Paratuberculose : et si la vaccination avait finalement un intérêt épidémiologique ? - La Semaine Vétérinaire n° 1931 du 08/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1931 du 08/02/2022

Conférence

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Face aux nombreux défis (économiques et sanitaires) posés en élevage par la paratuberculose des bovins (Mycobacterium avium paratuberculosis), les programmes de contrôle et de lutte sont contraignants et coûteux à mettre en place. C'est pourquoi, à l'occasion d'un webinaire organisé par l'UMT Pilotage de la santé des ruminants le 19 janvier 2022, le conférencier Fabien Corbière (Professeur pathologie des ruminants, ENVT) a présenté les derniers résultats obtenus dans des élevages bovins laitiers ayant mis en place un plan de maîtrise de la paratuberculose incluant la vaccination.

"La paratuberculose est une entérite chronique, contagieuse et infectieuse due à Mycobacterium avium paratuberculosis (MAP), dont la maîtrise et la prévention reposent actuellement sur l’élimination des animaux infectés excréteurs et la réduction de l’exposition des jeunes et, dans les prochaines années, la sélection génétique", a indiqué le conférencier, Fabien Corbière (ENVT, INRAE) lors d'une conférence donnée le 19 janvier 2022. Or, pour éliminer précocement les animaux infectés excréteurs, les tests diagnostiques ante mortem existants ont des performances diagnostiques limitées.

De fait, les plans de maîtrise qui reposent sur le « test and cull » sont longs, contraignants et souvent peu efficaces. La réduction de l’exposition des jeunes, les plus sensibles à l’infection, est elle aussi contraignante, et par ailleurs impossible à mettre en œuvre en élevage allaitant. Les programmes de recherche Paradigm (APIS-GENE GDS) et PICSAR (INRAE) ont permis d’identifier des marqueurs génétiques associés à la forme clinique de la maladie permettant d’envisager prochainement des index génomiques en race prim'holstein. Les résultats doivent être consolidés en race normande et les marqueurs génétiques de sensibilité/résistance restent à définir dans les autres races, notamment allaitantes.

En France, il est possible de vacciner les petits ruminants avec le vaccin Gudair (ATU depuis 2009) et les bovins avec le vaccin Silirum (AMM depuis fin 2014). De nombreux essais de terrain ont été menés avec d’autres vaccins, administrés avant 1 mois d’âge, avec des résultats majoritairement favorables. Face au manque de données, les questions restent en suspens quant aux effets du vaccin Silirum sur la probabilité et l’intensité d’excrétion fécale. La question de l’âge à la vaccination est aussi importante car, en pratique, il n’est pas toujours facile de réaliser une administration au plus jeune âge. 

Dans ce contexte, une étude de suivi longitudinal, présentée par Fabien Corbière, a été mise en place dans la Meuse dans 7 élevages bovins laitiers volontaires, infectés par la paratuberculose, en collaboration avec l’UMR INRAE-ENVT IHAP, le GDS 55 et le GTV 55. Dans ces élevages, 372 vaches vaccinées (première génération) et 265 non vaccinées (dernière génération) contemporaines ont été suivies d’avril 2018 à janvier 2021, à partir de leur deuxième lactation. Les vaches vaccinées suivies dans le cadre de cette étude avaient été vaccinées entre 1 et 12 mois d’âge (médiane 4,4 mois). Des analyses sérologiques (ELISA kit ID Screen paratuberculosis screening) et de fèces (qPCR Adiavet ParaTB real time et quantification MAP dans les fèces) ont été réalisées sur les animaux suivis dans ces élevages.

L’analyse des 1020 échantillons de fèces par qPCR a révélé la présence de 276 échantillons positifs (23%), la plupart avec une charge bactérienne faible. En comparant la fréquence et le niveau d’excrétion fécale de MAP des animaux en fonction de leur statut vaccinal, les chercheurs ont constaté, en tenant compte de l’âge de l’animal, du jour de lactation, du statut sérologique de l’animal ainsi que de l’âge à la vaccination, qu’il n’y avait pas d’effet de l’âge de l’animal sur la probabilité d’excrétion fécale de MAP, mais qu’il existait un effet d’élevage très important. Les résultats montrent que les animaux non vaccinés séropositifs excrétaient plus fréquemment que les autres, et à des niveaux plus élevés. Des niveaux d’excrétion élevés ont cependant aussi été mis en évidence chez des vaches constamment séronégatives.

Par ailleurs, en comparaison des vaches non vaccinées séronégatives prises comme référence, une réduction significative de la probabilité d’excrétion a été observée chez les vaches vaccinées avant 4 mois d’âge, mais pas chez celles vaccinées plus âgées. Par ailleurs, les chercheurs ont également mis en évidence une augmentation de l’intensité d’excrétion en fonction de l’âge, notamment chez les vaches de plus de 5 ans, et ce quel que soit le statut vacciné ou non de l’animal ou l’âge à la vaccination. Enfin, l’âge à la vaccination influençait fortement le statut sérologique, les animaux vaccinés avant 4 à 6 mois d’âge étant moins fréquemment séropositifs à l’âge adulte.

En définitive, comme l'a indiqué Fabien Corbière, la vaccination des bovins avec le vaccin Silirum pourrait avoir pour effet global de réduire la probabilité d’excrétion chez les animaux vaccinés jeunes. Cet effet a été démontré pour les animaux de moins de 4 mois, mais l’âge optimal de vaccination reste à déterminer.

De plus, les éleveurs étaient unanimes sur le fait que la mise en œuvre de la vaccination a conduit à une réduction voire une disparition des cas cliniques de paratuberculose ainsi qu’à une amélioration de la productivité et de la longévité des animaux. En effet, la disparition des cas cliniques ou subcliniques a conduit à une hausse de la longévité des animaux même si le problème de la hausse de l’excrétion fécale de MAP chez les animaux de plus de 5 ans pose la question de l’opportunité d'effectuer un rappel de vaccination. Toutefois, comme l'a noté le conférencier, "ces résultats sont obtenus dans des élevages dans lesquels, outre la vaccination, des mesures hygiéniques ainsi que l’élimination des animaux positifs lors des prophylaxies annuelles ont été mises en place, indépendamment de notre étude. Se pose donc la question de savoir si les plans de maîtrise de la paratuberculose basés uniquement sur la vaccination permettraient de réduire la prévalence de la maladie en élevage." 

Les résultats des analyses sérologiques réalisées dans le cadre de la prophylaxie annuelle indiquent que chez les vaches non vaccinées, les incidences sérologiques sont faibles ou nulles, avec pourtant, la persistance d’animaux excréteurs, 3 à 4 ans après la mise en place de la vaccination, montrant, selon Fabien Corbière, la limite des mesures non vaccinales de maîtrise. L'élimination des animaux identifiés comme excréteurs semble donc être une mesure utile mais non suffisante. Il pourrait ainsi exister un bénéfice supplémentaire à vacciner les jeunes animaux, la probabilité significativement réduite d’excrétion observée à l’âge adulte chez ces animaux permettant de limiter l’expression clinique et la pression d’infection.

  • 1 Sanchez MP, Guatteo R, Davergne A, Saout J, Grohs C, Deloche MC, Taussat S, Fritz S, Boussaha M, Blanquefort P, Delafosse A, Joly A, Schibler L, Fourichon C, Boichard D. Identification of the ABCC4, IER3, and CBFA2T2 candidate genes for resistance to paratuberculosis from sequence-based GWAS in Holstein and Normande dairy cattle. Genet Sel Evol. 2020 Mar 17;52(1):14. doi: 10.1186/s12711-020-00535-9. PMID: 32183688; PMCID: PMC7077142.
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