) de son temps à cette tâche, en ayant la charge de rédiger régulièrement des posts, en supervisant et en déléguant certaines publications et photos aux autres membres de l’équipe, ou même à des clients (notamment à des clients éleveurs). Ceci est une particularité française car d’après l’étude Vetspanel 2018, « dans de nombreux autres pays européens, le contenu et l’animation des réseaux ne sont pas gérés par l’ASV ou le vétérinaire, mais par une autre personne ».

« Selon moi, poursuit Anne Renault, un CM doit être quasiment tout le temps présent à la clinique, pour communiquer très rapidement sur ce qui s’y passe et aussi pour répondre de suite aux commentaires des clients. C’est le règne de l’instantanéité. Parler d’un superbe bouquet qui est arrivé la semaine dernière en remerciement, c’est par exemple déjà dépassé… Personnellement, je recommande de poster des articles ou des photos au minimum deux fois par semaine. Et il faut aussi veiller à varier les contenus. C’est pourquoi cette tâche doit être dévolue à quelqu’un de fiable, d’organisé, maîtrisant l’orthographe. Dans ma formation pratique, j’explique comment récupérer des images, des musiques ou des textes qui sont libres de droits, quels outils on peut employer pour créer un visuel sympa, des affiches, des infographies et comment utiliser les garde-fous d’une page FB sans toutefois bloquer systématiquement tous les avis négatifs. » Elle explique également comment ne pas dériver vers une consultation médicale en ligne ou des pratiques commerciales non-autorisées par la profession vétérinaire.

Dernier conseil d’Anne Renault : « Il faut savoir calibrer son projet de communication digitale, en estimant combien de temps on peut y consacrer. Cela peut même offrir des évolutions de carrière pour des ASV. Mais vétérinaire ou ASV, il faut avant tout que ce soit fait par quelqu’un qui en a réellement envie, qui s’amuse même à le faire. Car cela se ressent dans la qualité des messages envoyés. »

Rédiger des messages entraînants, spontanés sans pour autant dire n’importe quoi, telle est la règle d’une communication bien faite sur les réseaux sociaux. « Personnellement, j’écris un premier jet de mon message la veille. Je le relis ensuite le lendemain – ou même je le fais relire à un autre associé ou bien à Audrey – avant de le publier », explique Julie Paquette. Avant de conclure : « Les réseaux sociaux sont devenus pour moi indispensables à notre exercice. Dernièrement, nous y avons par exemple expliqué pourquoi nous n’allions plus nous-mêmes assurer les gardes de nuit. J’ai été jusqu’à dire qu’il y avait beaucoup de burn-out, voire de suicides, dans notre profession. Et nous avons eu la surprise de recevoir beaucoup de messages de soutien pour cette évolution qui n’est pourtant pas toujours facile à expliquer à une clientèle ! »

« La communication suit la courbe du développement de notre structure ! »

ENTRETIEN AVEC JULIE MONIER

Localisé à Saint-Priest, dans l’agglomération lyonnaise (Rhône), OnlyVet a acquis le statut de CHV (Centre hospitalier vétérinaire) depuis mi-septembre 2021. Son équipe comporte actuellement 62 personnes (25 vétérinaires, dont 10 spécialistes, 30 ASV, 4 secrétaires, une assistante de direction et une directrice d’établissement). Julie Monier explique en quoi consiste son métier de communication.

Quel est votre parcours professionnel ?

Durant onze ans, j’ai été ASV dans une clinique. Puis j’ai rejoint l’équipe d’OnlyVet d’abord en qualité d’ASV pour des remplacements, puis exclusivement pour la partie communication. Concernant la communication interne, je suis chargée de préparer des réunions et je m’occupe aussi d’un journal interne mensuel baptisé OnlyVet Inside. Par ailleurs, dans le but d’entretenir une bonne cohésion d’équipe, j’organise régulièrement diverses soirées et autres animations. Côté communication externe, je m’occupe des réseaux sociaux, du site Internet, des avis Google, des relations presse. J’organise également des soirées-conférences confraternelles. Notre structure fonctionne en effet uniquement en référé. 

Vous vous adressez donc à un double public ?

Effectivement. Dernièrement, quand OnlyVet a acquis le statut de CHV, j’ai eu à m’occuper de la refonte de notre site Internet. Je me suis alors posé la question suivante : « Qui va venir le visiter ? » La réponse est : les propriétaires d’animaux curieux de découvrir l’endroit où leur praticien habituel les réfère et aussi nos confrères. J’ai donc dû faire face au casse-tête suivant : parvenir à doser l’emploi de mots scientifiques (pour pouvoir être compris par tous les visiteurs) tout en ayant des contenus suffisamment spécialisés pour nos vétérinaires clients ! J’ai d’ailleurs à composer avec la même problématique pour nos publications sur les réseaux sociaux non professionnels, qui sont de fait suivis autant par des propriétaires que par des praticiens.

