Clap de fin pour le broyage des poussins - La Semaine Vétérinaire n° 1932 du 15/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1932 du 15/02/2022

Filière poules pondeuses

ANALYSE MIXTE

À partir du 31 décembre 2022, la mise à mort des poussins mâles de la filière poules pondeuses sera interdite. Pour y arriver, tous les couvoirs comptent s’équiper de technologies de sexage in ovo.

Par le décret1 du 5 février 2022, l’élimination des poussins mâles des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation est interdite. C’était une promesse du précédent ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, reprise ensuite par son successeur Julien Denormandie. Pour rappel, ce sont 50 millions de poussins mâles qui sont tués chaque année en France, n’étant pas valorisables économiquement dans la filière ponte. Si l’interdiction ne sera effective qu’au 1er janvier 2023, le décret donne le tempo. Au plus tard le 1er mars 2022, les couvoirs doivent justifier de la commande de matériels de sexage, qui permettront de caractériser le sexe de l’embryon au plus tard au 15e jour d’incubation, ou alors justifier de toute autre méthode pour répondre à l’objectif fixé. Le sexage in ovo évitera l’éclosion de mâles pour que naissent seulement des poussins femelles, c’est-à-dire les futures poules pondeuses de la filière œufs. Au 1er juin, il faudra justifier l’engagement des travaux pour l’installation des machines. Au 31 décembre, tout doit être opérationnel. Les autres options possibles seraient de créer une filière de valorisation des coquelets (« frères » des poules pondeuses), ou encore de travailler avec des nouvelles souches « duales » qui permettent à la fois que les femelles soient bonnes reproductrices pour les œufs et que les mâles aient une croissance suffisante pour la viande. À ce jour, seule la technologie de sexage est envisagée.

Cinq couvoirs sont concernés : Hy-Line France, Lohmann France, Novoponte (filiale d’Hubert SAS), Lanckriet et Isa (groupe Hendrix genetics). Tous ont déposé un dossier pour obtenir des financements, dans le cadre de France Relance, qui servira à payer les machines de sexage et les travaux d’aménagement des locaux pour les installer. Le décret se veut sécurisant économiquement pour les couvoirs, en indiquant que les matériels achetés ne seront pas considérés comme obsolètes pendant cinq ans. Mais passé l’investissement de départ, il reste un surcoût de fonctionnement estimé à environ 50 millions d’euros par an. Qui va payer ? À ce stade, des discussions sont en cours mais on se dirige vers une prise en charge par les distributeurs dans un premier temps, via un système de cotisations volontaires avec la somme correspondante aux surcoûts qui serait reversée aux couvoirs, et donc sans impact pour eux ou pour les éleveurs. Cela implique probablement une hausse des prix pour le consommateur, que ce soit pour les œufs coquilles et et les produits à base d’œufs, à hauteur d’environ 66 centimes en plus pour 100 œufs. Ce surcoût est beaucoup plus impactant s’agissant des échanges commerciaux, avec un risque de perte de compétitivité à l’échelle européenne, en particulier pour les ovo produits. Le ministère de l’Agriculture a annoncé que des négociations seront lancées à Bruxelles pour aller vers une harmonisation des pratiques à l’échelle européenne. Pour l’instant, seule l’Allemagne a sauté officiellement le pas en interdisant la mise à mort des poussins au 1er janvier 2022. D’autres pays sont toutefois prêts à s’aligner.

Dans ce cadre réglementaire, chaque couvoir reste libre du choix de la méthode de sexage. Plusieurs existent. Interrogé, Maxime Quentin, directeur scientifique de l’Itavi, explique : « Ces technologies sont quasi-matures pour une utilisation optimale dans les couvoirs. De plus, comme les dispositifs sont basés sur l’intelligence artificielle, le traitement de gros volumes d’œufs permettra de gagner progressivement en efficacité et réduire le taux d’erreur. » Au moins trois technologies de sexage vont être utilisées en France, précise-t-il. La méthode développée par l’entreprise allemande AAT (Agri Advanced Technologies) qui est une analyse spectrale, donc non invasive, basée sur le dimorphisme sexuel de la couleur des plumes existant chez les souches brunes de pondeuses à 13 jours d’incubation. Si elle n’est utilisable que pour certaines souches, c’est la méthode la plus rapide. Le taux d’erreur est de 4 %. La technologie Seleggt a été développée dans le cadre d’un partenariat entre l’université de Leipzig, le fournisseur néérlandais de matériels Hatchtech et le distributeur allemand Rewe. Il s’agit de prélever du liquide allantoïdien pour un dosage hormonal (oestrogènes) à 9 jours d’incubation. Elle est utilisable pour toutes les souches. Le taux d’erreur est de 2 à 3 %. Enfin, une nouvelle méthode développée par la start-up allemande Orbem qui est basée sur l’analyse d’images d’IRM des gonades à 14 jours d’incubation. Ici, le taux d’erreur serait proche de 0, avec une machine utilisable pour toutes les souches.

À ce stade, la filière palmipèdes à foie gras n’est pas concernée alors qu’environ 30 millions de canetons femelles sont tués chaque année, les mâles étant utilisés pour la production de foie gras et de magret. Plusieurs entreprises ont cependant déjà pris les devants et 3 couvoirs ont déjà déposé des projets de sexage in ovo au titre de France Relance.

Des exceptions

La mise à mort des poussins reste possible dans certains cas : à des fins scientifiques, et surtout pour l’alimentation animale (parcs zoologiques notamment). Cela concerne les poussins mâles qui ne seraient pas détectés par la machine, les poussins et embryons refusés dans les couvoirs et les animaux blessés. Il s’agira certainement d’une euthanasie gazeuse, étant donné que le nourrissage des animaux de zoos nécessite de disposer d’un corps en entier.

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