Dans quel état d’esprit communiquez-vous ?

J’essaye de renvoyer une image qui reflète au plus juste notre ambiance, les valeurs et les convictions de notre structure. Mon arrivée a permis, je pense, de mieux structurer la communication, de la rendre à la fois visuellement plus esthétique et plus créative, grâce à ma touche personnelle. En tout cas, je ne m’ennuie jamais, car les tâches sont très variées. Suivant les projets, il m’arrive aussi de demander à l’équipe d’y participer. Par exemple, nous avons conçu une charte d’entreprise en créant un groupe de travail sur ce thème. Ce qui est également très agréable chez OnlyVet, c’est que les associés y sont très ouverts d’esprit : je suis libre de leur proposer mes envies, et nous avons souvent des idées qui vont dans le même sens.

Combien de temps consacrez-vous à la communication ?

Mon nombre d’heures a déjà doublé il y a environ un an, pour atteindre actuellement 20 heures. Mais comme notre structure est en développement constant, et que plusieurs projets importants sont à l’étude, s’ils devaient se concrétiser, il est fort possible que ce quota d’heures devienne alors insuffisant. Il sera conséquemment peut-être appelé à être lui aussi augmenté. Ce sera à ma hiérarchie de voir car personnellement, plus on m’accorde de temps, plus je le remplis de projets, c’est mon caractère…

JULIE PAQUETTE (L14)

Community manager aux cliniques du Roumois (Eure)

Un tiers de nos posts décrivent nos soins

Environ un tiers de nos posts concernent la vie de la clinique, ce qui s’y passe, de la salle d’attente jusqu’à nos coulisses. Un autre tiers sont des photographies des chiots et des chatons : les propriétaires sont très fiers de les voir figurer sur un post, je n’ai jamais eu de réponse négative pour ce faire. Enfin, le dernier tiers de notre communication digitale est à teneur plus scientifique. Par exemple, comme c’est moi qui fait de la cardiologie, j’ai rédigé des posts sur ce qu’est l’échographie cardiaque. Une autre vétérinaire associée délègue les posts concernant son domaine, la physiothérapie, à Audrey, ASV et responsable de la communication digitale, avec qui elle travaille sur les cas de rééducation. Ses petits films montrent par exemple l’évolution d’animaux au départ paralysés, qui arrivent peu à peu à remarcher. Cela nous amène de nouveaux clients sur ces spécialités…

Nous rédigeons également des posts de soins plus généralistes, par exemple sur le détartrage ou l’anesthésie d’un animal âgé. Cela rassure les propriétaires de voir en photo que cela s’est bien passé pour un autre de nos patients ! Ils ont aussi adoré une petite vidéo où une ASV m’avait filmée en train de faire une césarienne. Certains de nos clients vont jusqu’à partager ces posts avec des membres de leur famille ou avec des amis. Nous nous retrouvons ainsi avec de nouveaux abonnés sur nos réseaux sociaux… qui parfois deviennent à terme de nouveaux clients. Et si jamais nous nous rendons compte qu’un de nos posts est copié sur Internet, c’est que notre message est vraiment bon !

Cliniques vétérinaires et réseaux sociaux en Europe

En Europe, les cliniques vétérinaires se servent des réseaux sociaux pour approcher d’éventuels clients (66%) et pour maintenir un lien. Elles sont principalement présentes sur Facebook (73 % des cliniques) puis sur Instagram et Google+ (16 % chacun).

Source : Étude Vetspanel 2018.

Oser passer du virtuel au réel ? 

Certaines cliniques animent des groupes Facebook qui fonctionnent si bien… que leurs membres expriment parfois l’envie de se voir ! S’ils en font la demande (ou si leur vétérinaire leur en donne l’idée ?), il est alors possible d’organiser au sein de la clinique de belles rencontres humaines, bien réelles.

À voir sur Internet

Le réseau FamilyVets de Michaël Silber emploie une cliente éleveuse, Charlène Gouëllo, comme community manager. Leurs témoignages ont été diffusés lors du e-congrès de MSD1. Charlène Gouëllo anime aussi deux autres réseaux personnels, où elle présente notamment le quotidien des chatons nés chez elle (avec 153 000 abonnés sur la page FB de Cat Britivana et 52 000 abonnés sur Instagram, sur @maisonbritivana).

1. Vidéo de présentation à visionner sur https://econgres-sante-animale.fr/programme-2021/ puis replay intitulé : « Ces cliniques qui innovent ».

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr